PART 1 : THE ADVENTURE OF THE HERO
CHAPTER 1 : DEPARTURE
2. Refusal of the call
The psyche has many secrets in reserve. And these are not disclosed unless required. So it is that sometimes the predicament following an obstinate refusal of the call proves to be the occasion of a providential revelation of some unsuspected principle of release.
Willed introversion, in fact, is one of the classic implements of creative genius and can be employed as a deliberate device. It drives the psychic energies into depth and activates the lost continent of unconscious infantile and archetypal images. The result, of course, may be a disintegration of consciousness more or less complete (neurosis, psychosis: the plight of spellbound Daphne); but on the other hand, if the personality is able to absorb and integrate the new forces, there will be experienced an almost superhuman degree of self-consciousness and masterful control. This is a basic principle of the Indian disciplines of yoga. It has been the way, also, of many creative spirits in the West. It cannot be described, quite, as an answer to any specific call. Rather, it is a deliberate, terrific refusal to respond to anything but the deepest, highest, richest answer to the as yet unknown demand of some waiting void within: a kind of total strike, or rejection of the offered terms of life, as a result of which some power of transformation carries the problem to a plane of new magnitudes, where it is suddenly and finally resolved.
La psyché possède de nombreux secrets en réserve. Et ceux-ci ne seront pas dévoilés à moins qu’ils n’y soient forcés. C’est ainsi que parfois la difficile situation consécutive à un refus obstiné de l’appel s’avère être l’occasion d’une révélation providentielle de quelque principe libérateur insoupçonné.
L’introversion volontaire, en fait, est l’un des instruments classiques du génie créatif et peut être utilisée comme un dispositif délibéré. Cette introversion pousse les énergies psychiques en profondeur et active le continent perdu des images infantiles et archétypales inconscientes. Le résultat, bien sûr, peut être une désintégration plus ou moins complète de la conscience (névrose, psychose : la détresse et le sort de la nymphe Daphné) ; mais d’un autre côté, si la personnalité est capable d’absorber et d’intégrer les nouvelles forces, elle fera l’expérience d’un degré presque surhumain de conscience de soi et de maîtrise.
C’est un principe de base des disciplines indiennes du yoga. C’est également la voie empruntée par de nombreux esprits créatifs en Occident. Le refus de l’appel ne se définit pas tout à fait comme une réponse à un appel spécifique. Il s’agit plutôt d’un refus délibéré et terrifiant de répondre à cette exigence la plus profonde, la plus élevée et la plus riche encore inconnue d’un vide intérieur en attente : une sorte de totale rébellion ou de rejet de conditions de vie imposées, à la suite de quoi un pouvoir de transformation porte le problème à un plan de nouvelles magnitudes, où il est soudainement et finalement résolu.
The psyche has many secrets in reserve. And these are not disclosed unless required.
Campbell commence The Hero’s Journey par un appel à l’aventure (Call to Adventure), qu’il décrit comme une offre de changement qui se présente au héros (ou à l’héroïne) comme un défi. Ce défi est ce qui donne aux personnages une raison de laisser leur ancienne vie derrière eux et de commencer leur aventure.
Cette étape est également marquée par l’apparition du Héraut, un être qui annonce (Herald) le début du voyage. Cet être est généralement une entité non naturelle qui semble effrayante au premier abord, mais qui se révèle être le guide de l’aventure. Le héraut ou l’annonciateur de l’aventure est souvent sombre, répugnant ou terrifiant, jugé mauvais par le monde.
Thor est le dieu du tonnerre dans la mythologie nordique. Thor s’est toujours distingué des autres, et le jour de son huitième anniversaire, Odin lui a offert Mjolnir, un marteau enchanté d’une magie extraordinaire. Mais il ne pourra le recevoir que lorsqu’il prouvera qu’il est un véritable guerrier.
Le monde ordinaire (Ordinary World) est Asgard dont le seigneur est le dieu suprême Odin, le père de Thor. Asgard est l’un des trois mondes cosmogoniques de la mythologie germano-scandinave créés par la triade de dieux démiurges : les trois frères Odin, Vili et Ve.
