MICHAEL HAUGE & L’OPENING IMAGE

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dramatiquesPour Michael Hauge, l’Opening Image est l’incitation initiale qui va donner envie au lecteur de tourner la page. L’idée est que vous captiez l’attention de votre lecteur au cours des dix premières pages du scénario. Mais comment faire ?

Il faut comprendre que vous ne faites pas un discours mais bel et bien une fiction. En conséquence, votre lecteur doit être sur le plan émotionnel comme s’il était dans un grand huit. Votre lecteur doit d’abord ressentir. Ensuite, si l’envie lui en prend, réfléchir.

Michael Hauge parle au nom d’Hollywood mais il en est probablement de même ailleurs dans le monde. Si les décideurs ne sont pas accrochés avec les dix premières pages de votre scénario, il n’iront pas plus loin. Considérez vos 10 premières pages comme un test de passage.

Les 3 buts d’une séquence d’ouverture
  1. Attirez le lecteur dans l’histoire

Vous avez créé un monde fictionnel. Votre travail consiste maintenant à prendre le temps de basculer votre lecteur du monde réel vers l’univers de fiction qui est le vôtre. Ne précipitez pas cette phase.

Commencez par mettre en place la situation initiale en la saupoudrant de deux ou trois détails choisis qui laisseront une empreinte forte dans l’esprit du lecteur. Michael Hauge prend l’exemple d’un appartement jonché de boites de pizza et de mégots de cigarettes avec des photos de Pamela Anderson ornant tous les murs.

C’est une image bien plus saisissante qu’un simple :
INT.  APPARTEMENT – NUIT
et ces détails donnent des informations très précises et non ambiguës sur le locataire de cet appartement.

Une scène d’ouverture assez classique consiste à montrer un plan large (souvenez-vous que vous utilisez des mots pour décrire des images, ce sont deux notations distinctes au sens linguistique) du lieu où vous allez situer l’action ou pour donner un ton à votre histoire ou définir le genre de celle-ci.

Hauge donne l’exemple de l’ouverture de Working Girl.
Un matin tôt à New York. Des vues d’hélicoptère autour de la statue de la Liberté à l’aube, en commençant par le visage et le bras dans le sens inverse des aiguilles d’une montre, tout en se retirant en spirale pour révéler la multitude de quartiers entourant Gotham en arrière-plan, dont le New Jersey, et les arrondissements de Staten Island et Brooklyn. Nous abandonnons l’image de la statue de la Liberté et plongeons dans la perspective du doux ciel du matin répandre la lumière dans les rues caverneuses de la ville déjà très animée.

Et des routes enneigées du Minnesota dans Fargo.

Puis une seconde scène resserre le lieu de l’action comme pour créer un mouvement (une sorte d’effet venturi) qui va entraîner le lecteur dans son flux pour l’impliquer davantage dans la situation décrite.
Cette seconde scène est Staten Island Ferry pour Working Girl et un bar dans une petite ville pour Fargo.

Ce n’est qu’après avoir mis le lecteur dans son univers que l’auteur peut continuer ensuite avec l’action. Si les deux films pris en exemple n’avaient pas bénéficié de ces plans larges de l’établissement de l’ambiance générale de l’histoire, il aurait été plus difficile de trouver l’engagement du lecteur dans la fiction et plus difficile pour lui de comprendre les motivations des principaux personnages.

Evidemment, Michael Hauge précise que les exemples ci-dessus sont des exemples destinés à vous donner une idée sur le type d’Opening Image avec lequel vous pourriez commencer. L’idée est d’immerger immédiatement votre lecteur dans l’univers que vous avez créé avant de lui en demander plus lorsque vous introduirez vos personnages.

2. Introduisez votre héros

Un petit rappel : lorsque vous introduisez vos personnages, faites-le un à la fois avec des descriptions individuelles donnant à chacun une action spécifique. Rencontrez des personnages dans un scénario est comme rencontrer des personnes lors d’une soirée. Si on vous en présente trop à la fois, vous serez incapable de vous souvenir de chacun d’entre eux.

