BUTS COMMUNS & COMPRÉHENSION MUTUELLE

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La fluidité des expériences de la vie fait référence à la nature changeante et interdépendante des choses que nous traversons au cours de notre vie. Cette vie n’est pas statique. Nous connaissons des hauts et des bas, des joies et des peines, des succès et des échecs, le tout dans un flux continu.

Aucune expérience unique ne définit notre vie, et tout ce que nous vivons est en constante évolution. Nos expériences ne sont pas des événements isolés. Elles s’influencent souvent les unes les autres, formant nos vues surtout sur ce que nous anticipons. Par exemple, une expérience difficile peut nous enseigner des leçons précieuses qui nous aideront à surmonter les difficultés futures. Encore faut-il que le champ de vision que nous offre notre mémoire ne soit pas si étroit que notre passé ne soit rien que justification de nos propres mensonges.

La fluidité ne signifie pas nécessairement que tout se passe toujours bien, mais plutôt que nous avons la capacité de nous adapter et de traverser les différentes phases de la vie avec souplesse et acceptation, autre mot pour résilience. Le concept de fluidité nous encourage à accepter l’impermanence de la vie et que les choses changent ainsi constamment peut nous aider à faire face aux défis et à apprécier davantage les expériences positives.
La conscience que nous avons de la vie est comme un fleuve dévalant une pente : résister au courant de la vie peut être épuisant. En acceptant la fluidité, nous pouvons apprendre à nous adapter aux circonstances changeantes et à trouver des opportunités dans les défis.

D’abord la mémoire

N’oublie Jamais (le roman de Nicholas Spark adapté par Jan Sardi)

Dans Matière et mémoire, Henry Bergson a proposé de distinguer entre la mémoire pure et celle de l’habitude dans nos différentes façons de nous souvenir du passé et de l’utiliser.

La mémoire pure se souvient de détails et d’émotions spécifiques. Elle permet de se rappeler avec précision des événements passés, y compris les détails sensoriels, les émotions et le contexte dans lequel ils se sont déroulés. Elle est souvent associée à un souvenir conscient et donne l’impression de revivre le passé. Bien qu’elle puisse éclairer des actions présentes, sa fonction première n’est pas directement liée à une application pratique. Se souvenir de son enfance, se remémorer les rires et la joie que l’on a ressentie lors d’un événement heureux est une mémoire pure.
En revanche, la mémoire des habitudes est axée sur l’action et l’automatisme. Ce type de mémoire est ancré dans notre corps et notre esprit par des actions répétées, formant des réponses et des compétences quasiment automatiques dont a souvent même plus conscience car sa fonction première est de guider efficacement les actions futures sans nécessiter de réflexion consciente.

mémoireLe récit de N’oublie jamais offre un matériau riche pour une telle analyse, en se concentrant sur l’amour durable entre Noah et Allie, avec pour toile de fond l’Amérique du milieu du 20e siècle. Au cœur de la relation entre Noah et Allie se trouvent une profonde compréhension mutuelle et des aspirations communes. Malgré les obstacles sociétaux et personnels auxquels ils sont confrontés, leur relation s’épanouit sur un socle d’objectifs communs : aimer librement et authentiquement.

Le concept d’élan vital de Bergson semble animer leur relation, la propulsant vers l’avant contre vents et marées. Cet élan vital se manifeste dans leur quête incessante d’une vie commune, symbolisée par la restauration de la maison de vacances de la famille de Allie, manifestation tangible de leurs rêves communs.
Les idées de Bergson sur la mémoire, en particulier sa distinction entre la mémoire pure et l’habitude, permettent également de comprendre comment les expériences et les aspirations partagées sous-tendent le lien qui unit Noah et Allie.
Leur histoire, racontée par un Noah âgé à Allie, désormais atteinte de démence sénile, illustre le pouvoir de transformation des souvenirs partagés. Ces souvenirs, bien qu’ils s’estompent pour Allie, sont maintenus en vie par la dévotion inébranlable de Noah. En termes bergsoniens, ces souvenirs ne sont pas de simples souvenirs habituels, mais sont imprégnés de l’essence de leurs expériences communes, reflétant la profondeur de leur lien émotionnel et spirituel.

