En 1928, Vladimir Propp publiait Morphologie du conte dans lequel il dénombrait 31 fonctions narratives, 31 moments dans un récit. Tout comme Joseph Campbell et les mythes, Propp pensait que ces fonctions sont universelles et récurrentes parmi différentes cultures et époques.
La seizième de ces fonctions présente le héros (ou l’héroïne) dans un combat direct avec le méchant de l’histoire.
Cette fonction de combat direct entre le héros ou l’héroïne et le méchant de l’histoire fait référence à un élément récurrent dans les contes populaires où le protagoniste principal (héroïne ou héros) est confronté à l’antagoniste principal et s’engage dans un conflit direct avec lui. Cette confrontation a souvent lieu au point médian du récit (c’est-à-dire une articulation majeure qui nous permet d’entrevoir l’issue car en effet lorsque ce moment est heureux, la fin est souvent tragique et inversement, lorsque ce point médian illustre un revers majeur pour l’héroïne ou le héros du récit, alors ils triompheront sans doute de leur adversité).
L’issue de cette confrontation directe a ainsi des conséquences importantes sur la résolution du récit. Certes, il est possible aussi que le succès du héros ou de l’héroïne lors de ce moment du récit décrit par cette fonction détermine la défaite du méchant de l’histoire et la résolution du conflit en faveur des objectifs ou désirs du héros ou de l’héroïne, cela s’avère néanmoins bien moins dramatique.
Une confrontation directe
Cette fonction implique un face-à-face entre le protagoniste et l’antagoniste. Elle peut prendre différentes formes : physique, verbale ou spirituelle. Ce face-à-face génère une tension dramatique et un suspense dans le récit, car le lecteur et la lectrice sont impatients de voir comment se déroulera l’affrontement et qui en sortira vainqueur.
Si cette fonction ne surgit pas au point médian, alors elle intervient au moment du climax qui a lieu lors du passage dans l’acte Trois ou qui initie cet acte Trois comme un tournant majeur du récit. Il s’agit d’un moment d’action intense et d’impact émotionnel car ce climax détient souvent le message que l’autrice et l’auteur tentent de communiquer.
L’issue du climax conduit souvent à la résolution du conflit central du conte. Selon le récit, l’héroïne ou le héros peuvent vaincre le méchant de l’histoire ou ce dernier peut s’échapper temporairement, préparant ainsi le terrain pour d’autres événements. C’est une manière de confondre le point médian et le climax en un seul moment.
La fonction d’un affrontement direct entre le héros et le méchant, telle qu’elle est décrite dans l’analyse structurelle des contes populaires de Vladimir Propp, se concentre principalement sur la structure narrative et les éléments récurrents que l’on trouve dans les récits folkloriques. Bien que les travaux de Propp n’abordent pas explicitement l’analyse psychologique, certaines interprétations psychologiques et symboliques peuvent être appliquées à cette fonction narrative, car elle reflète certains thèmes et dynamiques universels que l’on retrouve couramment dans les contes.
Une situation conflictuelle
Cet affrontement représente le conflit central de l’histoire. D’un point de vue psychologique, elle peut être considérée comme un reflet de l’expérience humaine du conflit et du désir de résolution. Elle reflète la tendance universelle de l’être humain à affronter des défis et des adversaires dans la vie (ce qui romp la monotonie de son quotidien) et la satisfaction que procure la résolution de ces conflits, qui peut être psychologiquement gratifiante. Une manière de dire la sanction & la récompense qui accompagnent souvent nos actes.
L’analyse de Propp identifie souvent des personnages qui remplissent des rôles spécifiques, tels que le protagoniste (ou héros, héroïne) et l’antagoniste. Ces archétypes de personnages peuvent être considérés comme des représentations symboliques de divers aspects de la psyché humaine. Par exemple, le héros peut symboliser le courage, la détermination et nous pouvons oser aussi l’ego, tandis que le méchant peut symboliser l’opposition, l’adversité ou même la face cachée de la personnalité du héros ou de l’héroïne.
Cette lutte directe entre le personnage principal et ce qui représente son antagonisme peut susciter des réactions émotionnelles chez le lecteur/spectateur, telles que la tension, l’excitation et la catharsis. D’un point de vue psychologique, la catharsis est la libération des émotions refoulées, et le fait d’assister à l’affrontement de l’héroïne ou du héros et à leur triomphe potentiel sur le méchant de l’histoire peut procurer au lecteur et à la lectrice un sentiment de libération émotionnelle et de satisfaction.
Le conflit est souvent une représentation simplifiée de la lutte morale entre le bien & le mal particulièrement mise en évidence dans les contes, légendes et jusqu’aux mythes. D’un point de vue psychologique, cela reflète la tendance humaine à se débattre avec des questions de moralité et d’éthique. Ce combat n’a d’importance que parce qu’il est un moyen de dire, de traduire dans le concret, les dilemmes moraux et les décisions éthiques auxquels les individus sont confrontés dans leur vie.
Le Hero’s Journey qui consiste en la découverte de soi comprend souvent un combat direct avec l’antagonisme, ce qui peut être considéré comme une représentation symbolique d’un cheminement intérieur et d’une maturation du héros ou de l’héroïne : ils peuvent être confrontés à des peurs, des faiblesses ou des doutes au cours de cette confrontation directe, ce qui peut faciliter le processus de découverte de soi et de développement personnel.
Alors que l’analyse de Propp se concentre principalement sur les éléments structurels des récits populaires, ces interprétations psychologiques et symboliques soulignent comment ce cadre théorique peut être utilisé pour explorer des thèmes plus profonds et des idées liées à la psychologie humaine et aux aspects universels de la narration. De nombreux chercheurs et analystes ont élargi le travail de Propp pour y intégrer des dimensions psychologiques et symboliques, enrichissant ainsi notre compréhension des récits qu’il a étudiés.
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