Le héros tragique est un archétype littéraire qui désigne un personnage de noble naissance ou de haut rang social, mais qui présente un défaut, un vice, une faille tragique qui le conduit finalement à sa perte.
La chute du héros tragique est généralement due à une combinaison de ses propres actions et de circonstances extérieures.
La problématique du défaut
Il s’agit d’un type spécifique de défaut, également connu sous le nom de hamartia, que possèdent les héros tragiques aristotéliciens. Il s’agit d’un défaut qui pousse un personnage par ailleurs noble ou exceptionnel à provoquer sa propre chute et, souvent, sa mort. Il peut s’agir, par exemple, d’un orgueil démesuré (hubris), une confiance mal placée, une curiosité excessive, un manque de confiance en soi, un manque de confiance en l’avenir..
Cette chute se produit généralement au début du récit, l’intrigue elle-même se concentrant sur les conséquences ou les tentatives de rédemption de la chute. Mais si Œdipe n’avait-il pas été aussi arrogant, aurait-il pu être seulement sauvé ?
Un héros tragique provoque une résonance émotionnelle chez le lecteur/spectateur. Il évoque en l’âme à la fois de la sympathie (à défaut d’empathie) et une peur aussi car on ne peut échapper à la comparaison d’une destinée qui ne nous est pas si étrangère.
On reconnaît néanmoins en le héros tragique la nature destructive de ses actions. Malgré des qualités admirables, le héros tragique est donc finalement condamné par un défaut tragique ou un concours de circonstances. L’arc dramatique d’un tel héros ou d’une telle héroïne crée en nous une réponse émotionnelle complexe (et partant, presque difficile à analyser et à comprendre).
La sympathie que le lecteur/spectateur éprouve pour le héros tragique provient de sa capacité à s’identifier aux luttes et aux défis du personnage. L’identification est comprise comme une reconnaissance plus ou moins exacte des tourments qui préoccupent l’héroïne ou le héros tragiques. Les aspirations, les conflits et les tourments intimes du héros et de l’héroïne sont souvent universels et font appel à des expériences humaines communes.
Les actions & les choix du héros tragique témoignent de sa vulnérabilité, de ses désirs, de ses passions ; c’est-à-dire précisément ce qui crée une proximité émotionnelle. Assister à la mort du héros ou de l’héroïne peut susciter un profond sentiment de pitié et de tristesse, c’est-à-dire des sentiments qui ne peuvent nous laisser indifférents.
Le lecteur/spectateur est contraint de s’identifier à la souffrance de l’héroïne & du héros, reconnaissant les injustices inhérentes à la vie et la fragilité de l’existence humaine. Bien que le héros ou l’héroïne possède des qualités admirables ou de nobles intentions, leur défaut tragique ou leurs décisions malavisées les conduisent souvent à leur propre perte et ont des conséquences néfastes sur leur entourage. L’absence d’un être aimé ne sera jamais comblée.
Le jeu de la sympathie et de la peur chez la lectrice et le lecteur crée une tension émotionnelle et un engagement accru dans le récit. Il permet une exploration plus profonde de la condition humaine, de la moralité et des conséquences de nos propres choix. En faisant l’expérience à la fois de la tragédie et de la nature destructrice des actions du héros tragique, le lecteur/spectateur comprend mieux les complexités de la vie et les contradictions inhérentes à la nature humaine.
La problématique de la catharsis
La lectrice et le lecteur font l’expérience de la catharsis, c’est-à-dire d’un sentiment de libération émotionnelle, en assistant à la chute du héros tragique. La catharsis fait partie intégrante de l’expérience de la chute d’un héros tragique. La catharsis fait référence à la purge (telle que l’a expliqué Aristote) ou à la libération des émotions que le lecteur/spectateur éprouve en s’engageant dans un récit tragique.
