SYD FIELD : CONSTRUCTION DU PERSONNAGE – PART 2

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Seconde partie de notre étude sur la construction du personnage selon SYD FIELD : CONSTRUCTION DU PERSONNAGE – PART 1.La première partie se trouve ICI.

Nous avions vu lors du précédent article que 4 éléments dramatiques ou qualités permettaient de construire un personnage.
La première qualité est la nécessité d’un besoin dramatique qui façonne la motivation et pousse le personnage  à agir.

Le point de vue

Le second élément dont il faut tenir compte dans la construction d’un personnage est le point de vue.

Le point de vue est simplement la façon dont on voit le monde. Il se forge selon un système de croyances, de valeurs. Selon ce qui compose ce système, deux points de vue sur le monde ne sont jamais les mêmes.
Cette diversité est le pain béni des auteurs.

Le monde est comme nous le voyons c’est-à-dire que nos pensées, nos sentiments, nos émotions, nos souvenirs se reflètent à l’extérieur. Nous les projetons sur l’extérieur et nous construisons une réalité.

Ce n’est pas une véritable réalité mais une réalité façonnée à partir de nos expériences de vie et de tout ce que les découvertes sur la cognition ont pu apporter à ce domaine.

Le point de vue est singulier, unique à chaque individu. Nos expériences personnelles le nourrissent et s’en nourrissent. Le point de vue se manifeste dans nos actions de tous les jours.

Le point de vue concrètement

Vous avez créé une situation. Vous placez séparément deux de vos personnages dans cette situation.
Et chacun d’eux réagira différemment. Leur vécu (dans le présent de la narration ou leur biographie) impose une action différente pour chacun des personnages dans une situation donnée (ce qui apporte sans nul doute de la richesse aux scènes décrites).

Pour Syd Field, après avoir choisi un besoin dramatique pour le personnage principal de votre histoire, et éventuellement quelques autres besoins selon les exigences de votre casting fictif, l’auteur doit se demander quels sont les points de vue de ses personnages.

Le point de vue se manifeste par les réponses que votre personnage donne. Si celui-ci est un écologiste ou un humaniste ou un raciste, il agira différemment selon les circonstances.
S’il croit en la destinée ou que l’on ne peut échapper à ce que nous sommes ou s’il est un personnage empreint de spiritualité ou au contraire ne croit pas en Dieu, ses actions et réactions seront encore différentes.

Le point de vue n’est pas un jugement de valeur

Une chose importante à noter lorsque vous créez un personnage surtout si c’est le méchant.
Ne portez pas de jugement car le point de vue n’est ni bon, ni mauvais. C’est une question de croyances personnelles : nous posons comme vrai ce en quoi nous croyons.

Le méchant d’une histoire ne juge pas que ses actes sont mauvais. S’il agit ainsi, c’est parce qu’un système de valeurs est tissé dans la fabrication de ce personnage. Lui, il est persuadé de bien agir selon son point de vue.
Le méchant de l’histoire ou même le héros (pourquoi pas ?) pourrait juger que ce qu’il fait est un mal nécessaire mais il est persuadé de la nécessité et du bien-fondé de ce mal.
Cela n’offusque pas ses valeurs. La moralité d’un acte est jugé à l’aune du regard d’autrui.

Un générateur de conflit

Bien connaître le point de vue de chacun de vos personnages est un outil excellent pour générer du conflit. S’il est un élément dramatique indispensable, le conflit est en tête de file.

Dans Les Evadés de Frank Darabont, les années de prison ont fait de Red un être cynique pour lequel le mot espoir n’a aucun sens.
« Hope is a dangerous thing. Drives a man insane. It’s got no place here. Better get used to the idea. »
L’espoir est une chose dangereuse. Rend fou un homme. Il n’a rien à faire ici. Vaut mieux s’habituer à cette idée.

Cependant, le parcours dramatique (ou arc dramatique) de Red le mènera à comprendre que l’espoir est malgré tout une bonne chose.
Andy a un point de vue complètement différent sur l’espoir. Il est persuadé qu’il y a en chacun de nous quelque chose (pas grand chose) qu’ils ne pourront jamais touché. Et c’est cela qui lui fait supporter la prison.

Le comportement

Le comportement (ou attitude comme dit Syd Field) est différent du point de vue. Contrairement à ce dernier, l’attitude est la conséquence d’un jugement. C’est donc une décision intellectuelle qui est prise par la personne.

Cette personne (et donc votre personnage) juge qu’une chose est bonne ou mauvaise, positive ou négative. Répondre par de la colère ou du plaisir face à un événement est une attitude. Etre cynique ou naïf, se sentir inférieur ou supérieur vis-à-vis des autres, être par nature pessimiste ou optimiste sont encore des manières d’être.

C’est toujours une forme de jugement lorsqu’une personne est convaincue d’avoir raison et que les autres ont tort.
Ou bien qu’une situation est toujours bien ou mal vécue par une personne car elle juge elle-même que cette situation est bonne ou mauvaise pour elle.
Ce qui n’est pas nécessairement l’idée que se font les autres personnes de cette situation.

Connaître le comportement d’un personnage (c’est-à-dire comment il est dans son quotidien et les raisons de cette façon d’être), vous permet de toucher du doigt son humanité.
Ce qui vous permettra dans le même mouvement (peut-être via l’arc dramatique du personnage) de réussir à exprimer qui est vraiment ce personnage.

Point de vue et comportement sont différents

Prenons l’exemple du préjugé sur les blondes. Vous avez créé une jeune femme blonde dont le comportement manifeste vis-à-vis des autres toutes les caractéristiques de ce préjugé imbécile.