Ensuite l’intuition

Le concept d’intuition chez Henri Bergson est un élément essentiel de sa philosophie et s’oppose à la conception de l’analyse intellectuelle traditionnelle. Bergson considère que l’intellect, basé sur la logique et l’analyse, est utile pour comprendre les objets statiques (qui ne possèdent pas de mémoire) et diviser les choses en catégories. Cependant, il le considère comme inadéquat pour saisir la fluidité et le dynamisme de la vie et le caractère unique des expériences individuelles.

D’autre part, l’intuition, selon Bergson, agit comme un mode de connaissance direct qui va au-delà de l’analyse intellectuelle. Elle s’apparente à une saisie immédiate de l’essence ou de la réalité intérieure d’une chose. Il est admis qu’une chose se compose d’une apparence qu’elle offre aux regards, dont on se saisit par nos sens mais aussi d’une réalité intérieure à laquelle nos sens n’ont pas accès. Bergson contourne cet écueil par l’intuition.
Bergson décrit l’intuition comme une forme de sympathie intellectuelle où l’on s’immerge dans l’objet de son attention, tout comme Noah envers Allie. Il ne s’agit pas d’une observation passive, mais d’un engagement actif qui permet d’entrer en résonance avec le mouvement et le changement internes de l’objet.

L’intuition nous permet de saisir la durée d’un objet ou d’une expérience. Pour Bergson, la durée fait référence à l’écoulement continu du temps (qu’il nomme la route du temps) et au devenir ininterrompu des choses, qu’il n’est pas possible de saisir en le décomposant en moments statiques. Bergson ne se préoccupe pas de la relation entre l’espace et le temps : c’est un autre sujet d’étude.

Contrairement à l’analyse intellectuelle, qui s’attache à décomposer les choses, l’intuition vise à comprendre la globalité et la qualité unique d’un objet ou d’une expérience. Il s’agit de ressentir l’essence plutôt que d’en compter les composants. Si l’analyse des notes et de la structure musicale est utile, la véritable appréciation de la musique vient souvent du fait que l’on se laisse emporter par la mélodie et le rythme, et que l’on ressent l’impact émotionnel qu’elle évoque.
Parfois, sans que nos proches aient besoin de l’exprimer explicitement, nous pouvons ressentir intuitivement leurs émotions grâce à des indices subtils et au langage corporel, ce qui nous permet de nous rapprocher d’eux à un niveau plus intime.

Bergson a souligné que l’intuition est réalisable par l’effort (tel Noah qui lit et relit le carnet de notes de Allie) et l’attention (celle de Noah envers Allie), et non par un simple sentiment passif. Elle exige que nous nous engagions activement dans le monde et que nous dépassions les limites de notre pensée logique traditionnelle.

La relation entre Noah et Allie, marquée par une profonde empathie, illustre cette notion d’intuition chez Bergson comme moyen de comprendre la fluidité de la vie et les expériences d’autrui. Leur capacité à se comprendre mutuellement, à ressentir profondément les joies et les peines de l’autre, est une force transformatrice dans le récit.
Ce lien empathique est magnifiquement illustré dans la scène où ils dansent dans la rue au son d’un piano solitaire, un moment de joie spontanée et de lien profond qui transcende les préoccupations mondaines de la vie.

Bergson pourrait affirmer que leur relation illustre l’idée que la connaissance et la compréhension véritables proviennent de l’expérience directe et de l’intuition, plutôt que de l’analyse rationnelle. Leur amour, mis à l’épreuve par le temps, les attentes de la société et les défis personnels, se renforce grâce à ces expériences directes, reflétant la croyance de Bergson en la primauté de l’intuition sur l’intellect pour saisir l’essence de la vie et des relations.

Le temps et la mémoire

En pénétrant plus profondément dans la structure philosophique tissée par Henri Bergson, nous nous trouvons plongés dans une contemplation du temps et de la mémoire, concepts qui constituent l’essence même de l’expérience humaine. L’élucidation du temps, ou la durée, par Bergson remet en question les conceptions conventionnelles et mécanistes qui compartimentent le temps en segments discrets et quantifiables, ou dit autrement le temps des horloges.

Il nous invite plutôt à envisager le temps comme un flux fluide et continu, à l’instar d’une rivière qui dévale dans le paysage de nos vies, sans être limitée par les rives artificielles des horloges et des calendriers. Cette perception du temps n’est pas simplement un concept abstrait, mais une expérience vécue, où les moments se fondent les uns dans les autres, chacun étant imprégné du poids du précédent et de l’anticipation du suivant, créant une continuité riche et indivisible de l’existence.

