Les Gardiens de la Galaxie de James Gunn et Nicole Periman possède un double avantage : celui de nous distraire mais, rare lorsqu’on aborde les histoires de super héros, celui de présenter une sorte de fondement psychologique, émotionnel et une certaine sincérité dans le scénario grâce à son thème.
Grâce à ce scénario, nous allons bien au-delà de ce qu’on s’attend à expérimenter avec les histoires classiques de super héros. Et cette magie opère par le biais du thème.
Il est révélateur qu’au cours du dernier acte, Star Lord essaie de motiver sa troupe dépareillée de bandits pour sauver le monde (ou la galaxie, ce qui revient au même) de cette façon :
“I look around and I see losers. We’re all losers. Well… I mean, we’ve all lost something.”
Je regarde autour de moi et je vois des perdants. Nous sommes tous des perdants. Enfin, je veux dire… nous avons tous perdu quelque chose.
Cette ligne de dialogue semble destinée à ajouter une pointe d’humour, mais en fait, elle pointe directement vers le thème de cette histoire. Une histoire qui ne dément pas les codes des super héros et c’est tant mieux mais qui ajoute un élément inattendu à ce récit : le thème de la perte.
Un autre moment révélateur du thème est lorsque Drax Le Destructeur réduit à néant les plans de l’équipe lorsqu’il attire directement Ronan l’Accusateur. Et s’il le fait, c’est parce qu’il veut assouvir sa vengeance contre Ronan qui a tué sa famille. Et lorsque Rockett s’en prend à Dax de faire des choses aussi stupides à cause de ses proches assassinés, il lui dit :
“we’ve all got dead people.”
On a tous nos morts.
Le thème de la perte
A travers ces quelques lignes de dialogue, on peut voir que Les Gardiens de la Galaxie ne se contente pas d’un objectif extérieur, visible par tous tels que la recherche d’une pierre d’infinité, vaincre un Tout-Puissant diabolique ou sauver la galaxie mais aussi que sur le plan intérieur, les personnages doivent gérer la perte de personnes qu’ils ont aimés.
Et conformément à ce qui fait un bon scénario, les actions des personnages sont guidés d’abord par leur psyché. Dans notre cas, leurs conflits intérieurs jouent sur leurs relations aux autres, sur leurs possibilités de fonder un foyer ainsi que sur le sens qu’ils donnent à la notion d’aventure, chacun ayant leur propre façon d’aborder cette dernière.
Il est amusant de noter lors d’une scène que Drax Le Destructeur ne comprend pas le mot métaphore. Était-ce une intention des auteurs pour attirer notre attention sur le thème des Guerriers de la Galaxie ? Drax serait alors notre billet d’entrée dans la signification cachée de cette histoire.
Il est possible que les auteurs, James Gunn et Nicole Periman, aient mis quelque chose d’eux-mêmes dans ce récit, quelque chose qu’ils ont voulu nous faire partager en tissant le thème de la perte autour de leur histoire. Ainsi, les auteurs, plutôt que de laisser l’action guider leur intrigue, se sont servis du thème pour prendre les décisions liées à la narration.
L’utilisation du thème comme un compas en quelque sorte permet de donner une unité à l’histoire. Lors des réécritures de votre scénario, c’est un des premiers points que vous devez vérifier. Avez-vous une idée précise de votre thème ?
Si votre récit vous semble incohérent, c’est souvent un problème thématique. Recentrez votre histoire sur son thème et vous trouverez cette unité qui semblait faire défaut.
A chaque instant, vos personnages ont la possibilité de faire des tas de choses différentes et même si certaines ne fonctionnent pas, il en reste suffisamment qui pourraient être bonnes, mais celle, et celle-là seulement, que vous devriez choisir sera celle qui correspond au mieux à votre thème. Dans le cas contraire, vous risquez de rendre votre récit assez brumeux.
C’est le respect au thème qui fait que Les Gardiens de la Galaxie fonctionne si bien, qu’il parvient à nous faire abandonner notre sentiment d’incrédulité et nous baissons les armes d’autant plus facilement que nous avons le sentiment d’être embarqué dans un voyage qui a du sens.
Si vous voulez vous rendre service, ne vous concentrez pas seulement sur l’action, cela compliquera encore plus l’acte Deux qu’il ne l’est déjà par nature. Travaillez aussi sur les émotions et orientez les décisions de vos personnages en vous focalisant sur le thème.
