Le personnage principal est celui par lequel nous éprouvons en tant que lectrice & lecteur l’histoire qu’il nous conte. Il est celui dont le problème personnel compose l’essentiel de l’intrigue ou bien il est au cœur du problème global de l’histoire.
Son regard nous dit ce qu’il se passe dans l’intrigue. Subjectivement, le personnage principal nous atteint parce que les émotions, les sentiments, les passions qui s’emparent de lui se communiquent facilement : ce sont des notions universelles. La colère, l’amour, la honte, l’amertume, la terreur et une infinité d’autres sont facilement reconnaissables par le lecteur/spectateur.
Par les passions, lectrices & lecteurs s’imprègnent du récit : ils n’en sont plus de simples observateurs.
Deux fonctions au cœur du récit
Protagoniste et antagoniste sont les deux fonctions récurrentes d’un récit de fiction. Il est posé un objectif qui concerne tous les personnages que ceux-ci tentent de l’atteindre ou au contraire qu’ils l’entravent. Chacun a ses raisons (tout à fait justifiées d’ailleurs).
Ce qui désigne le protagoniste est qu’il est la force au cœur de l’effort fourni pour atteindre l’objectif. Les conditions qui motivent cette force sont expliquées (souvent dans le cours du récit). Le protagoniste connaît alors une succession de péripéties mais l’issue de celles-ci est incertaine. Ainsi la solution offerte par l’autrice et l’auteur demeure imprévisible mais elle sera néanmoins acceptée par le lecteur/spectateur.
Un tel effort n’est pas gratuit. Il engendre une résistance. Quelqu’un ou quelque chose sera gêné par cet effort et s’y opposera.
Si nous comparons avec notre propre esprit, nous penserions à l’initiative pour qualifier cet effort. Cette initiative est la condition du changement. Que l’on se sente bien (souvent à tort) dans son quotidien ou bien qu’un événement plus ou moins traumatique nous enracine dans le passé ou encore que nous soyons la proie d’une fixation qui nous immobilise, prendre l’initiative nous ouvre vers l’avant.
Et c’est ce qui se produit lorsque le protagoniste, devenu personnage principal, accepte de prendre en charge le problème de l’histoire.
L’antagoniste est le contraire de l’initiative. Il est notre réticence à changer. Il représente la motivation à retrouver un équilibre perdu qui n’est déjà plus. Il est l’instrument de l’anagnorisis, c’est-à-dire ce moment de l’intrigue où nous prenons conscience de la réalité d’une situation (par une reconnaissance).
Admettons que chaque chose possède son contraire. Dans ce cas, Initiative & Réticence désigne un concept unique. Et si le protagoniste illustre l’initiative tandis que l’antagoniste représente la réticence, nous pouvons situer un personnage principal sous l’une ou l’autre facette.
Nous pourrions même aller plus loin en considérant que le personnage principal n’est ni protagoniste, ni antagoniste. Le personnage principal est celui qui communique avec le lecteur/spectateur par le langage de la passion. C’est la subjectivité des personnages qui nous ferrent, en tant que lectrice et lecteur, dans le récit dont nous ne sommes pas seulement des observateurs des événements qui s’y produisent.
La question du récit
Le récit de fiction pose une question d’ordre moral. C’est à ce problème qu’en fin de compte le personnage principal se trouve confronté. Le personnage principal est celui qui choisit de changer. Il peut échouer ou bien réussir à changer sa manière d’être dans le monde, à reconsidérer son existence selon un nouveau point de vue moral ou philosophique.
Cette décision que doit prendre le personnage principal constitue le message que l’autrice et l’auteur cherche à dire. Et l’intime conviction ou l’acte de foi du personnage principal, voulus par l’autrice ou l’auteur comme réponse à la question morale, aura pour conséquence la réussite ou l’échec du protagoniste et de l’antagoniste.
Dans la plupart des récits de fiction, protagoniste et personnage principal sont confondus. Il est un personnage qui est aux prises avec la question morale, qui représente le point de vue du lecteur/spectateur et qui mène la charge dans la logistique de l’intrigue.
Mais le personnage principal peut être n’importe quel personnage. Par exemple, dans la plupart des James Bond, Bond est un personnage principal antagoniste – et non un protagoniste – car c’est le méchant de l’histoire (terme forcément réducteur car ce méchant possède une personnalité complexe) qui provoque le changement (c’est surtout vrai depuis que Daniel Craig interprète Bond) en raison de son plan diabolique, ce qui en fait le protagoniste, et c’est Bond qui cherche à empêcher ce changement ou à ramener les choses au statu quo, même si nous voyons ces choses à travers les yeux de Bond, ce qui fait de lui le personnage principal auquel le lecteur/spectateur s’identifie (en reconnaissant les passions excitées chez Bond par l’action du méchant).
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