Nous avons précédemment vu quelles étaient les motivations les plus fondamentales à faire avancer l’intrigue en poussant le protagoniste à agir dans une direction bien précise. Continuons notre tour d’horizon.
A lire :
QUESTIONS D’INTRIGUE – PART 1
QUESTIONS D’INTRIGUE (LA MOTIVATION) – PART 2
Considérons Catch 22 de Joseph Heller. Cette histoire raconte l’épopée burlesque du capitaine Yossarian, navigateur-bombardier, héros tragicomique, qui tente à tout prix de sauver sa vie en simulant la folie dans un monde qui a perdu la raison. C’est une histoire résolument pacifiste mais ce qui est mis en avant est surtout le caractère irrationnel de l’armée.
Si vous vous souvenez de nos deux précédents articles (cités ci-dessus), vous savez que l’on peut reprendre une intrigue et trouver de la matière nouvelle en se posant simplement la question :
Et Si… ?
Chez Joseph Heller, il s’agit d’une satire féroce de l’armée. Et Si… nous déplacions cet argument dramatique vers le monde des affaires. Dans l’article précédent ICI, nous avons listé des motivations fondamentales qui poussaient le protagoniste à agir.
Nous désirons garder l’absurdité soulevée par Heller mais souhaitons l’appliquer au monde des affaires. Nous devons donc déterminer au moins une motivation pour le héros de notre histoire qui lui permettra d’orienter notre intrigue dans le respect de cette idée. Nous pourrions opter pour la survie (c’est une option possible) mais nous allons compliquer un peu les choses en choisissant le sacrifice personnel.
Notre histoire est donc celle d’un homme d’affaires en but à l’absurdité du monde des affaires et dont la principale motivation est le sacrifice pour un objectif supérieur (du point de vue du héros).
Nous ne sommes pas obligés d’en faire une satire à l’instar de Catch 22. Nous pouvons en faire un drame ou une comédie.
Pour donner de la substance à cette prémisse, il faut maintenant l’épicer en quelque sorte avec un élément dramatique qui va venir se greffer sur elle. Et Si… nous ajoutions une conspiration dont notre héros serait soit la victime, soit l’instigateur (ou au moins dans laquelle il participe).
Chaque histoire (pour être une bonne histoire) doit posséder une intrigue. La motivation qui anime votre personnage principal est le moteur de l’action (c’est ce qui le fait agir). Si c’est une histoire à propos d’une vengeance, d’une trahison ou d’une rivalité (ou bien une combinaison des trois), vous avez le cadre ou le contexte dans lesquels votre histoire se déploiera.
Cependant, il faut polir cette histoire. C’est la fonction des dispositifs dramatiques tels que celui de la conspiration citée plus haut. La conspiration seule ne peut servir de motivation à un personnage par contre, elle vient ajouter du sel à votre histoire en travaillant conjointement avec la motivation principale de celui-ci. Elle apporte de la richesse, de la plénitude.
Une histoire de vengeance est une bonne chose mais si vous précisez que cette vengeance s’accomplit sous le couvert d’une duperie, vous la rendez plus intéressante. De même, si l’ambition anime l’un de vos personnages, Et Si… vous l’illustriez sous le motif de l’imposture, vous enrichissez votre histoire.
Que ce soit une imposture ou bien de la suspicion, cet élément dramatique greffé sur la motivation oriente l’histoire dans une direction. Et rien ne vous interdit d’utiliser plusieurs de ces éléments dramatiques ou en réfuter certains en fonction des besoins de votre histoire.
Nous pourrions aussi citer d’autres motifs tels que celui de la relation entre le professeur Abronsius et son fidèle assistant Alfred de Gérard Brach et Roman Polanski (Le Bal des vampires) et la relation qui existe entre le grand-oncle et son neveu dans Le Majorat de E.T.A. Hoffmann (Contes nocturnes).
Débutons un petit tour d’horizon de ces éléments dramatiques en commençant avec
La duperie (tricherie, mensonge)
C’est un outil dramatique très largement utilisé et toujours avec autant de bonheur. Cet élément dramatique remonte probablement à la légende du Cheval de Troie.
Une autre source est en rapport avec Prométhée.
Lors de l’organisation du sacrifice d’un taureau, Prométhée berna Zeus en faisant deux parts, l’une pour les dieux, l’autre pour les hommes. Celle des dieux était belle et appétissante, pleine de graisse qui dissimulait en fait des os. Celle des hommes était faite de chair cachée sous le rebutant aspect de l’estomac.
Zeus, probablement trompé par la graisse, choisit les os pour les dieux. Depuis, les hommes conservèrent pour eux la chair tendre des animaux sacrificiels et les dieux héritèrent des morceaux les moins honorables.
Il s’agit de supercherie, de double jeu, de tricherie. Il n’est nullement nécessaire de connoter de sombres idées ou motivations pour mettre en place une duperie.
Dans L’espion qui venait du froid de John Le Carré, Alec Leamas a des raisons tout à fait justifiées et ce n’est que vers la fin que nous comprenons qu’il trompait les russes.
Une duperie peut donc parfaitement être légitime sans pour autant conduire à des actions honorables. Et c’est probablement ce qui en fait son charme.
Des actions odieuses, du chantage, de l’extortion, assassinat, ambition démesurée, cupidité ou luxure fonctionnent bien dans un contexte de tricherie, de supercherie ou de mensonges.
La tricherie organisée est un bon tremplin pour construire une histoire d’autant plus qu’elle induit de la tension et du conflit (autres éléments dramatiques nécessaires à une histoire). Le lecteur se demande constamment si cette supercherie réussira, sera fasciné par la mise en place des conditions de la duperie et attendra impatiemment le moment où elle s’accomplira.
A Lire :
QUESTIONS D’INTRIGUE