Contextualisation du décor dans la littérature
Le décor dans la littérature est généralement relégué à un rôle secondaire. On le considère bien souvent comme un simple arrière-plan, une toile de fond immobile où viennent se jouer les drames des personnages. Un rôle de second couteau, si l’on ose dire, qui n’est là que pour encadrer l’action humaine, mais non pour y prendre part.
La fonction première de ces décors, c’est un peu comme si l’on vous disait : Voici, nous sommes à Paris, en l’an de grâce 1920. C’est là fort joli, fort charmant, mais cela ne fait point avancer l’intrigue. Ce paysage n’est qu’un milieu dans lequel évoluent les personnages. C’est un détail anodin, qui peut être esthétiquement agréable, mais qui ne peut pas changer le cours des événements. Il est comme ces décors de théâtre qui, bien que fort jolis, ne sont que des artifices destinés à tromper l’œil du spectateur et à lui donner une idée du lieu et du temps où se déroule l’action, mais non à en influencer le cours.
Cette perspective classique a cependant été remise en cause et développée dans la littérature actuelle et l’analyse littéraire. Des autrices et des auteurs affirment avec force que le décor peut jouer un rôle bien plus important que celui de simple espace physique pour les personnages. En effet, il peut façonner l’ambiance de l’histoire, refléter les thèmes et révéler les traits de caractère.
En réévaluant le rôle du décor, ils peuvent le transformer en un élément dynamique qui contribue activement au récit. En considérant le décor sous un angle nouveau, on donne à l’histoire une dimension inattendue et on enrichit significativement l’expérience de lecture. Elle permet de donner vie aux récits et de les rendre plus captivants pour le lecteur/spectateur. En somme, elle donne à l’art de la littérature une nouvelle jeunesse et une nouvelle fraîcheur. Il est donc crucial de voir le décor comme un élément central de l’intrigue plutôt que comme un simple détail secondaire.
Perspective Historique
Dans beaucoup de romans classiques, comme Orgueil et Préjugés de Jane Austen, les décors, comme les salles de bal de Meryton ou le domaine de Pemberley, sont principalement là pour accueillir les interactions sociales qui sont au cœur de l’intrigue. Certes, ces décors sont décrits avec une grande précision et donnent une forte impression de l’époque de la Régence, mais ne vous y trompez pas, leur rôle reste largement passif.
Ils créent une atmosphère, certes, mais n’influencent pas directement les événements. En d’autres termes, ils sont là pour faire joli, mais ne vous attendez pas à ce qu’ils fassent avancer l’histoire !
Les techniques de narration ont évolué au fil du temps, et avec elles, le traitement du décor dans la littérature. Des auteurs tels que Charles Dickens ont montré qu’il pouvait être bien plus qu’une simple toile de fond. En en faisant un reflet des thèmes et des états d’âme des personnages, ils lui ont conféré un rôle actif dans l’histoire.
Le lieu n’est plus simplement un objet, il est devenu un élément clé de l’intrigue. Il contribue à créer une lecture plus riche et plus profonde, et je peux vous dire que c’est une sacrée différence ! Alors oubliez les décors statiques et ennuyeux, et préparez-vous à découvrir des décors qui ont du punch et qui font avancer l’histoire ! Il est donc crucial de les considérer comme des éléments clés de l’histoire, plutôt que comme un simple détail secondaire.
Transition vers des décors actifs
Prenons pour exemple l’illustre série de J.K. Rowling, Harry Potter, où l’école de Poudlard, bien plus qu’une simple bâtisse, se dresse en personnage central, changeant, protégeant et défiant les écoliers. Les escaliers mouvants, la Salle sur Demande et la Forêt Interdite, tous ces lieux, loin d’être de simples présences, jouent des rôles cruciaux dans l’intrigue, façonnant activement les chemins des personnages.
Il semble aussi que les critiques littéraires d’aujourd’hui ont décidé de donner au décor un peu plus de crédit que par le passé. Ils ne le voient plus comme un simple accessoire, mais plutôt comme un acteur à part entière qui interagit avec les personnages, les influençant et étant influencé par eux.
Et devinez quoi ? Cette interaction dynamique peut ajouter un peu de piquant émotionnel et de profondeur thématique à l’histoire. Alors, la prochaine fois que vous lirez un livre, n’oubliez pas de prêter attention au décor, car il pourrait bien vous surprendre !