Asgard est peuplée de dieux mais aussi de créatures dénuées de pouvoirs surnaturels. Thor est arrogant, prétentieux, présomptueux et son âme est encore celle d’un enfant. Néanmoins, un nouvel événement (le Call to Adventure) oblique le récit vers la forme d’un défi ou d’une offre d’aventure. La destinée convoque le héros l’invitant à changer son centre de gravité spirituel (tel que le conçoit Joseph Campbell).
Le centre de gravité spirituel désigne l’intériorité d’un être. L’âme, le siège des passions, est invitée à changer. Ainsi, Thor doit accepter un nouveau défi afin de restaurer l’ordre dans le royaume. Le Call to Adventure représente précisément ce défi.
Après l’incident des Géants de glace qui tentèrent de s’emparer de nouveau de l’Écrin des Hivers d’Antan, Thor s’opposa à la volonté d’Odin de ne pas donner suite à l’incident. Ce que veut Odin cependant, c’est que Thor réalise que sa fougue impétueuse n’est pas digne d’un futur roi. Être roi, être un être responsable, c’est gagner en sagesse. Odin, qui se présente comme le herald du Hero’s Journey, est l’annonciateur (le héraut) de l’aventure. Il est celui qui exige que la psyché s’ouvre sur elle-même et s’affronte à elle-même.
Désobéissant, Thor ne fait que renforcer ce qu’il est encore. Il ne répond pas à la demande d’Odin de prendre les décisions d’un vrai roi. Odin essaie de faire comprendre à Thor que son âme (sa psyché) doit changer et que ce changement est déjà en lui (les secrets de sa psyché).
Mais Thor échoue au test et nie cet appel à devenir autre (Refusal of the Call).
Similarités
De nombreux mythes partagent des similitudes quant à leurs thèmes, leurs structures et les symboles invoqués. On peut s’en étonner. C’est-à-dire comment ces similitudes ont-elles pu se produire dans des cultures si différentes et si distantes dans l’espace et dans le temps ?
Carl Jung et Joseph Campbell explique que cela serait dû au fait que de nombreux thèmes et symboles mythologiques émergent d’une zone de l’esprit appelée l’inconscient collectif. Outre l’inconscient individuel, composé d’éléments tirés des expériences, du vécu d’un individu, l’inconscient collectif contient des éléments ou des structures cognitives qui ont évolué au cours de l’histoire de l’humanité et qui sont communs à tous.
Ces structures cognitives qui ne cessent d’évoluer (frayant toujours la voie à de nouvelles créations), que Jung a appelées archétypes, ne peuvent pas être observées directement, mais se manifestent par diverses figures ou modèles symboliques qui constituent la base de nombreux mythes – ce qui explique que des mythes similaires puissent apparaître dans des cultures séparées par des centaines ou des milliers d’années.
Pour Campbell, ces symboles ne sont pas fabriqués ; ils sont des productions spontanées de la psyché. En tant que manifestations des couches les plus profondes de l’inconscient, les mythes sont censés révéler des vérités intemporelles sur les désirs, les peurs et les aspirations communs à tous les individus. Ce que confirme Jung : les mythes sont avant tout des phénomènes psychiques qui révèlent la nature de l’âme.
Les mythes ont rempli diverses fonctions dans différentes cultures à travers le temps. L’une des fonctions les plus pratiques a été de fournir aux individus un modèle pour les aider dans leur maturation et leur développement psychologique.
Le développement psychologique, le processus d’individuation, qui consiste à intégrer les contenus inconscients de la psyché dans la conscience ou ego, aboutit à la formation de ce que Jung appelle la vraie personnalité, le soi. Le soi consiste donc en une totalité, une entièreté de l’être qui lui permet de se comprendre en dépassant ses propres perceptions.
L’étude du symbolisme mythologique est un moyen parmi d’autres d’élucider le contenu inconscient et d’en prendre conscience. Joseph Campbell insiste : ces symboles mythologiques sont issus de la psyché ; la psyché (ensemble conscient & inconscient) informe le spirituel en nous.