Vous devriez mettre de vous-mêmes dans votre scénario, probablement comme l’ont fait les auteurs des Gardiens de la Galaxie. Le thème est certainement ce qu’il y a de plus personnel dans votre histoire. Le thème est ce qui vous a donné l’envie de l’écrire.
Bien sûr qu’entre l’idée et le thème, il y a tout un monde à explorer. L’idée est suffisante pour commencer le processus d’écriture. Le thème, souvent, ne s’impose pas de lui-même. Cependant, au cours même du travail d’écriture ou lors de la réécriture, essayez de cerner ce thème. Peut-être que James Gunn et Nicole Periman n’ont pas cernés immédiatement le thème de la perte mais lorsqu’ils ont réécrit Les Gardiens de la Galaxie, ne se seraient-ils pas rendus compte que tous leurs personnages ont perdu quelqu’un ? Cette découverte leur aurait alors permis de réorienter leur histoire en suivant ce thème et de rendre leur récit encore plus attachant.
Un thème n’est pas tout
Mais.. mais ne vous laissez pas enfermer dans votre thème. Votre histoire, ce n’est pas seulement une idée ou un thème. Votre intrigue doit avancer, vos personnages doivent prendre des décisions cruciales et vous ne pouvez pas seulement illustrer des émotions. Il faut un équilibre et cet équilibre sera obtenu en structurant votre histoire.
C’est à cela aussi que sert le premier jet de votre travail. Vous allez écrire des scènes que finalement vous ne retiendrez pas mais qui sont nécessaires si vous souhaitez débroussailler votre travail au moment de la réécriture. Ces scènes qui ne sont pas parfaites ou qui s’avèrent en fin de compte hors sujet sont des matériaux que vous allez polir, que vous allez retravailler.
Et pour ce polissage, vous aurez besoin de votre thème.
Sommairement, vous allez reprendre ce qui figure déjà dans votre histoire et essayez de comprendre ce que, inconsciemment, vous êtes en train d’explorer, ce que vous essayez de dire.
Il ne vous reste plus qu’à supprimer ou remanier les scènes qui éloignent votre histoire de son thème. Dans une scène, l’un de vos personnages aura toujours plusieurs possibilités d’action, de décision ou de dialogues. Il vous faut alors choisir le bon élément.
Et c’est votre thème qui vous permettra de choisir.
Par exemple, lorsque Rocket va voir Drax après que celui-ci ait attiré Ronan l’Accusateur pour sa vengeance personnelle annihilant de ce fait les plans de l’équipe, Rocket pourrait lui dire qu’il n’est qu’un gros imbécile (ce qui serait hilarant vu les tailles contrastées de ces deux personnages) mais le thème veille et c’est ainsi que le texte de Rocket est beaucoup plus significatif, beaucoup plus puissant qu’une simple réplique sans signification particulière.
James Gunn s’est complètement imprégné du thème puisque son Opening Image elle-même décrit la mort de la maman d’un petit garçon. D’accord, vous pourriez nous rétorquer que Batman est devenu orphelin très tôt et la mort d’un proche est récurrent dans les films de super héros. Mais James Gunn propose quelque chose de réellement novateur pour ce genre.
D’abord la situation de la séquence : en Opening Image, cela ne se voit pas tous les jours. De plus, les personnages sont le moteur de cette séquence : ils la justifient, lui donnent sa raison d’être. Gunn introduit le Walkman et la bande qui va avec qui lui furent donnés par sa mère. Ainsi, il écoute son Walkman alors que la situation ne s’y prête pas mais cet objet symbolise la présence de sa mère qui sera à ses côtés tout au long de son aventure.
Puis il est amené auprès de sa mère mourante qui lui demande qu’il lui prenne la main. Mais il ne le peut pas : il peut être dans le déni ou est effrayé par la vision de sa mère (c’est un gosse après tout). Lorsqu’il revient, il est déjà trop tard.
Ce qui est inhabituel aussi est que cette histoire n’est pas une histoire dramatique. Elle est destinée à divertir mais cette séquence fonctionne parce qu’elle est liée au thème.
Si vous vous retrouvez dans un pareil cas, posez-vous simplement la question de savoir si la scène que vous décrivez s’articule avec votre thème. Si oui, même si, comme dans Les Gardiens de la Galaxie, elle correspond à un genre qui n’est pas celui de votre histoire, conservez-la car cimentée par votre thème, elle soutiendra votre récit.
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