Un élément actif du récit
Voir le décor comme un élément actif du récit peut non seulement servir de toile de fond mais aussi créer un monde captivant et crédible. Il semble que l’autrice et l’auteur contemporains ne se contentent plus de planter un simple décor pour leurs histoires. Non, ils vont au-delà de la simple mise en scène et construisent un univers tout entier, avec ses propres règles, son histoire et ses caractéristiques.
Cet univers peut parfois sembler plus réel que la réalité elle-même ! Un cadre bien construit peut servir de fondation à l’intrigue, influençant le scénario et les choix des personnages. Par exemple, une histoire située dans un monde dystopique où les ressources sont rares entraînera naturellement des conflits et des intrigues centrés sur l’allocation des ressources et les tactiques de survie. Il faut penser au décor non pas seulement comme un espace où se déroulent des événements mais comme un catalyseur qui peut pousser l’intrigue vers l’avant.
Profondeur du Personnage
Le contexte peut jouer un rôle crucial dans l’évolution et la révélation de la complexité des personnages. L’environnement dans lequel évoluent les personnages a un impact significatif sur leurs décisions et leurs comportements. En effet, le lieu où se déroulent les événements peut influencer leurs choix et leurs actions, révélant ainsi leurs traits de caractère et leurs motivations les plus profondes.
En observant attentivement l’arrière-plan, nous pouvons mieux comprendre la personnalité des personnages et les raisons qui les poussent à agir de telle ou telle manière. C’est pourquoi il est important de prêter attention au décor dans la littérature, car il peut nous aider à mieux saisir la complexité des personnages et à nous immerger davantage dans l’histoire.
Le lieu où ils se trouvent peut les pousser à agir d’une certaine manière, dévoilant leur véritable nature et leurs désirs les plus intimes. Ainsi, l’arrière-plan devient un élément clé de la caractérisation des personnages, permettant de mieux comprendre leur personnalité et leurs actions. De surcroît, l’arrière-plan sert à symboliser les émotions et les luttes internes, enrichissant ainsi leur caractérisation.
Les interactions des personnages avec leur milieu sont le reflet de leur passé, de leur psychologie et de leur condition émotionnelle présente. La réaction d’un personnage face à un orage, qu’il soit empreint de peur, d’admiration ou d’indifférence, révèle beaucoup sur son vécu et sa personnalité. Les environnements doivent devenir des espaces de jeu interactifs où les personnages expriment leurs craintes, leurs désirs et leurs parcours personnels.
En positionnant de manière réfléchie les personnages dans des cadres qui les confrontent ou qui miroitent leurs conflits intérieurs, l’autrice et l’auteur ont l’opportunité d’utiliser ce cadre pour révéler des aspects plus profonds de leurs personnalités, les rendant ainsi plus complexes et plus tangibles.
Engagement Sensoriel
Laissons le Tartuffe de notre Molière nous expliquer ce qu’il entend par l’engagement sensoriel :
Que de fois l’on voit dans les pages d’un livre le monde vivant que le décor bien décrit élève ! Par le feu qui crépite, ou bien par le givre d’un cruel hiver, le lecteur/spectateur s’y trouve et s’achève. Dans le désert brûlant, sous son soleil de plomb, les sables vous parlent d’une chaleur qui oppresse. Ces lieux bien dépeints, loin de n’être qu’un don, suscitent en nos cœurs la peur, la joie, l’allégresse.
Ce n’est point là un ornement superflu, mais un art de narrer qui, de sa main habile, guide nos sens émus au plus profond du vécu, rendant l’histoire vraie, plus fragile, plus subtile. Ainsi, l’espace vaste, avec grâce rempli, ne sert point seulement à contenir l’action, mais devient un acteur qui, par l’art subtil, infuse de son âme à la narration.
Le sage en sa plume sait que le lieu décrit peut faire vibrer l’âme, et le cœur attendrir, il fait donc du décor un joueur non petit dans le drame humain qui se cherche à finir. Il nous faut donc en nos œuvres user de ces décors vivants pour nos récits broder.
Qu’ils soient forêt, château, ou même un simple verger, ils doivent pour nos sens être un fort allié. La grandeur d’un récit ne tient pas seulement à l’intrigue ou aux mots, ni à la prose ou au style, mais bien à cet espace où se tisse le temps, qui de notre esprit ne cesse de bercer.