Ils sont des moyens de communication entre les profondeurs de notre vie spirituelle et cette couche relativement mince de conscience par laquelle nous gouvernons nos existences diurnes.
Des possibles à découvrir
Mettre en lumière le contenu inconscient est important car la part inconsciente de la psyché contient des potentiels non réalisés (c’est-à-dire des possibles) qui, s’ils sont découverts et intégrés à la conscience, peuvent entraîner une transformation personnelle.
Le Pathway to bliss (le chemin de la félicité) de Campbell consiste à découvrir et à nourrir ces potentiels qui sont déjà à l’intérieur de soi. Les héros et héroïnes mythiques qui vivent des aventures héroïques tentent d’actualiser ce potentiel qu’ils ignorent parfois et pourtant qui est déjà en eux et de trouver leur propre chemin vers la félicité.
Ces figures héroïques sont légion dans de nombreuses cultures à travers l’histoire. Si ces mythes varient dans le détail en fonction de leur époque et de leur lieu d’origine, ils partagent un modèle commun que Joseph Campbell a surnommé le mythe du voyage du héros.
Dans les mythes qui suivent le schéma du hero’s journey, le héros s’aventure d’un monde familier vers des contrées étranges et parfois menaçantes : désert, océan, sombres bois.. Il s’agit toujours d’un passage dans autre chose. Du moins, dans ce qu’il paraît être autre chose.
Campbell propose de considérer ce passage lui-même comme un symbole du détachement de l’individu de sa personnalité consciente (l’ego ou moi) vers les régions inexplorées de son propre inconscient, à la recherche de l’ultime richesse, c’est-à-dire les potentiels non réalisés qui s’y cachent.
Le hero’s journey commence toujours par un appel à l’aventure, un Call to adventure. Dans les mythes, cet engagement sollicité comme exigence est souvent personnifié sous la forme d’un animal que le héros (et parfois l’héroïne) rencontre. Ce personnage symbolise l’instinct ou l’intuition souvent juste mais trop souvent ignorée.
Mais..
Often in actual life, and not infrequently in the myths and popular tales, we encounter the dull case of the call unanswered; for it is always possible to turn the ear to other interests. Refusal of the summons converts the adventure into its negative. Walled in boredom, hard work, or “culture,” the subject loses the power of significant affirmative action and becomes a victim to be saved.
Souvent dans la vraie vie comme dans les mythes et les contes populaires, nous rencontrons la terne circonstance d’un appel sans réponse ; car il est toujours possible de tendre l’oreille vers d’autres intérêts. Le refus de l’injonction manifeste l’aspect négatif de l’aventure. Emmuré dans l’ennui, le travail ou sa propre diversité culturelle, le sujet perd le pouvoir d’une action positive significative et devient une victime à sauver.
On peut dire que ce sujet perd l’occasion de s’affirmer. Certes, Campbell reconnaît que ceux qui hésitent ne sont pas condamnés à errer dans les limbes de leur propre ignorance d’eux-mêmes (ce que représente le refus initial face à l’exigence de changer qui apparaît d’abord comme une suggestion), il existe des forces intérieures qui comprennent l’importance de l’aventure et qui agissent pour que l’appel ne reste pas à jamais sans réponse.
Dans les mythes, ces forces sont souvent personnifiées par des aides surnaturelles. Aidé par des forces internes, le héros finit par répondre au Call to adventure et s’aventure en territoire inconnu.
So it is that sometimes the predicament following an obstinate refusal of the call proves to be the occasion of a providential revelation of some unsuspected principle of release.
Un principe libérateur
Refuser catégoriquement le Call to adventure peut déclencher une prise de conscience qui nous libère dans une espèce de périple dont nous avons besoin mais que nous avons toujours tenté d’éviter. Dans les années 1930, Carl Gustav Jung nomme comme énantiodromie ce renversement ou cette transformation profonde et angoissante d’une chose en son contraire. Fondamentalement, les énantiodromies se produisent lorsqu’une force, une situation ou une tendance se développe à un point tel qu’elle domine la vie.
