Le désir de vengeance est une motivation puissante dans les affaires humaines. En société, cette motivation se manifeste elle-même dans des représailles diverses et variées bien que la personnalité du groupe soit indépendante de celle des membres qui le constitue, la vengeance opère de manière identique.
Sur le plan individuel, le besoin de se venger de l’autre peut surgir d’un désaccord, d’une disharmonie avec l’autre. On est dans un conflit personnel ou professionnel. La vengeance est un thème récurrent dans nombre de fictions depuis le dramaturge Eschyle jusqu’aux récits récents sur le féminisme par exemple.
On constate néanmoins dans la littérature occidentale que le désir de vengeance, quant à sa nature et à ses implications morales, a été relativement peu abordé.
Œil pour œil
Le désir de vengeance est un besoin de représailles pour un sentiment d’injustice subie. Certes les représailles en soi ne sont pas toutes les opérations d’une vengeance. Elles peuvent être motivées pour contrer une agression ou dans une tentative de dissuasion.
Par contre, les représailles deviennent le fruit d’une vengeance lorsqu’on cherche à éprouver la satisfaction de rendre en quelque sorte la monnaie de sa pièce à un individu pour un préjudice ressenti comme tel soit à soi-même, soit à un autre avec lequel nous communions sur le plan des intérêts ou avec lequel nous sommes animés des mêmes causes.
Les représailles peuvent être préméditées (c’est d’ailleurs souvent le cas) bien qu’une riposte spontanée sur le coup de la colère consiste aussi apparemment en une vengeance. Mais une réaction immédiate, irraisonnable, totalement aveugle à une provocation ne sera pas considérée comme une vengeance.
L’acte de vengeance est une espèce de récompense exigée comme réparation après une insulte ou un préjudice. Ainsi, on exige de l’autre le paiement d’une dette. Accomplir une vengeance est une affaire d’intersubjectivité. Il n’y a pas là l’objet d’une vengeance mais un être qui a causé un tort supposé et dont on réclame vengeance.
Il est difficile de justifier un acte de vengeance dont la nature même est mauvaise. Moralement, l’acte de vengeance n’est pas plus justifiable que sa cause. Un acte peut être jugé de vengeance ex post facto et être moralement répréhensible bien qu’il s’agisse d’une réparation pour un tort causé, une espèce de juste retour du bâton pour une transgression commise à notre encontre ou à l’un de nos êtres chers ; il n’en demeure pas moins qu’il consiste à faire justice soi-même ce que la société réprouve.
Un acte involontaire
Parfois, un acte de vengeance est accompli sans une intention de représailles. Ainsi, un retournement de situation peut apporter une satisfaction. Une victoire sur un adversaire longtemps combattu sera perçue comme une vengeance bien que l’autre ne nous ait pas personnellement atteint.
La satisfaction d’un gain enfin obtenu comble un désir de vengeance qui a mûri au fil des échecs. Et on ne saurait être tenu responsable des effets que cette victoire a sur l’autre alors même qu’on ne considère pas cette rancune comme personnelle, d’où l’expression souvent entendue : cela n’a rien de personnel..
Le désir de vengeance pourtant condamnable peut animer un personnage romanesque mais est souvent utilisé comme une faiblesse, une erreur de sa part. De surcroît ce désir peut se construire sur quelque chose qui n’est pas perçu comme un tort par celui ou celle qui cherche vengeance. On peut vouloir prendre sa revanche sur une personne sans que celle-ci nous ait volontairement offensé. Ainsi, on confond revanche et vengeance. La revanche consiste à reprendre l’initiative et non à laver un affront.
Le châtiment n’accompagne pas la revanche alors que la vengeance consiste à infliger une peine. Du point de vue moral, ce que l’on juge comme un droit est alors répréhensible. Alors que la réparation pour un tort causé est juste, l’individu ne peut outrepasser les limites que lui imposent les institutions. Et cela est vrai aussi pour une communauté différente des membres qui la composent car réaliser un désir de vengeance comme dans le cas d’un lynchage ne peut être accepté.
La satisfaction du châtiment infligé ne s’explique pas par la loi du talion. Il y a quelque chose de caché derrière le désir de vengeance qu’il faut découvrir. Cela occasionne pour l’auteur et l’autrice la possibilité d’élaborer le conflit intime, personnel, intérieur de leur personnage.
Le plaisir éprouvé à rendre la monnaie à un individu qui nous a blessé ne relève pas d’une passion normale. L’arc dramatique d’un personnage au cours du récit le pousse à penser son objectif et à le reconsidérer.
Un acte aveugle
Le désir de vengeance ne prend pas nécessairement pour objet le transgresseur. Il s’étend aussi à son entourage dont on croit à la responsabilité dans l’offense subie. Cette responsabilité de l’entourage est rarement engagée mais c’est aussi un moyen indirect d’atteindre l’offenseur véritable.
Il s’agit en l’espèce de tuer le messager, d’accomplir sa vengeance en s’en prenant à la famille de celui ou celle qui a blessé ou humilié, ou encore sans discrimination s’en prendre à la foule entière lorsque le sentiment d’être raillé nous possède alors même que ce sentiment ne pourrait être qu’un événement psychique hallucinatoire.
La colère ou le ressentiment ne sont qu’une frustration que l’on résorbe en s’en prenant à la cible la plus proche ou la plus facile. Ce n’est pas un acte de vengeance. La vengeance n’est donc pas une réponse immédiate ; elle doit au contraire se travailler longuement.
Il y a encore à dire sur ce thème de la vengeance. Je vous renvoie à nos articles :
- UNE INTRIGUE FONDÉE SUR LA VENGEANCE
- VOYAGE INTÉRIEUR (ARC DRAMATIQUE) : LA VENGEANCE
- MOTIVATIONS : LA VENGEANCE
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