Une fois que votre lecteur est immergé dans votre histoire, il est temps de vous préoccuper de l’identification de celui-ci avec votre personnage principal.
Cette identification ne consiste pas à faire vivre à votre lecteur une vie de fiction par procuration. Vous devez parvenir à établir un lien psychologique entre le héros et le lecteur. Le lecteur ne se met pas à la place du héros, il éprouve les sensations du héros soit par reconnaissance, soit par compassion. Il ne l’observe pas, il participe à la vie émotionnelle du protagoniste.

C’est lorsque ce lien sera solidement en place que votre lecteur pourra accompagner votre héros dans son aventure (ou journey comme l’aime l’appeler la littérature anglo-saxonne).
Ce lien n’est rien d’autre que d’éprouver de la compassion ou au moins de la sympathie pour le personnage. Vous devez décrire des situations ou des actions qui feront que le lecteur éprouvera un sentiment d’inquiétude ou une passion quelconque pour le personnage.

Cet élan sympathique envers le personnage intervient avant que vous ne commenciez à dévoiler des informations sur la faiblesse majeure de la personnalité de votre personnage principal. Ce défaut, cette faille est d’importance car elle est à la source du blocage qui entrave le héros vers la réussite de son projet. Elle devrait être même considérée plus inhibant que la menace extérieure représentée par l’antagoniste.

Comment faire en sorte que votre lecteur éprouve de la sympathie ou de la compassion envers votre héros ?

  • Celui-ci pourrait être l’objet d’une injustice scandaleuse ou horrible comme dans Braveheart ou La Couleur Pourpre.
  • Un péril immédiat pourrait le menacer. La proximité d’un danger ne laisse jamais indifférent et c’est un bon moyen d’accrocher un lecteur, même ce qui peut être ressenti comme une menace ou ce qui crée un malaise, une ambiguïté sur la situation, peut mener à un rapprochement entre le lecteur et le héros.
  • Le personnage nous fait rire. Le rire crée une sympathie immédiate envers une personne ou du moins, elle nous met en bonnes dispositions envers elle. Le rire ouvre une porte ou rompt la glace comme le veut l’expression.
  • Le personnage possède des compétences qui le distingue de la masse. Cette distinction est apte à créer un lien par reconnaissance souvent d’une qualité qui fait défaut chez le lecteur et dont celui-ci prend plaisir à s’affubler le temps d’une fiction. Le héros de Mission Impossible est en mesure de provoquer une telle alchimie chez le lecteur.
  • Le héros est tout simplement généreux, agréable. Il attire naturellement la sympathie.

Une chose à noter est qu’inconsciemment, le premier personnage qu’un lecteur découvre devient pour lui le personnage principal (le protagoniste) de votre histoire. Alors à moins que vous ne décidiez autrement pour des raisons personnelles, faites en sorte que le premier personnage qui est effectivement décrit (par ses actions, par une situation où il est central à l’action) soit le héros de votre histoire.

De même, lors de sa description, donnez les détails (façons de s’habiller, maniérisme, les attitudes) qui vont aider à transmettre l’essence de ce personnage.

Si l’un de vos personnage doit connaître une évolution de sa personnalité (ou arc dramatique) au cours de votre histoire, vous devriez commencer ce processus immédiatement. Demandez-vous ce qui effraie ce personnage (c’est-à-dire ce qui provoque chez lui un sentiment de peur, une frayeur) et ce que ce personnage fait pour éviter de confronter cette peur, cette angoisse.
Vous obtiendrez ainsi un conflit intérieur (ou Inner Motivation comme le nomme Michael Hauge) que vous pourriez présenter ou exposer dans votre Opening Image.

Dans Nuits blanches à Seattle de Nora Ephron, David S. Ward et Jeff Arch, nous apprenons dans les trois premières minutes du scénario que Sam Baldwin a perdu sa femme, qu’il n’en a pas fait le deuil et qu’il se coupe de lui-même de tout risque émotionnel en se disant à lui-même que cela n’arrivera pas deux fois (« It just doesn’t happen twice. »).
Un thème clé sous-jacent de cette fiction est ainsi amené dans ces quelques scènes d’ouverture.