Comme la vie tend à maintenir un équilibre, une forte contre-opposition (un mouvement inverse en somme) se développe pour compenser. À mesure que la tension entre les deux pôles augmente, la réaction contraire s’affirme, entraînant l’érosion de la tendance dominante. La contre-opposition finit par percer, entraînant la tendance dominante vers son opposé. Ainsi, l’autocratie, poussée à l’extrême, crée l’anarchie ; la liberté, lorsqu’elle atteint la démesure, ouvre la porte à la réglementation et à la répression ; la timidité exacerbée invite à l’agression et la loyauté aveugle & exploitée mène à la révolte.
Ce concept d’inversion polaire interactionnelle n’est pas nouveau. Héraclite (535-475 av. J.-C.) a observé que toute chose finit par se transformer en son contraire ou par être remplacée par celui-ci. Georg Friedrich Hegel (1770-1831) a exprimé une idée similaire dans sa dialectique, dans laquelle la croissance, l’évolution d’une chose ou sa compréhension passe de la thèse à l’antithèse puis à la synthèse. Le verbe dialectiser signifie faire évoluer par un processus d’opposition et de dépassement de ces oppositions. Le cycle « rejet, inversion des valeurs et enfin libération« , caractéristique des énantiodromies, est un thème commun à la littérature et à la dynamique psychologique du hero’s journey.
Comprendre ce cycle peut nous aider à traverser des périodes de transition et de désarroi dans nos propres vies. L’énantiodromie met en jeu des valeurs opposées comme la joie & la tristesse. Ce principe nous dit que toute position, tout système, toute tendance ou toute force contient ou implique son contraire : l’obscurité nécessite la lumière pour être obscure, la grandeur existe à cause de la petitesse, le bien délimite le mal, l’agressivité implique la passivité, l’éthique reflète le manque d’éthique, la bonté est le revers de la cruauté..
Ce qu’il faut saisir est le potentiel qui réside au sein de la dualité. Par exemple, lorsque la bonté & la méchanceté s’opposent, cela crée un élan vers quelque chose à venir. Lorsque nous exprimons la bonté, nous réprimons la cruauté ; lorsque nous exprimons l’agressivité, nous réprimons la passivité.. L’individu qui est tolérant réprime sa capacité à avoir des préjugés, ou celui qui est passif réprime sa capacité à s’affirmer.
Polarité : deux aspects d’une même chose
Pour la pensée traditionnelle chinoise, cette bataille des contraires est aussi incompréhensible qu’un courant électrique sans pôles positif et négatif, car la polarité est le principe selon lequel le + et le -, le nord et le sud, sont des aspects différents d’un seul et même système, et que la disparition de l’un d’entre eux entraînerait la disparition du système.
Le point important est que ces tendances apparemment contradictoires ne sont pas des forces séparées et opposées. Ce sont les pôles d’un même système. Les pôles se définissent ou se délimitent l’un l’autre. Psychologiquement, les pôles représentent des potentiels opposés dans un aspect de notre psyché. Concentrer le potentiel sur l’un tout en niant l’autre n’est pas seulement insensé, mais serait impossible.
La psychologie jungienne appelle cette contre-tendance ou cette disposition opposée l’ombre. Le mot ombre évoque les éléments sombres de notre psyché, mais l’ombre n’est pas nécessairement une mauvaise chose. C’est le lieu inconscient des aspects de notre personnalité que nous jugeons inacceptables ou inconfortables. Si, consciemment, nous sommes timides et effacés, notre ombre contiendra le côté extraverti et affirmé de notre nature. Si notre nature extérieure est amicale et tolérante, notre ombre contiendra nos tendances antagonistes et étroites d’esprit.
Le fait est que, quels que soient les traits indésirables que contient l’ombre, ils font toujours partie de nous-mêmes ou de notre personnage, même si nous avons tendance à les cacher ou à les réprimer.
Ces tendances sombres de notre personnalité cherchent néanmoins à se manifester. Plus nous les réprimons, plus elles poussent en sens inverse. Ces aspects niés de nous-mêmes, l’ombre et autres, ont leurs histoires rendues impuissantes et invisibles. Inévitablement, ils se révolteront. Ce sera leur manière de se raconter.