Dans N’oublie jamais, le portrait de la relation entre Noah et Allie constitue une exploration poignante du temps bergsonien. Leur histoire d’amour se déroule au fil des ans, défiant la progression linéaire des événements pour révéler un ordre temporel plus profond et plus intrinsèque.

Ces événements qui révèlent un ordre du temps plus profond et plus intrinsèque résume une profonde exploration philosophique, particulièrement en accord avec la conceptualisation du temps comme durée. Bergson a remis en question la conception conventionnelle et newtonienne du temps en tant que série d’unités discrètes et mesurables comme l’incessant cheminement des aiguilles d’une horloge. Il propose plutôt une vision du temps comme un flux continu et qualitatif, où le passé, le présent et le futur s’entremêlent dans la conscience, contribuant au tissu de l’expérience vécue (l’aspect qualitatif de la chose).

Lorsque nous considérons que les événements révèlent un ordre du temps plus profond et plus intrinsèque, nous sommes invités à regarder au-delà de la séquence superficielle des événements, au-delà de la progression chronologique ou linéaire des moments, pour percevoir comment ces événements éclairent la nature continue et entrelacée du temps tel qu’il est vécu par la conscience humaine.
Cet ordre intrinsèque ne peut pas être facilement mesuré ou quantifié ; il est compris à travers l’expérience qualitative et subjective de l’écoulement du temps. Concrètement, cela signifie qu’il faut reconnaître que notre vie n’est pas simplement une série d’événements qui se succèdent, mais qu’il s’agit au contraire de moments profondément liés les uns aux autres qui acquièrent de l’importance grâce à leurs relations mutuelles.

Chaque événement de notre vie est imprégné de l’essence des expériences précédentes tout en contenant les prémisses de possibilités futures. Cette liaison mutuelle révèle un ordre du temps plus profond et intrinsèque (c’est-à-dire en nous), où la distinction entre le passé, le présent et le futur n’est pas strictement délimitée, mais intégrée de manière fluide dans notre conscience. Par exemple, dans un récit comme N’oublie jamais, l’histoire de Noah et Allie n’est pas seulement une suite d’événements ; c’est une manifestation du temps tel qu’il est vécu par les personnages et, par extension, par le lecteur/spectateur.
Leur histoire d’amour, avec ses joies, ses séparations et ses retrouvailles, reflète la complexité de l’expérience humaine, comment les souvenirs (c’est-à-dire la mémoire du passé) et les espoirs pour l’avenir peuvent profondément influencer le moment présent.

Le fait que Noah lise leur propre histoire à Allie, qui souffre de cet horrible oubli, n’est pas simplement un récit d’événements passés, mais une reviviscence de ces moments, où le temps se replie sur lui-même et où les expériences passées deviennent vivement présentes, révélant l’ordre intrinsèque et plus profond du temps en tant que continuum de l’expérience.
Ainsi, cet ordre plus profond du temps suggère que notre compréhension des événements et de leur signification ne peut se limiter à une séquence linéaire. Elle se trouve plutôt dans la richesse de l’expérience, où la nature fluide du temps permet une réinterprétation continue et une nouvelle expérience des moments, mettant en évidence le réseau complexe de liaisons qui forment l’essence de nos vies.

Cette perspective nous encourage à voir la vie non pas comme une série d’incidents isolés, mais comme un récit complexe, entrelacé, où chaque moment est significatif non seulement en soi, mais aussi dans la façon dont il se rattache à l’ensemble, incarnant la création et la recréation continues de sens à travers la vue du temps. Les analepses qui parsèment le récit de Allie et de Noah ne sont pas de simples souvenirs, mais des instances vivantes du passé, réanimées dans le présent par l’acte de se souvenir.
Cette technique narrative reflète la notion de Bergson selon laquelle le passé coexiste avec le présent, non pas comme une ombre, mais comme un élément vibrant et dynamique de la réalité actuelle. Les moments partagés par Noah et Allie, de l’innocence de leur jeunesse aux défis de leurs dernières années, ne sont pas enfermés dans le passé ; ils imprègnent le tissu de leur présent, façonnant leur compréhension et leur expérience de l’amour à chaque instant.

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