L’auteur sage et habile, en ces arts grand connaisseur, sait que l’étoffe même de son monde créé est ce décor vibrant, d’où naît la vraie couleur des histoires que nous rêvons tant à narrer. Engageons donc le lieu, ce puissant narrateur, pour que nos récits vivent, et nos âmes ravir, et que, dans la mémoire de chaque fervents lecteur et lectrice, notre œuvre puisse à jamais resplendissant luire.
L’importance de construire le monde
En bâtissant un tableau réaliste et détaillé, on établit une base de confiance entre le récit et le lecteur ou la lectrice. C’est là un artifice nécessaire pour que le cœur de ceux-ci s’ouvre à l’histoire et qu’ils acceptent sans méfiance les éléments les plus étranges ou les plus surprenants. La cohérence et la richesse du monde garantissent aussi que la logique de l’histoire résiste à l’examen, empêchant le lecteur/spectateur d’être distrait par des incohérences flagrantes ou des scénarios irréalistes.
Des descriptions sensorielles enrichissent non seulement le cadre mais augmentent également l’impact émotionnel et psychologique de l’histoire. Les détails sensoriels, c’est-à-dire ce que les personnages voient, entendent, touchent, goûtent et sentent, donnent vie à l’environnement. Cela sert non seulement à immerger le lecteur/spectateur plus profondément dans le monde mais aussi à renforcer sa connexion émotionnelle avec les événements qui s’y déroulent. Par exemple, l’odeur de la pluie dans une scène sombre peut amplifier l’atmosphère de mélancolie, ou le brouhaha dans un marché animé peut renforcer le sentiment de chaos et d’excitation.
Le milieu dans lequel évoluent les personnages les forge et influe sur leur comportement et leurs décisions. Un décor bien ficelé et précis, cela vous donne un contexte pour comprendre les choix et les actions des personnages, souvent dictés par leur environnement. C’est un peu comme si on vous donnait une carte routière pour suivre leur parcours.
Ce contexte peut enrichir la construction des personnages, les rendant plus complexes et crédibles. Par exemple, des personnages ayant grandi dans un village rude et isolé pourraient naturellement se méfier des étrangers ou faire preuve d’une grande ingéniosité, des traits directement influencés par les difficultés de leur milieu.
Intrigue & Thème
Le décor peut servir de moteur essentiel pour l’évolution de l’intrigue. Il établit certaines conditions qui propulsent l’histoire vers l’avant, telles que des désastres naturels, des conflits politiques ou des conventions sociales qui confrontent le protagoniste. Dans des genres tels que l’horreur ou l’aventure, le décor en lui-même peut devenir un élément de conflit ou un obstacle à surmonter pour les personnages, influençant de ce fait directement le cours et la cadence du récit.
Le cadre peut servir de symbole puissant pour renforcer les thèmes d’une histoire. Un monde marqué par la guerre peut souligner les thèmes de la perte et de la rédemption, tandis qu’une ville animée et technologiquement avancée pourrait explorer les thèmes de l’aliénation et de l’identité dans le monde moderne.
En tissant le cadre profondément dans le tissu thématique de l’histoire, l’autrice et l’auteur peuvent l’utiliser comme un outil pour explorer des idées et des messages complexes plus efficacement.
Un cadre détaillé et immersif aide à établir un lien émotionnel plus fort entre l’histoire et le lecteur/spectateur. Au fur et à mesure que celui-ci devient plus familier avec le monde, il se sent plus lié à son destin et plus investi dans les voyages des personnages. Cette connexion est cruciale pour susciter des réponses émotionnelles fortes telles que la peur, la tristesse, la joie ou la colère qui sont fondamentales pour une expérience narrative convaincante.
Pour beaucoup d’entre nous, la capacité de s’évader dans un autre monde constitue un attrait significatif. Un monde immersif offre une pause face aux aspects banaux ou stressants de la vie quotidienne, permettant au lecteur/spectateur d’explorer de nouveaux territoires, de vivre des cultures différentes et d’imaginer des scénarios impossibles.
Plus le monde est détaillé et vivant, plus l’évasion est complète, offrant une expérience plus riche et plus satisfaisante qui peut captiver l’imagination de notre lecteur/spectateur. En créant un monde qui est non seulement un cadre mais une partie vivante du récit, les conteurs peuvent créer une expérience plus immersive, engageante et émotionnellement résonnante. Cet engagement envers une construction détaillée du monde est souvent ce qui distingue les bonnes histoires des grandes.
