Une histoire nous entraîne dans son propre temps. Elle a le pouvoir de muter nos considérations d’ici et maintenant en un temps nouveau.
Notre corps occupe toujours notre réalité (du moins son espace-temps) mais notre pensée, nos sentiments, notre imagination (en fait, ce que nous sommes vraiment) sont quelque part ailleurs.
Lorsque vous êtes plongés dans une histoire, vous arpentez des rues ou des allées, suivez des chemins forestiers ou vagabondez le long de plages au sable fin.
Vous êtes dans un monde de fiction et vous partagez les aventures, les pensées et les émotions des êtres de ce monde imaginaire.
Il y a là des personnages que vous avez appris à connaître et à aimer ou détester. Certains ont dit qu’une histoire est comme un rêve éveillé. Etre immergé dans une fiction, c’est accepter la réalité de l’histoire.
Si l’auteur que vous êtes décide d’écrire de l’horreur, vous apporterez à vos lecteurs non pas un rêve éveillé mais la réalité d’un cauchemar bien réel. Votre intention est de créer du frisson autant du corps que de l’âme et parfois même vous tenterez de retourner l’estomac de vos lecteurs.
Comment y parvenir ?
Ce n’est pas seulement une question d’imagination. Aucune muse n’est spécialisée dans un genre ou l’autre. L’imagination vous permet d’avoir une idée pour une histoire horrifique mais elle n’est pas assez puissante pour arracher le lecteur, le déraciner pour l’emmener vers l’horreur.
Pour transformer une prémisse horrifique en une histoire d’horreur, il faut prendre des morceaux de notre réalité pour créer et peupler un univers horrifique.
C’est en situant votre histoire dans des lieux bien réels, qui existent vraiment, que vous pourrez exsuder de ces lieux les miasmes des terreurs, des angoisses, des frayeurs… tapies dans les profondeurs obscures de notre esprit.
De même, c’est en piochant chez des personnes réelles que vous allez construire les personnages de votre monde.
Ce peut être des personnes que vous connaissez, que vous ne connaissez pas ou bien vos personnages sont des composites de personnalités bien réelles.
Vous pourrez dénicher dans les tréfonds de vos personnages issus d’individus bien réels toute l’horreur dont est capable l’humanité.
Par essence, une bonne fiction est crédible. C’est un mensonge mais elle est crédible.
On doit pouvoir se dire : Ok, vu les circonstances, cela pourrait arriver. Et on doit pouvoir le dire quel que soit le genre de l’histoire (y compris l’horreur).
Juste une question de crédibilité
Y compris l’horreur, effectivement. Votre lecteur vous dit : Ok, je veux être effrayé, je veux avoir peur. Que votre histoire parle de surnaturel, de paranormal, d’occulte, d’histoires d’horreur, qu’elle mêle l’étrange ou qu’elle prenne les libertés les plus folles, votre lecteur est prêt à entrer dans votre cauchemar éveillé et y rester.
Ils sont prêts à suspendre leur incrédulité et à vous suivre avec vos loups-garous ou vampires ou quoi que ce soit d’autres qui en d’autres circonstances succomberaient sous le joug de la raison.
Vous bénéficiez d’un avantage que vous ne devez pas gâcher. Par un acte d’imagination ou d’acceptation, votre lecteur s’ouvre à l’inconcevable. Cet inconcevable s’accompagne d’une condition cependant : il doit être comparable à la vraie vie.
En aucun cas, le lecteur doit se dire qu’il s’agit d’un mensonge parce que vous perdrez le bénéfice de sa crédulité.
Contexte et personnages
Le contexte et les personnages sont les clés. Toutes les fictions ont un contexte (un monde bien à elles) et des personnages.
Et si ceux-ci répondent à leurs problèmes ou aux situations conflictuelles de façons crédibles, alors l’intrigue se créera presque toute seule. Et dès que vos lecteurs vivent au rythme de votre intrigue, ils sont dans l’histoire même s’il y a des zombies partout.
Une règle élémentaire pour que vos zombies ou tout événement étrange ou surnaturel fonctionnent sans que vos lecteurs ne rechignent à leur présence est de les inscrire dans un contexte que vous connaissez.
Vous devez vous livrer à un travail de recherche documentaire sur les lieux où vous allez décrire vos événements. Si vous vous sentez inspiré par un manoir gothique, il est fortement recommandé de vous documenter le plus possible sur tout ce qui entoure le concept des manoirs gothiques afin d’en tirer l’essence susceptible de générer l’horreur.
Il en est de même pour la situation géographique des événements. Il est préférable que vous connaissiez les lieux où ils se produisent.