Si, lors de la création de ce personnage, vous avez compris pourquoi cette jeune femme accepte de se tourner ainsi elle-même en ridicule, vous pourriez alors travailler son arc dramatique de telle manière que celle-ci finisse par accepter qui elle est vraiment. Le personnage devient alors très intéressant à suivre.

Syd Field ajoute cependant une réflexion très importante pour un auteur. Il est en effet parfois difficile de définir séparément le point de vue et le comportement.

Mais pourquoi s’acharner à vouloir créer plusieurs pages (au cours du travail préparatoire sur le personnage) concernant son point de vue et par ailleurs autant de pages relatives à son comportement général. Cela n’a en fait aucune importance dans le résultat final.

Tout ce qu’un auteur a à faire est de distinguer le point de vue et les attitudes lorsqu’il crée son personnage. Le personnage se révèle être un Tout, vous manipulez un Tout. Vous inventez, vous donnez une vie à un Tout. Mais ce Tout est quelque chose qui provient de quatre parties différentes qui combinées entre elles forment un Tout (qui lui est différent des parties qui le composent).

Ce n’est pas la partie qui compte. C’est votre personnage tel qu’il s’impose à vous qui importe. Donc, si vous ne savez pas si un trait de caractère est davantage un point de vue qu’un comportement dans une situation donnée, ce n’est pas grave. Vous savez qu’il y a des points de vue et des attitudes à l’œuvre chez votre personnage et s’il réagit d’une façon et non pas d’une autre face à des circonstances spécifiques, c’est ce que verra votre lecteur.

La transformation

Le quatrième élément à fusionner dans un personnage est la transformation de la personnalité de celui-ci au cours de l’histoire. Il subit un changement.

Le personnage suit un arc émotionnel entre le début et la fin de l’histoire. Si nous reprenons l’exemple de la blonde, cet arc émotionnel pourrait passer par une acceptation de la jolie poupée blonde que les hommes manipulent physiquement et psychologiquement au sentiment (après quelques vicissitudes et prises de conscience) d’être aimée pour ce qu’elle est vraiment.

L’acceptation passive de sa condition de poupée s’est transformée d’abord en rébellion.
Puis par la découverte et la nouvelle acceptation qu’elle pouvait aimer et être aimée en retour pour la personne qu’elle est.
Et non plus pour cet assemblage harmonieux renvoyant une image qu’elle n’assumait pas.

Quant à Syd Field, il cite de nouveau Les Evadés :
Andy a passé près de dix neuf années en prison lorsqu’il apprend qui est le meurtrier de sa femme et de l’amant de celle-ci.

Lorsqu’il comprend que le directeur de la prison ne l’aidera pas à faire réviser son procès et que Tommy, le témoin qui pouvait le disculper, est assassiné, il réalise que le directeur ne le lâchera pas.

Andy s’est toujours senti coupable bien qu’il n’ait tué personne.
Et comme le lui dit Red, il se sent coupable non pas d’avoir appuyé sur la gâchette mais d’avoir été un mauvais mari.

Maintenant qu’il estime avoir fait son temps, il réalise que le moment est venu pour lui d’être libre de nouveau. C’est sa rédemption. D’ailleurs, comme on l’apprendra plus tard, cela fait déjà longtemps qu’il préparait son évasion.

Nécessité de l’arc dramatique ?

Bien sûr, affubler chaque personnage d’un arc dramatique n’est pas une obligation.
Et ce serait même une perte de temps si la fonction du personnage n’exige pas une telle transformation. Mais pour un personnage principal, ne pas travailler son arc dramatique est une erreur.

Même James Bond qui n’évolue pas puisque par nature, il est présumé parfait (quoique cette façon de présenter le personnage soit moins d’actualité depuis Daniel Craig), il n’en reste pas moins que par sa seule présence, il énergise la transformation d’un autre personnage (même si celui-ci est dans le camp ennemi).

Pour vous donner une idée de ce à quoi ressemble un arc dramatique, souvenez-vous de Melvin dans Pour le Pire et Pour le Meilleur de Mark Andrus et James L. Brooks
melvinNicholson

Ce changement, cette transfiguration de nous-même fait partie de notre humanité. Nous avons tous en nous un peu de Melvin. Melvin peut paraître complexe et fastidieux mais son besoin dramatique ne s’exprime jamais mieux lorsqu’il avoue à Caroll
« When I’m with you I want to be a better person. »
Quand je suis avec toi, je veux être une meilleure personne.

Devenir un être meilleur

C’est à cela que doivent tendre vos personnages : être meilleurs à la fin de l’histoire qu’ils ne l’étaient au début de celle-ci. Nous ne sommes peut-être pas capables de réussir cette transfiguration mais vos personnages principaux, eux, ne peuvent y échapper.
Si vous parvenez à forcer un changement émotionnel chez votre personnage, vous créez un arc comportemental et vous ajoutez une dimension supplémentaire à la construction de votre personnage.

Pour vous aider à concevoir cet arc, écrivez une page ou deux sur l’évolution que doit connaître votre personnage principal.
Rendez compte des étapes qui vont concrétiser cette évolution et les événements et les actions qui retracent ce changement dont l’aboutissement fera de votre personnage principal un être meilleur. Il peut même mourir si c’est la seule solution pour lui d’être sauvé.

Pour suivre d’autres articles sur Syd Field, reportez-vous à la page qui lui est dédiée :
Syd Field

A lire :
SYD FIELD : CONSTRUCTION DU PERSONNAGE – PART 1
SYD FIELD : CONSTRUCTION DU PERSONNAGE – PART 3
SYD FIELD : CONSTRUCTION DU PERSONNAGE – PART 4

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