Bien plus qu’une toile de fond
Il faut comprendre que les lieux ne sont pas seulement là pour faire joli dans l’histoire. En se penchant sur des descriptions précises et en y ajoutant des caractéristiques environnementales uniques, on peut créer des espaces qui donnent de l’épaisseur et du réalisme aux histoires, améliorant ainsi le développement des personnages et piquant la curiosité du lecteur ou de la lectrice. C’est un peu comme ajouter du sel et du poivre à un plat, ça donne tout de suite plus de saveur. Nous devons nous battre pour des décors qui reflètent les complexités et les nuances du monde réel, et pas seulement une version édulcorée.
Cela implique d’ajouter des détails sensoriels, un contexte historique ou des nuances culturelles propres à l’emplacement. En procédant ainsi, l’autrice et l’auteur créent un univers qui semble habité et authentique, un peu comme un bon cocktail. Cette authenticité rend le récit plus crédible et aide le lecteur/spectateur à s’immerger dans l’histoire, en ayant confiance dans la vision et la compréhension du monde qu’ils ont développées.
Au-delà de la simple précision, des décors uniques sont essentiels. Cette unicité peut être obtenue par des combinaisons inattendues d’éléments environnementaux, des modifications créatives de lieux familiers ou l’introduction d’éléments fantastiques entièrement nouveaux dans la fiction spéculative.
De tels décors captivent l’imagination du lecteur/spectateur, rendant l’histoire plus mémorable parmi d’autres et ancrant le récit dans un lieu qui ne s’efface pas facilement de la mémoire. Les décors détaillés et spécifiques font plus que peindre une image vivante : ils influencent activement l’intrigue et soulignent les thèmes de l’histoire. Par exemple, une histoire située dans un appartement urbain exigu et délabré peut amplifier les thèmes de l’enfermement et de la décadence, tandis qu’un cadre rural vaste et lumineux pourrait mettre en évidence des thèmes de liberté et de renouveau. Il est fortement conseillé d’utiliser les décors non pas seulement comme des images statiques mais comme des forces dynamiques qui interagissent avec les personnages et le déroulement de l’intrigue.
C’est lorsque nos personnages interagissent avec leur environnement que la magie se produit. Ils touchent, ils ressentent, et soudain, le monde autour d’eux prend vie. C’est vraiment quelque chose de voir comment un simple environnement devient un acteur à part entière de notre histoire ! Lorsque les personnages ont une connexion profonde ou une réaction à leur environnement, cela révèle davantage sur leur passé, leurs préférences et leur état d’esprit. Un personnage qui ressent de la nostalgie dans un vieux terrain de jeu délabré donne des aperçus de son enfance et de sa composition émotionnelle, ajoutant de la profondeur à sa personnalité. C’est un peu comme si on regardait à travers une fenêtre ouverte sur son âme.
Les décors particuliers peuvent aussi servir de base pour élaborer des sous-intrigues ou amener des conflits. Un décor soigneusement dépeint peut inclure des détails qui suscitent de nouvelles directions narratives ou complexifient les histoires existantes, comme une chambre dissimulée dans une ancienne demeure ou une communauté clandestine au sein d’une forêt éloignée. Ces décors peuvent présenter de nouveaux défis ou de nouveaux alliés, enrichissant ainsi le récit et ajoutant de la profondeur à l’intrigue.
Midnight in Paris réalisé par Woody Allen en 2011, saisit la substance même de Paris à travers une perspective nostalgique et fantaisiste. Le film présente un scénariste américain contemporain qui se retrouve mystérieusement transporté dans les années 1920 chaque nuit à minuit. Le Paris des années 1920, avec sa communauté artistique florissante et des figures culturelles emblématiques comme Hemingway, Fitzgerald, et Picasso, est central au thème du film sur la romantisation du passé.
Dans le film, Paris, à la fois dans sa dimension présente et passée, joue un rôle de catalyseur dans la quête identitaire et l’inspiration artistique du personnage principal. L’héritage de Paris et son lien avec l’histoire artistique et littéraire ont un effet marquant sur le cheminement du personnage principal, le poussant à réévaluer les valeurs contemporaines par rapport à l’âge d’or idéalisé de l’art et de la culture.