Sur le plan émotionnel, le problème est que l’Ombre est brute et inconnue. Nous ne savons pas comment la gérer, alors nous la réprimons et renforçons dans le même coup notre tendance exprimée. Notre psyché maintient l’équilibre ce qui revient à dire que consacrer plus d’énergie à notre tendance exprimée provoque un plus grand refoulement de l’Ombre. Cette boucle de répression & de manifestation s’intensifie jusqu’à ce que la pression de la tendance réprimée dépasse l’énergie psychique disponible et que nous commencions à perdre le contrôle.
Des éléments de l’ombre commencent à s’infiltrer dans la conscience, affectant notre comportement et nos relations et inhibant notre capacité à penser et à agir. Notre tendance dominante commence à perdre sa cohérence en cédant de plus en plus d’énergie à notre ombre. Finalement, l’ombre submerge complètement la tendance consciente. Lorsque cela se produit, nous faisons l’expérience d’un changement dans notre perspective, nos croyances et nos conduites. Notre personnalité subit un renversement ou une transformation : une énantiodromie.
Une motivation à être
Tout ce à quoi l’on résiste sera contraint de chercher à se libérer. Et lorsque l’ombre y parvient, comme elle le fera, son expression est le plus souvent fortement déformée, car elle s’est libérée de la force de notre résistance.
Providential Revelation
Campbell a adopté une approche résolument non divine, et il appelle le mythe suprême le mythe du héros, un héros aux mille visages, par exemple. Il ne fait aucun doute que Campbell est proche d’une vérité en ce qui concerne l’idée que chacun a en lui ce symbole archétypal, ce mythe primordial de l’héroïsme.
Mircea Eliade dirait, d’où le héros tire-t-il sa signification ? Il tire sa signification de sa conformité avec le sacré. Eliade disait que la première et principale partie de la conscience mythique des êtres humains est le fait que le sacré, à savoir Dieu, a fait irruption dans le monde profane.
Une quête spirituelle
L’approche de Campbell à l’égard de la mythologie, de la religion et de la littérature, contrairement à l’accent mis par les universitaires sur les différences culturelles, se concentrait sur les similitudes. Il était convaincu que les thèmes ou archétypes communs de nos histoires et images sacrées transcendaient les variations ou les manifestations culturelles. De plus, il pensait qu’un réexamen des figures primordiales de la mythologie telles que le héros, la mort et la résurrection, la naissance virginale et la terre promise – c’est-à-dire les aspects universels de l’âme, l’héritage reçu autant sur le plan génétique que psychologique – pouvait révéler nos racines psychiques communes.
Notre âme saigne des blessures qu’elle s’est infligée elle-même. Ce que présuppose le voyage, c’est qu’il sera difficile et dangereux. Les monstres, les dangers, les tests et les épreuves nous disent autre chose : notre processus de guérison exige que nous affrontions nos démons, que nous ouvrions nos blessures et non que nous les dissimulions.
Nous devons faire face à notre rage, à notre douleur, à notre indignité, à notre sectarisme, à notre arrogance, à notre indifférence, à notre lâcheté, à nos terreurs, à nos pertes et à nos jugements, les connaître & les accepter. Nous devons nous aventurer dans les ténèbres, endurer la longue nuit obscure de l’âme.
Pour les âmes courageuses qui entreprennent le hero’s journey, les récompenses sont grandes. Souvent, ce voyage révèle les dons d’une personne, ses passions, ses talents et, en les révélant à soi-même autant qu’à autrui, découvrir sa place ou son but dans la vie.
Pour d’autres, pénétrer dans leur obscurité personnelle peut permettre de retrouver l’enfant intérieur perdu, avec son enthousiasme, sa vitalité et sa joie, de découvrir le vrai courage ou de développer une profonde compassion pour les autres.
La spiritualité s’intéresse aux aspects les plus profonds de la psyché humaine, ce que les religions appellent l’esprit ou l’âme. C’est une façon de décrire les éléments de la conscience. Certaines personnes disent que nous sommes des êtres spirituels ayant une expérience physique.
