L’ellipse est une fonction de l’écriture et de la parole qui permet d’omettre des mots tout en conservant le sens de l’énoncé ou de la phrase. À l’écrit, la ponctuation de l’ellipse est constituée de trois points.
Le concept d’ellipse est également utilisé en relation avec la narration au cinéma et peut être utilisé pour comprendre les techniques narratives pour l’écriture de scénarios. Dans la théorie narrative, ce que l’on appelle ici l’ellipse est identifié comme étant un vide, celui d’un intervalle de temps ou d’un changement de lieu. Ce terme de vide n’a pas d’usage général, mais il pourrait être utilisé en relation avec la narration dans les films, bien que l’ellipse indique la même fonction.
Un déplacement temporel et spatial
Dans la narration d’un film, les événements d’une histoire sont sujets à des ellipses spatiales et temporelles, et il s’agit d’un processus significatif et continu dans la narration cinématographique.
Au stade du scénario, certaines scènes se poursuivent sans ellipse, l’action des personnages est transportée d’un endroit à l’autre sans que l’on ait l’impression que le temps s’est interrompu, ou plus généralement il y a ellipse, la fin d’une scène et le début de la suivante étant compris comme un vide temporel et souvent dans le lieu de l’action.
Ce qui est important ici, c’est que lorsque le scénario est écrit, c’est en pensant que le lecteur/spectateur comprendra l’ellipse entre les scènes en termes de narration, de sorte que le scénariste doit savoir ce qui doit se trouver dans les scènes scénarisées pour que l’ellipse soit compréhensible.
Pour illustrer cette question, prenons l’exemple de la liaison de deux scènes : dans la première scène, une femme se rend sur une tombe ; dans la scène suivante, la même femme déménage des meubles d’une maison : cette ellipse est susceptible d’indiquer que les funérailles sont liées à l’action dans la maison.
Mais si la narration consiste en ce que
- la mère de la femme est décédée
- et que la femme débarrasse la maison de sa mère,
alors cette information narrative spécifique, l’objectif et le sens de la scène et de son action doivent être racontés sous une forme ou une autre lors des funérailles ou dans la maison. Le lecteur/spectateur doit savoir que la fille assiste aux funérailles de sa mère. Il doit savoir que la fille se trouve dans la maison de sa mère.
Le fait de passer de la tombe à la maison ne suffit pas à transmettre cette information. Des confusions se produiront si l’ellipse n’est pas préparée : lorsque l’ellipse échoue, il y a un vide illégitime, un problème dans la narration, et le lecteur/spectateur fera un effort conscient pour essayer de surmonter l’incohérence, tout en étant conscient que la narration a un problème : il se sentira désorienté par rapport à l’action qu’il a vue.
Les scénaristes néophytes sont souvent confrontés à des problèmes d’ellipse. Les scènes en elles-mêmes compriment le récit : l’action et le dialogue sont construits de manière à ce que les événements significatifs soient réunis. Même si un film est construit en un seul plan, et peut-être surtout s’il s’agit d’un seul plan présenté comme une histoire en temps réel, les événements importants devront se succéder : la question ici est la chronologie et la durée des événements, c’est-à-dire que la narration se poursuive et progresse de manière compréhensible, intelligible.
Lorsqu’il y a des ellipses dans la construction même du récit, lorsque le temps et le lieu changent d’une scène à l’autre, un problème se pose lorsqu’un scénario comporte plusieurs scènes qui n’offrent que peu ou pas de progression claire de l’histoire : une femme est à des funérailles, une scène dans un seul lieu avec une seule action, racontant un événement spécifique de l’histoire qui consiste en une femme qui assiste à des funérailles.
Ou, au lieu d’une seule scène, plusieurs scènes : une femme est passagère d’une voiture avec chauffeur ; la voiture arrive devant un bâtiment et s’arrête ; la femme descend de la voiture ; la femme entre dans le bâtiment ; la femme lit un panneau indiquant Chapelle et entre dans une chapelle. Un corbillard avec un cercueil descend la route..
Assurer la cohérence
Ici, il y a plusieurs scènes pour le même événement, alors que l’ellipse peut transmettre cette narration en seulement deux scènes. Ce qu’un scénario réussi fait, c’est raconter une histoire, de sorte que chaque action décrite véhicule une information qui participe au déroulement de l’intrigue. En imaginant une scène de funérailles, l’auteur ou l’autrice envisagent très certainement une série d’événements, mais ils doivent ensuite décider lesquels racontent l’histoire pour la construction de leur récit, c’est-à-dire ce qui sera montré dans le film.