La tragédie procure un sentiment de catharsis émotionnelle ou de délivrance, permettant au lecteur/spectateur de traiter et de libérer ses propres émotions à travers l’expérience par procuration du parcours tout au long du récit d’un héros tragique. En s’investissant émotionnellement dans le récit et en développant un lien avec le héros ou l’héroïne, la lectrice et le lecteur partagent également l’intense voyage émotionnel du personnage. Lorsque le héros tragique connaît un destin tragique, qu’il s’agisse de la mort, de la ruine ou d’une autre forme de chute, le lecteur/spectateur est confronté à la réalité brutale de l’existence humaine et à la fragilité inhérente à la vie.
Cette confrontation avec la souffrance et la mort du héros tragique permet au lecteur/spectateur de libérer ses propres émotions refoulées et de vivre une expérience cathartique. Grâce à cette libération émotionnelle, la lectrice et le lecteur peuvent avoir une perspective renouvelée sur leur propre vie et leurs propres expériences. Ils peuvent trouver du réconfort en réalisant que leurs propres luttes et difficultés ne sont pas isolées et qu’il existe une expérience humaine commune face à la tragédie et à l’adversité.
La pitié naît de la souffrance et de la chute du héros tragique. Le lecteur/spectateur compatit aux luttes du héros ou de l’héroïne et éprouve un profond sentiment de compassion pour leur sort. Ce lien émotionnel favorise un sentiment de pitié, car la lectrice et le lecteur d’un tel personnage reconnaissent l’humanité et la vulnérabilité inhérentes au héros tragique. Grâce à cette expérience, le lecteur/spectateur peut réfléchir à sa propre capacité à souffrir et à la fragilité de l’existence humaine.
Nous n’en sommes pas moins face à une ambiguïté morale avec l’héroïne et le héros tragiques. Malgré la sympathie que nous pouvons éprouver envers les circonstances qu’ils traversent, nous pourrions juger leurs actions condamnables. L’ambiguïté morale fait référence à une situation ou à un personnage dans lequel le bien et le mal ne sont pas clairement définis et où il n’y a pas de certitude morale absolue.
Et cela provoque en nous des émotions contradictoires.
Une personnalité complexe
Le héros & l’héroïne tragiques possèdent généralement des traits admirables, tels que la bravoure, l’intelligence ou un sens aigu de la justice. Ces qualités suscitent la sympathie de la lectrice et du lecteur, qui devinent chez le personnage une grandeur d’âme. Cependant, le héros tragique a aussi des défauts ou fait des choix discutables qui peuvent le mener à sa perte. Ces défauts peuvent être l’arrogance, l’impulsivité ou la poursuite aveugle de ses objectifs, ce qui peut susciter la réprobation de celui ou celle qui observe & juge le personnage.
L’héroïne et le héros tragiques peuvent tout autant se mépriser eux-mêmes lorsqu’ils accomplissent des actions moralement discutables. Les intentions du héros ou de l’héroïne peuvent être nobles, mais leurs méthodes peuvent être discutables ou moralement ambiguës. En conséquence, le lecteur/spectateur est partagé entre la sympathie pour les luttes du personnage et la condamnation de son comportement moralement répréhensible.
Cette ambiguïté morale ajoute de la profondeur et de la complexité à l’archétype du héros tragique. Elle reflète les complexités de la nature humaine et remet en question les propres jugements moraux du lecteur/spectateur. En brouillant la frontière entre le bien et le mal, le héros tragique devient une figure plus compréhensible et plus réaliste, car il reflète les dilemmes moraux et les contradictions qui existent chez tous les individus.
Selon Aristote, la tragédie donne une leçon de morale : il pensait que la tragédie devait transmettre une leçon morale au public. La chute du héros tragique doit servir de mise en garde, avertissant le lecteur/spectateur des dangers d’un orgueil démesuré, d’une ambition démesurée ou d’un manque de conscience de soi. La tragédie doit être une représentation de la nature humaine : Aristote pensait que la tragédie devait refléter la nature humaine telle qu’elle est, et non telle qu’elle devrait être. La tragédie doit être une représentation de l’expérience humaine et doit pouvoir être comprise de son lecteur/spectateur.
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