Le voyage consiste en l’exploration d’un territoire inconnu, c’est-à-dire une exploration spirituelle. Il est tout à fait naturel d’être curieux de notre conscience et de notre monde intérieur. Nous sommes nés avec un désir inné d’explorer l’inconnu, et notre curiosité nous pousse à poser des questions et à chercher des réponses. Notre curiosité naturelle nous entraîne dans une quête de découverte intérieure.
A la recherche de soi
Cette exploration de soi est d’autant plus nécessaire qu’elle est une quête de notre propre potentiel inconscient et non réalisé. Elle consiste pour l’âme à se rendre depuis le monde matériel vers sa source. Nous pouvons intentionnellement construire une relation entre notre être conscient et inconscient. D’après Jung, l’ego représente l’esprit conscient composé des pensées, des souvenirs et des émotions dont nous sommes informés. L’ego est en grande partie responsable des sentiments d’identité et de continuité de notre être. Mais il a des points aveugles, des dénis et des projections.
La recherche de soi est incessante. Il n’y a pas d’accomplissement ou d’achèvement dans une quête de soi. C’est l’acte même de faire cette démarche personnelle qui importe et la découverte de moments de révélation. Chaque moment est une espèce de nouvelle création de soi : un chemin à suivre vers cette véritable quête du bonheur, le Souverain Bien d’Aristote.
Pour comprendre la pensée de Joseph Campbell, il faut admettre que l’âme est une chose complexe qui se constitue de l’héritage de ceux qui nous ont précédé : les rêves, les buts qu’ils se sont fixés, les voix innombrables. Nous sommes des images, pas des représentations issues du travail de notre imagination, mais des images puissantes qui sont des échos d’images originales ou primordiales qui appartiennent au temps des origines et qui ont été produites dans des lieux légendaires : le Mont Olympe, le Mont Meru, le Mont Popa (la demeure des esprits vénérés en Birmanie)..
Nos vies seraient alors des échos, une mémoire de ces figures primordiales, de ces idoles (eidolon en grec).
En nous connaissant nous-mêmes, nous rencontrons également la dimension sacrée et parvenons à connaître Dieu, quelle que soit l’apparence de ces expériences numineuses. Jung a noté que nous ne pouvons jamais connaître Dieu directement, mais seulement l’image de Dieu dans la psyché. L’expérience du sacré ou du saint est numineuse, mystérieuse, formidable ou fascinante, avec une qualité émotionnelle puissante. L’union mystique est un sentiment ressenti du sacré, du divin ou de la présence de Dieu.
Les manifestations typiques sont l’unité des contraires (un sentiment d’unicité, de plénitude ou de complétude) ; l’intemporalité (le sentiment que les expériences mystiques transcendent le temps) et le sentiment que nous avons d’avoir en quelque sorte rencontré le vrai moi (présence ressentie ou le sentiment que les expériences mystiques révèlent la nature de notre vrai moi cosmique, celui qui est au-delà de la vie et de la mort.
Il peut aussi initier une descente transformatrice dans les ténèbres, une nuit obscure de l’âme, avec désespoir et aliénation (dans l’abandon de soi). Le moi qui se cherche tremble. Notre obscurité refoulée est exposée alors que nous nous battons pour apporter la lumière dans les ténèbres. Il faut détruire ce qui est avant de renaître et de s’éveiller à la vérité de soi. Joseph Campbell dit que cette nuit obscure a lieu juste avant la révélation car quand tout est perdu, et que tout semble obscur, alors vient la vie nouvelle.
Une crise spirituelle et existentielle
Cette nuit obscure de l’âme produit une crise spirituelle et existentielle. Nous nous sentons engloutis par les ténèbres dans une expérience singulière. Les crises peuvent suivre des événements qui bouleversent la vie : une catastrophe naturelle, un deuil, un diagnostic médical, une confrontation avec la mortalité, une douleur mentale ou physique qui peuvent être des occasions de découvrir des profondeurs de sagesse et de conscience.
Un effondrement inattendu de son identité et de la compréhension de la vie crée une dépression qui change notre vision du monde. Elle inclut une transformation impliquant des prises de conscience profondes de notre évolution spirituelle et la confrontation avec notre ombre. Les catégories générales comprennent la peur, l’abandon ou la remise en cause des valeurs, la perte de sens, la détresse sans consolation et un esprit blessé.