L’utilisation de l’ellipse en permettant l’affinement des éléments de l’histoire à travers la construction des scènes ou plus précisément des séquences, est importante pour la clarté de la narration. Dans l’écriture de scénarios, la maîtrise des ellipses est une compétence particulière. Les scénarios sont souvent trop longs dans leur première version, avec des scènes trop longues et trop nombreuses par rapport à la durée du film.
Lorsque des scènes sont coupées, supprimées pour raccourcir le scénario, cette suppression de scènes est en fait un processus de création d’ellipses. Il faut alors identifier comment raconter l’histoire avec moins de scènes et utiliser l’ellipse pour faire avancer l’intrigue, le lecteur/spectateur étant capable de combler les lacunes de la narration. Lorsqu’un changement de scène altère la narration, le scénariste doit y réfléchir pour tenter de l’intégrer au récit sans perturber celui-ci.
Altération vient du latin alteratio qui signifie changement. Si l’on n’y prend garde, le sens que l’autrice ou l’auteur cherche à communiquer peut ne pas atteindre son destinataire, c’est-à-dire le lecteur/spectateur. Et celui-ci sait que quelque chose manque : l’ellipse ne fonctionne pas, la narration échoue. Dans les films, l’ellipse temporelle et spatiale est présente tout au long de l’intrigue : elle fonctionne à l’intérieur des scènes et entre les scènes.
Même si un film est réalisé en un seul plan continu, dans ce qui semble être le temps réel, les événements sont contrôlés et comprimés dans le scénario, et le tournage, le plan unique, doit raconter l’action pour que le récit soit cohérent car un plan unique ne peut pas montrer toute l’action de la scène ; il y a donc effectivement une ellipse spatiale : le plan unique ne montrera que certaines actions et certains événements à l’écran, et d’autres, hors de l’écran, doivent être compris, et effectivement construits par le lecteur/spectateur lui-même.
Il s’agit plutôt d’examiner les ellipses à l’intérieur des scènes, plutôt qu’entre les scènes. Dans presque tous les films, il y a des ellipses temporelles et spatiales dans la mise en forme de l’action et dans le montage, et ceci est contrôlé par la continuité.
Une scène dont on pense qu’elle contient une action en temps continu sera en fait sujette à une ellipse et une scène avec un certain nombre d’actions qui se déroulent sur une période de temps sera racontée dans ce qui est effectivement une séquence de scènes aux durées variables qui représentent l’action sur une période de temps.
Considérons une action narrative montrée à travers une séquence de scènes et l’utilisation de la continuité et de l’ellipse dans ce contexte : dans une grande salle à manger, une table pour vingt convives doit être préparée avec du linge de table, de l’argenterie et de la vaisselle.
Dans le film, cela est raconté par la séquence de plans suivante :
- Une grande table à manger est dépouillée,
- un serveur arrive avec du linge de table et il commence à dresser la table.
- Un deuxième serveur arrive avec de la vaisselle, ils s’affairent tous deux autour de la table et les événements du récit ont progressé,
- le dressage de la table est presque terminé. Un troisième serveur arrive avec d’autres pièces de vaisselle et l’intrigue progresse à nouveau.
- Le premier serveur n’est plus dans la pièce et le second finit de mettre la vaisselle en place.
Le temps d’écran (c’est-à-dire le temps du récit) pour la mise en place de la table de vingt convives est de moins de vingt secondes, alors que le temps réel de la tâche est de trente minutes. En regardant le film, le lecteur/spectateur comprendra les événements grâce aux ellipses, et ceci sera soutenu par la continuité, établissant que la mise en place de la table est une action continue : l’éclairage de la pièce sera constant, ou si la tâche devait durer plusieurs heures, la lumière pourrait être changée pour indiquer un passage significatif du temps.
La didascalie
Le scénario, pour indiquer l’action, précise dans la didascalie : Trois serveurs posent le linge de table, l’argenterie et la vaisselle sur une grande table à manger, mais le scénario n’indique pas combien de temps il faudra pour raconter cette action, ni la technique de tournage de la scène, ni l’utilisation d’ellipses.
La didascalie suffit à clarifier l’événement : dresser une grande table pour un dîner formel. L’une des questions de toute narration est de savoir ce qu’il faut inclure et ce qu’il faut exclure pour raconter l’histoire de manière efficace, et ce qui est implicite dans cette sélection d’événements est l’ellipse : le lecteur/spectateur comblera les lacunes si le récit est raconté de manière à lui faciliter cette faculté.
Au cinéma, l’ellipse fait partie de la technique narrative du scénario et s’étend à la mise en scène en germe dans l’écriture jusqu’au montage. L’ellipse est essentielle à la narration. Dans la langue parlée et écrite, cette technique a été apprise et fait l’objet d’une pratique constante : les techniques d’ellipse dans la narration cinématographique doivent également être apprises et comprises, afin de pouvoir être appliquées lors de l’écriture du scénario.
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