3. Fixez le ton du film

Pour Michael Hauge, le style de prose que vous allez employer pour l’action, les descriptions ou les dialogues devrait établir l’ambiance, l’atmosphère de votre fiction. Si vous écrivez une comédie, quelque chose d’amusant devrait avoir lieu assez rapidement et le ton devrait être plutôt léger et bien souvent en adoptant un rythme tranquille.
Inutile que les choses se précipitent pour arracher le rire.

Les scénarios d’action ou les thrillers ont généralement un rythme rapide. Pour traduire ce rythme, utilisez des phrases et des paragraphes courts et choisissez une Opening Image axée soit sur la violence, soit sur le suspense.

dramatiquesDans La fièvre au corps, Lawrence Kasdan ouvre le scénario avec cette phrase :
Flames in a night sky (Des flammes dans un ciel de nuit)
Pour Michael Hauge, cela crée immédiatement une image visuelle provocante établissant une sorte de malaise, d’appréhension, laissant présager d’un élément clé de l’intrigue et qui symbolise la sensualité, le mal et la damnation que s’apprête à rencontrer le héros. Et tout cela juste en quelques mots.

Les 5 types d’ouverture (Opening Image)

Pour que les trois objectifs que nous avons vus dans le paragraphe précédent puissent être réalisés, vous pouvez vous aider des 5 ouvertures classiques que nous vous proposons ci-après :

Le héros en action

Si votre personnage principal est un homme d’action (flic, commandos…), le meilleur moyen d’engager votre lecteur est d’imaginer une Opening Image montrant ce personnage en pleine action.
Comme John Kruger, marshal, qui travaille dans un programme de protection des témoins (L’Effaceur de Tony Puryear, Walon Green et Michael S. Chernuchin).

Hors de l’action

Dans ce cas, le personnage principal n’est pas présenté dans l’Opening Image. Dans un thriller, la séquence d’ouverture nous montrera une scène d’action assez intense mais qui n’implique pas le héros. Souvent d’ailleurs, c’est le méchant de l’histoire qui sera mis en avant dans cette Opening Image.
Après celle-ci, nous rencontrons enfin pour la première fois, notre héros dans sa vie de tous les jours avant qu’il ne soit plongé dans une situation de danger et de violence. Par exemple, deux magistrats de la Cour suprême sont assassinés dans L’Affaire Pélican de Alan J. Pakula, adapté du livre L’Affaire Pélican de John Grisham.

Le prologue

Le prologue consiste à commencer l’histoire avec un événement à l’action assez convaincante et antérieur à l’action principale de la fiction. Cependant, cet événement est nécessaire pour créer une anticipation de ce qu’il va se passer dans l’histoire et qui rend aussi légitimes et crédibles les actions des personnages dans cette histoire.
Nous avons un bon exemple avec Rory Devaney dans Ennemis Rapprochés de Alan J. Pakula.

Le flash-back

Le flash-back ou analepse est différent du prologue en cela qu’il fait référence à des événements lointains. Sur la route de Madison de Richard LaGravenese est un bon exemple cité par Michael Hauge.
L’analepse est très souvent utilisé avec un narrateur qui ouvre et qui ferme aussi l’histoire.

Le quotidien du héros

C’est la façon la plus commune de débuter un scénario, peut-être parce qu’elle offre une variété infinie de possibilités. Beaucoup de scénarios ne mettent pas en avant de multiples rebondissements, une recherche de frissons garantis mais plutôt jouent sur les conflits du quotidien, sur les émotions qu’ils engendrent.

Votre scénario pourrait verser dans le suspense mais avec un héros banal, sans compétence ni caractéristique particulières donc montrer de la violence dans l’Opening Image ne serait pas approprié avec la nature profonde de votre personnage principal mais aussi avec le ton de votre histoire.
Pour accrocher votre lecteur à votre héros, vous devrez alors compter sur le charisme de celui-ci (lorsque vous l’introduirez dans votre scénario), sur les dialogues ou sur la situation initiale. Ces éléments dramatiques sont capables de fournir une accroche suffisante pour que s’installe un lien durable entre votre lecteur et votre héros.

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