Notre moi conditionné s’ouvre. Une telle transformation est un processus évolutif naturel auquel chacun peut accéder. Le traumatisme remonte à la surface pour être vu, ressenti, aimé, examiné, maintenu en présence, alignés avec la réalité, et guéris.
Nous pouvons découvrir que le véritable abandon n’est pas la mort, mais en fait la vraie vie.
Un continent perdu
Des motivations et des désirs intérieurs ne peuvent être révélés que dans des terres étranges et des endroits sombres. L’exploration de ce continent perdu appartient au processus d’individuation tel que défini par Jung et dont la visée est la conscience de soi.
Ce parcours d’individuation est une descente dans ce que l’on pourrait considérer comme les mondes souterrains mythiques, ou, en utilisant les concepts jungiens, l’exploration de l’inconscient personnel et collectif, et la rencontre de soi avec les manifestations archétypales de son ombre et de son anima ou de son animus.
C’est en comprenant notre destinée à explorer ce continent symbolique perdu en nous-mêmes que nous pouvons commencer à apprécier la prescience de la psychologie jungienne. En ce sens, ce parcours intime (journey) nous donne l’occasion de découvrir un aspect perdu du Soi, ses parties invisibles et inconscientes, dont nous sommes témoins à travers notre propre processus d’individuation.
En explorant nos profondeurs, nous remontons le temps à la recherche de nous-mêmes. Le phénomène mythologique du voyage aux enfers est mis en parallèle avec les symboles de la transcendance qui représentent les efforts de l’homme pour atteindre son objectif le plus élevé qui, selon Jung, est la pleine réalisation du potentiel de son Moi individuel.
Il existe cependant un risque à tenter cette expérience : celui d’une totale désintégration lorsqu’on ose faire face à ce qui demeure caché en nous-mêmes.
rejection of the offered terms of life
Joseph Campbell mentionne l’histoire de Qamar et Budûr (le récit Des amours de Camaralzaman et de Badoure, un conte des Mille et une nuits) comme un exemple de rejet total de conditions de vie imposées (offered terms of life).
Le fils et la fille refusent tous deux de se marier selon les exigences de leurs familles respectives et défient ainsi l’ordre social établi qui exigeait une telle chose d’eux. Néanmoins, cette remise en question de l’ordre social ne peut durer. Elle doit cesser afin de laisser les choses se dérouler comme le destin l’a ordonné. C’est pourquoi les deux amants finiront par se marier et par avoir une progéniture qui assurera la continuité de la famille et de la lignée.
Car si ce rejet n’est pas surmonté, alors le voyage se termine et le monde qui entoure le héros et l’héroïne est terriblement altéré pour l’éternité. Il faut souvent un événement cataclysmique pour transformer un héros réticent en héros extraordinaire. Les héros peuvent être contraints d’agir lorsqu’ils réalisent qu’une vie ordinaire ne semble plus possible en raison de l’influence considérable et ignoble du méchant de l’histoire.
La transformation
Le changement de forme, de nature, d’apparence est dans l’ordre des choses. Souvent, il est considéré comme une amélioration. Mais il n’est pas acquis et se doit d’être assumé afin d’être durable. La graine devenue fleur a accompli ce pourquoi elle existe. Chez l’être conscient, cet accomplissement n’est pas une fin en soi mais le commencement d’un changement durable : une transformation.
Le préfixe latin trans signifie au-delà exprimant une idée de changement, de traversée. Le mot transformation indique alors l’idée d’un changement de forme : la graine et la fleur sont deux formes différentes. Une chose possède en soi ce pouvoir de transformation. Et la vie ne fait pas défaut : elle est incessante transformation.
Se figer est une espèce de mort. Nos décisions & nos choix donnent l’occasion de nouvelles directions dans nos vies comme si l’intrigue de notre histoire personnelle nous menait vers un autre nous-mêmes encore à découvrir. Les événements heureux ou terribles de nos vies sont les instruments de notre transformation.
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