Se laisser aller aux mots sur la page est agréable. Seulement, autant savoir où vous allez (comme dans de nombreux autres processus d’écriture ou autre).
Il faut organiser les choses et c’est pourquoi faire un plan de l’histoire que l’on s’apprête à conter est important et rassurant.
Un point de départ
Mais ce plan lui-même, comment le commencer ? Il faut a priori comprendre ce que veut votre personnage principal car les faits majeurs du récit seront centrés sur ce désir singulier. En somme, les événements ont lieu parce que le personnage principal les provoque inconsciemment en poursuivant un but qui attirent à lui d’autres forces et se crée alors un maelström de faits qui tendent vers une signification.
Votre plan aide à découvrir, à dévoiler plutôt, cette signification, ce sens particulier que vous cherchez à donner à votre histoire même si cette signification est encore un peu brumeuse dans votre esprit.
Posons le principe que ce que vous cherchez à dire est déjà en vous et il n’attend que vous de le faire monter à la surface.
Le point de départ de cette découverte est le désir formulé ou non par le personnage principal. Rocky, par exemple, voulait vaincre Apollo Creed jusqu’à ce qu’il prenne conscience que son véritable objectif, la véritable victoire qu’il voulait emporter était contre lui-même et qu’il réussirait cet objectif s’il tenait les 15 rounds fatidiques contre Apollo.
Ainsi, c’est la réalité intérieure de Rocky qui gouverne son désir mais pour parvenir à cette profondeur, il est nécessaire que les épreuves par lesquelles il passera l’amène progressivement à cette prise de conscience. Réfléchissez à ce que veut votre personnage et à la progression des obstacles (et des autres personnages) qu’il ou elle attirera dans la poursuite de l’objectif que celui-ci soit conscient ou non.
Lorsque l’autrice ou l’auteur ont déterminé ce que sera l’objectif (connu aussi comme Story Goal), ils commencent à imaginer ce que sera l’arc dramatique de leur personnage principal, c’est-à-dire son évolution au fur et à mesure qu’il ou elle progresse vers l’obtention ou l’échec de cet objectif.
Ce changement se concrétise en quelques étapes seulement comme dans la vraie vie car, somme toute, nous connaissons réellement peu d’événements dans nos vies capables de transformer radicalement notre point de vue sur le monde et sur nous-mêmes.
Nous convions nos lectrices et nos lecteurs à suivre un fragment de la vie de quelques personnages mais il serait ennuyeux de ne les considérer que comme des observateurs ; ce sera par les émotions des personnages savamment retranscrites que nous franchissons la distance qui sépare le lecteur/spectateur des personnages.
Lorsque vous construisez votre récit, c’est-à-dire lorsque vous posez dans l’ordre chronologique les événements, l’évolution des personnages transparaît de cette succession. Il apparaîtra aussi la structure de votre récit, ses articulations en actes.
La structure
La plus classique des structures est le découpage en trois actes : un début, un milieu et une fin telle que Aristote en a défini l’organisation. Vous pourriez aussi vous référer à Blake Snyder pour traduire votre récit en 8 moments majeurs (beat en une autre langue). Ces 8 moments vous aideront à définir les principales étapes de l’intrigue qui complètent l’arc de votre personnage. Vous pourrez ensuite les étoffer dans les grandes lignes de votre scénario.
Voyez comme l’intrigue et les personnages se fondent l’un dans l’autre. Considérer l’intrigue, c’est envisager les personnages alors que les actions & décisions des personnages constituent l’intrigue.
Quelle que soit la manière dont vous concevez votre structure, les différents moments se décomposent en scènes ou plutôt se réalisent en scènes individuelles qui n’appartiennent qu’à un moment et un seul. Ces scènes peuvent être distribuées tout au long de l’intrigue : par exemple, une séquence débute par une scène dans l’acte Un et cette même séquence aura sa solution ou son issue dans une autre scène se produisant dans l’acte Deux.
Ces deux scènes bien qu’elles semblent séparées parce que l’histoire l’exige n’en sont pas moins deux scènes appartenant au même moment ou beat (ou événement d’ailleurs).
Un conseil : bien que nécessaire, les scènes d’exposition (car il y a des informations indispensables que les lectrices et les lecteurs doivent connaître afin que votre histoire demeure intelligible) ont tendance à ennuyer plus qu’elles n’informent. Lorsque vous écrivez ces scènes d’exposition, soyez économique à la fois dans la quantité de mots (soyez concis) et dans la quantité de telles scènes.
Assurez-vous de créer un incident déclencheur dans l’acte Un et cherchez le conflit partout (ne décidez qu’après réflexion qu’une scène ne peut être conflictuelle).
Le moindre conflit est valable comme une paire de clefs qui refuse obstinément de dévoiler où elle se cache et retarde d’autant le rendez-vous crucial pour le devenir du personnage qui essaie désespérément de se souvenir de l’endroit où il a posé ses clefs.
Les différentes scènes dans le plan
Selon votre inspiration, vous pouvez détailler plus ou moins les différentes scènes qui décrivent les différents moments de votre récit. Mais le processus d’écriture est tout à fait autre chose. Écrire, c’est réécrire.
Essayez de voir la logique qui unit les scènes : y a t-il une causalité que vous pouvez expliquer ? Imaginez que vous racontez une scène à un interlocuteur. Vous en viendrez naturellement à lui donner les conditions qui ont rendu possible cette scène. Et vous employez des termes comme mais, en conséquence.. ou encore ainsi parce qu’il y a comparaison, opposition entre deux idées contraires, contrainte ou limitation car la scène censée être antérieure influe sur l’effet actuel.
Au contraire, si vous utilisez un terme comme et alors.., vous introduisez de force une action qui n’est pas relative à un fait antérieur. En conséquence, vous perdez en crédibilité en ajoutant une coïncidence qui, bien qu’elle puisse être acceptée parfois comme lors de l’incident déclencheur (la rencontre au détour d’une rue avec une connaissance perdue de vue depuis très longtemps par exemple) nuit à l’intrigue lorsqu’elle paraît comme un deus ex machina, c’est-à-dire une intervention de la providence qui semblera d’autant artificielle que le lecteur/spectateur la ressentira comme un moyen grossier pour sortir l’auteur ou l’autrice des ornières d’une situation dans laquelle ils se sont eux-mêmes jetés.
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