Les décors, des charmantes ruelles étroites aux monuments célèbres comme le Moulin Rouge et le Musée Rodin, ne sont pas simplement des arrière-plans mais des éléments actifs qui interagissent avec les personnages et stimulent l’exploration du film entre la fantaisie et la réalité.
Un autre film français saisissant où le décor joue un rôle essentiel est Les Misérables (2019), réalisé par Ladj Ly. Ce film contemporain, à ne pas confondre avec les adaptations du roman de Victor Hugo, se déroule dans les banlieues modernes de Paris, plus précisément à Montfermeil. La même banlieue qui a partiellement inspiré les décors du roman de Hugo.
Dans ce film, le décor suburbain joue un rôle majeur car il explore les tensions et les dynamiques qui existent entre les habitants locaux et la police. Le cadre urbain dur et souvent impitoyable du quartier renforce les thèmes du film sur l’injustice, le conflit social et la nature cyclique de la violence. Le lieu sert de microcosme pour les problèmes sociaux plus larges en France, offrant un fond brut et authentique qui souligne le commentaire social urgent du film. Le décor dans Les Misérables ne cadre pas seulement le récit mais pousse également les enjeux émotionnels et thématiques de l’histoire, illustrant de manière vivante comment l’environnement peut façonner et propulser un récit.
Dans la toile majestueuse des Parapluies de Cherbourg (1964) de Jacques Demy, le visage maritime de Cherbourg émerge non seulement comme une scène d’action mais aussi comme une entité souveraine, son essence entrelacée avec le tissu même du récit.
Ici, la splendeur visuelle est rendue avec une palette qui transcende les limites du naturalisme, embrassant des teintes vives et éthérées, qui reflètent les tempêtes changeantes de l’âme. La pluie constante et les parapluies aux couleurs kaléidoscopiques composent non seulement les leitmotivs visuels du film mais se dressent également comme des symboles poignants des gloires éphémères de la vie et du flux doux-amer de l’affection humaine.
La ville, avec ses ruelles inondées et l’océan comme un murmure d’inconnus illimités, amplifie la poignante histoire d’amour entre Geneviève et Guy, transformant leur récit en une lamentation sur les rêves enchaînés et les aspirations à la dérive. Au fur et à mesure que le récit se déroule, le milieu souligne les étapes métamorphiques de l’existence endurées par nos héros, annonçant à la fois l’espoir qui les propulse et les modifications inexorables imposées par le passage du temps.
L’attrait de Cherbourg, fusionné avec les compositions envoûtantes de Michel Legrand, invoque un monde enveloppant où les profondeurs émotionnelles et les résonances sont aussi palpables que la pluie qui tombe sans cesse sur les pavés. Ce tableau, tout empli de la vitalité de la vie et de la mélancolie de ce qui aurait pu être, sert de toile où la condition humaine est explorée dans toute sa complexité poignante.
Réalisé par Abdellatif Kechiche, La Vie d’Adèle (2013) explore profondément le parcours initiatique d’une jeune femme, Adèle, à Lille. Le cadre joue un rôle essentiel pour dépeindre le contraste saisissant entre les tourments intérieurs d’Adèle et le monde extérieur. Lille, avec ses scènes culturelles vibrantes et ses espaces urbains intimes, parfois claustrophobes, reflète les conflits personnels et émotionnels intenses vécus par Adèle. Le film capte divers aspects de Lille, des rues animées aux restaurants intimes et tranquilles, qui servent de cadres pour les rencontres d’Adèle et son évolution émotionnelle.
Les décors encadrent non seulement sa croissance personnelle et ses démêlés amoureux, mais reflètent également les normes et les attentes sociétales plus larges qui façonnent ses expériences. La ville devient une toile contre laquelle sont vivement peints les désirs, les conflits et les changements d’Adèle, soulignant le rôle crucial de l’environnement dans le développement personnel et la découverte de soi.
Réalisé par François Truffaut, Les Quatre Cents Coups (1959), emblématique de la Nouvelle Vague française, dépeint la vie d’un jeune garçon parisien, Antoine Doinel. Le cadre de Paris dans les années 1950 est bien plus qu’un simple décor ; il fait partie intégrante du récit, reflétant les sentiments d’aliénation du protagoniste et sa quête d’identité.