Et c’est d’ailleurs plus facile de faire passer l’étrange dans des endroits familiers des lecteurs.
Ainsi, vous pourrez réserver la puissance de votre muse pour illustrer d’autres choses. Vos lecteurs auront des points de repère tels qu’un centre commercial que des zombies envahissent. Il n’y a rien de plus banal qu’un centre commercial.
Cela connecte vos lecteurs avec la normalité. Cette connexion est alors apte à faire accepter la présence des zombies.
Des lieux communs
J’en reviens un instant au manoir gothique. Si vous situez l’action dans une atmosphère inquiétante, épaisse tels qu’une chambre de tortures, un marais à la brume mauvaise ou dans le cimetière d’une église vouée à Satan, dites-vous aussi que le lecteur est en terrain connu.
Ce sont des lieux archétypaux aux origines inscrites dans notre psyché et qui se sont construits au cours de millénaires de cultures. Ces lieux emportent avec eux une appréhension.
Le lecteur anticipe quelque chose d’atroce, d’hideux ou simplement de mauvais en ces lieux. Vous vous devez de leur procurer.
Maintenant, lorsque l’ordinaire est envahi par quelque chose d’extraordinaire, l’horreur surgit.
C’est peut-être seulement la peur de l’inconnu mais il doit y avoir plus dans les raisons qui nous font succomber à la peur devant quelque chose que nous ne comprenons pas.
Et c’est ainsi que l’intrusion de l’extraordinaire, de l’épouvantable inhabituel dans la vie de personnages ordinaires et crédibles font les fictions les plus choquantes.
Des personnages qui ne sont pas seulement de fiction
Un personnage de fiction et tout autant dans le genre horrifique doit avoir chaque pore de sa peau imaginaire imbibé de vie.
Et il doit être individualisé comme toutes ces personnes de votre vie, de votre expérience de vie qui vous ont inspiré ce personnage.
Et pourquoi ? parce que vos lecteurs doivent être concernés par ce personnage. Ils doivent s’inquiéter pour lui. Bien sûr, les lecteurs ne le formulent pas ainsi mais lorsqu’on suit un personnage attachant, humain, on a envie de savoir ce qui lui arrive. On éprouve ou du moins on peut comprendre ses joies, ses peines, ses doutes, ses contradictions. Il n’est plus un inconnu. Le temps d’une fiction, il est humain.
Le genre horrifique est parfois pratiqué dans l’oubli du personnage. C’est une erreur car si vous ne parvenez pas à créer l’empathie autour d’un personnage, le public se moquera de ce qui peut lui arriver.
Et tous vos effets horrifiques ne feront que brasser du vent.
Que vos lecteurs aiment ou détestent votre personnage est ce que vous devez rechercher. Si vous ne construisez pas vos personnages, les lecteurs seront indifférents et au mieux frustrés.
A lire sur la construction du personnage :
. SYD FIELD : CONSTRUCTION DU PERSONNAGE – PART 1
. SYD FIELD : CONSTRUCTION DU PERSONNAGE – PART 2
. SYD FIELD : CONSTRUCTION DU PERSONNAGE – PART 3
. SYD FIELD : CONSTRUCTION DU PERSONNAGE – PART 4
Une connaissance intime avec vos personnages
Il est certain que vous devez connaître mieux vos personnages que n’importe lequel de vos lecteurs. Ceux-ci ne percevront probablement que quelques facettes de leurs personnalités à moins que vous développiez une série télévisée qui vous laissera le temps d’explorer vos personnages pour votre public.
En tout cas, vous devriez être le confident, l’ami intime, même un psy avec eux. Il n’y a rien qu’ils peuvent vous cacher. Vous devriez même savoir des choses sur eux que eux-mêmes ignorent.
Ce n’est pas grave si vous décidez que votre personnage adore la mayonnaise et que cela n’a absolument aucune incidence sur l’intrigue. Ce qui est important en faisant ce choix pour votre personnage, c’est que vous participez à sa construction dans les trois dimensions. Vous en faites un être humain.
Votre personnage doit avoir une personnalité distincte tout comme vous en possédez une. C’est ce conseil que vous retrouverez tout au long de Scenar Mag.
Nous ne faisons que nous répétez mais cette fois, nous insistons pour que vous compreniez bien que l’horreur est tout comme d’autres genres et qu’il lui faut des personnages bien travaillés, à plusieurs couches comme disent les anglo-saxons.
En quelques mots, vous insufflez à vos personnages un souffle de réalité.
A lire :
MISHA GREEN & LE THRILLER HORRIFIQUE