La ville, avec ses rues animées et ses monuments, sert à la fois de terrain de jeu et de prison pour Antoine, mettant en lumière ses luttes et les contraintes imposées par les adultes de sa vie. Paris est représenté de manière à osciller entre l’image romantique souvent vue dans les films et une vue plus dure et plus réaliste qui correspond aux expériences d’Antoine.
La représentation de la vie urbaine dans ce film offre un commentaire poignant sur la jeunesse et la rébellion, alors qu’Antoine erre à travers les complexités de l’adolescence dans une ville qui est à la fois séduisante et impitoyable. Le cadre souligne la dichotomie entre la liberté qu’Antoine cherche et les structures oppressives qu’il souhaite fuir.
Une expérience
Le décor dans un scénario n’est pas simplement un arrière-plan statique ; il s’agit d’un composant actif qui peut refléter et amplifier discrètement les traits et les changements chez les personnages. Cette approche subtile permet une narration plus profonde, renforçant la compréhension et la connexion émotionnelle du lecteur/spectateur avec le récit. À la manière du cher Monsieur Hulot, chaque détail du décor peut avoir une signification cachée et contribuer à la création d’un univers riche et complexe.
Le décor peut servir de représentation extérieure des émotions intérieures d’un personnage. Par exemple, dans A Single Man de Tom Ford, nous voyons une esthétique et une sensibilité européennes très marquées, compte tenu de son passé dans la mode. La maison du protagoniste est stylisée de manière très contrôlée, reflétant parfaitement son besoin d’ordre au milieu de son deuil.
Les espaces vides et dépouillés reflètent également sa solitude profonde et son isolement suite à la perte de son partenaire, amplifiant son tourment émotionnel grâce à des indices visuels. De cette façon, chaque détail du décor peut avoir une signification profonde et contribuer à la création d’un univers riche et complexe.
Au fur et à mesure que les personnages évoluent, les décors peuvent symboliser visuellement leur croissance ou leur régression. Dans Trainspotting, les décors sombres et souvent claustrophobes d’Édimbourg reflètent le monde oppressif de la dépendance que le protagoniste, Renton, essaie de fuir.
Alors qu’il prend des décisions qui le mènent vers une vie différente, les décors changent, incluant des moments dans des espaces plus ouverts et plus lumineux, symbolisant ses tentatives pour une existence plus saine et plus libre loin de sa vie d’antan.
Les lieux peuvent indiquer de manière puissante la position sociale d’un personnage ou ses valeurs. Par exemple, dans La Grande Bellezza, l’appartement somptueux du héros Jep Gambardella, qui surplombe le Colisée, reflète son statut dans les cercles sociaux élitistes de Rome et son goût pour la grandeur, tout en suggérant subtilement son vide intérieur au milieu de l’opulence, reflétant ainsi la décadence et le déclin de la haute société romaine. Chaque détail du décor peut avoir une signification comique ou tragique et contribuer à la création d’un monde riche et complexe.
Des décors spécifiques peuvent créer des conflits naturels et des défis qui stimulent le développement des personnages. Dans Millénium, tome 1 : Les Hommes qui n’aimaient pas les femmes, le cadre éloigné et enneigé de la propriété familiale Vanger sur l’île de Hedeby est non seulement menaçant mais aussi renforce l’isolement ressenti par les personnages, en particulier Lisbeth Salander. Cet environnement difficile agit comme une barrière physique et psychologique, reflétant les secrets froids et cachés que Lisbeth doit découvrir.
Le décor peut servir à renforcer les thèmes de l’histoire et ainsi enrichir les arcs dramatiques des personnages. Dans La Vie des Autres, les intérieurs ternes et oppressants des appartements de Berlin-Est et des bureaux de la Stasi contrastent fortement avec les petits espaces chaleureux chez les artistes, mettant en lumière le thème de la surveillance et de l’étouffement de l’expression libre sous le régime de la RDA. Le cadre claustrophobe amplifie le sentiment de paranoïa et l’asphyxie émotionnelle des personnages, comme si les murs eux-mêmes étouffaient leur âme.
En sélectionnant et en représentant soigneusement les décors, les cinéastes peuvent utiliser cet aspect de la narration non pas comme un simple arrière-plan, mais comme un aspect vivant et respirant du récit qui renforce et reflète activement le voyage et la croissance des personnages. Cette intégration non seulement enrichit les éléments visuels et thématiques de l’histoire mais crée également un monde plus immersif et crédible, faisant du décor un outil crucial dans l’arsenal du cinéaste.