PERSONNAGES & SCÈNES

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scènesBrandon Sanderson compare une scène à une pyramide d’abstraction. A la base de celle-ci, l’autrice et l’auteur posent les fondations de la scène en termes concrets afin de permettre au lecteur de se représenter cette scène.

Lorsque la situation est décrite par exemple, A travers la fenêtre, il aperçoit la folle agitation des branches alors que la tempête s’enfle de plus en plus violemment, il vous sera alors possible de vous concentrer sur le personnage et sur l’effet que cette image a sur lui.

Ce n’est que lorsque la lectrice et le lecteur sont arrimés à la scène par des termes concrets, réels, tangibles que l’action des personnages peut s’expliquer de manière subjective.

Considérons l’amour par exemple : c’est une idée, un concept, Sanderson parle d’abstraction. La notion d’amour lorsqu’elle intervient dans une scène se situe d’emblée tout en haut de la pyramide. Puisque la raison d’être de la scène est précisément l’amour, comment fonder cette scène pour impliquer lectrice et lecteur dans la matière de celle-ci.

Si vous tentez de décrire une rencontre, vous pourriez écrire lorsqu’elle passe à ma hauteur, ses yeux plongent dans les miens. La scène est davantage située mais vous laissez encore trop de latitude à l’imagination du lecteur et de la lectrice qui se représenteront chacun la scène selon leurs propres souvenirs, leurs propres expériences et vous manquerez alors votre intention.

Si vous précisez lorsqu’elle passe à ma hauteur, ses yeux d’un noir profond se posent sur mon regard, vous insufflez dans la scène un mouvement intérieur qui se communique au lecteur/spectateur et le lie à la scène par le jeu d’un singulier regard.

Le détail

C’est par le détail que vous rendrez les choses concrètes. Signifier le désir amoureux par un échange de regards dont l’un est d’un noir si profond qu’il jette sur l’un des personnages une telle impression qu’il devient inutile de le manifester autrement. La scène a atteint son but.

Ce but sera immersif pour le lecteur/spectateur. Votre personnage a passé son enfance et son adolescence dans une campagne mais pas n’importe quelle campagne ; elle pourrait être normande mais les détails que vous en donnerez seront ceux, lapidaires, qui auront marqué durablement les souvenirs de votre personnage.

Vous sollicitez des impressions. Ce sera par le détail, une couleur, une odeur, une forme.. la neige, par exemple, est comme une toile sur laquelle vous peignerez les mots tel l’impressionniste ses couleurs.

Vous aiderez votre lectrice et votre lecteur à visualiser la scène (son atmosphère, ses couleurs, ses bruits..) et littéralement, par ce biais, à la vivre. Si vous confinez votre lecteur et votre lectrice à n’être qu’observateurs, vous leur expliquez ce qu’il se passe. En fiction, l’expérience des personnages sera vécue.

Ce regard noir que l’on croise dans la vie réelle peut laisser l’un totalement indifférent mais chez l’autre il sera un désir amoureux anticipant des plaisirs et des souffrances en adéquation avec l’idée d’un amour naissant s’il s’agit de l’intention de cette rencontre.

Certes, on ne peut pas tout montrer. Il y a des moments par exemple où le laps de temps entre deux scènes est trop important pour ne pas être clairement signalé par un carton par exemple indiquant 20 ans plus tôt. Brandon Sanderson précise qu’il faut savoir quand dire les choses comme dans le cas du carton précédent et quand montrer les choses.

Dans un roman, quand on est dans le passé, on emploie l’imparfait car souvent le narrateur se souvient. C’est une analepse. Celle-ci se justifie néanmoins par le retour au présent.

La scène

Les détails ne sont pas posés aléatoirement. Ils constituent une scène : ils en sont à la fois les articulations (comment la scène fonctionne) et sa légitimité (son matériel, son contenu et le poids de ce matériel dans l’ensemble du récit).

Maintenant, une scène peut être aussi d’exposition. Il faut amener votre monde à l’esprit de votre lectrice et de votre lecteur. Seulement, le défaut d’une telle scène est qu’elle ennuie rapidement. Pour éviter de perdre votre lecteur dans la description du monde, ce sont les personnages qui nous le présenteront comme si nous avions un interlocuteur face à nous qui nous donne une information indispensable pour que nous continuions à comprendre ce qu’il se dit dans la conversation.

Nous ne percevons pas une scène vue du dessus, à distance comme un observateur loin de l’action, mais à travers le point de vue d’un personnage qui est au cœur de la scène. Au niveau de la scène, nous avons un protagoniste qui peut être différent du protagoniste du récit. Nous ferons l’expérience de la scène comme ce singulier protagoniste.
Nous avons ainsi un filtre qui nous communique certaines informations qui peuvent s’avérer vraies mais qui pourraient aussi être altérées par la vision du monde que possède ce protagoniste au moment d’une scène donnée.

Le personnage dans la scène

Comment un personnage nous traduit-il son expérience d’une scène ? Brandon Sanderson explique que la description du monde qui nous est donnée par un personnage lors d’une scène dépend de plusieurs facteurs.

D’abord, le passé du personnage influence grandement ce qu’il est. Et ce qu’il est le situe dans le monde. Ensuite, ses relations aux autres détermineront ce qu’il perçoit du monde. Un être soumis par exemple ne renverra pas du monde la même image que celui qui use de son autorité (acquise ou naturelle).

Puis, tout comme dans la vie réelle, un individu a des obligations. Tel qu’il nous fût présenté, on attend d’un personnage certaines actions et réactions. Un vampire par exemple sera tenté de s’attaquer aux gorges tendres et si nous en avons fait notre personnage principal, alors nous comprendrons qu’il lutte contre son état vampirique.

L’un et l’autre de ces faits deviennent des obligations pour le personnage. Mais un personnage n’est pas seulement obligé car il a aussi des motivations à agir. Si, dans une scène donnée, un personnage n’a pas de motivation particulière pour y participer, alors autant économiser sa présence. Car dans chaque scène, le personnage qui la justifie cherche à obtenir quelque chose (généralement d’un autre personnage mais il peut aussi essayer de tirer profit des circonstances comme par exemple un conducteur insouciant ayant laissé tourner son moteur lors d’un achat rapide peut être une opportunité d’échapper à ses poursuivants pour le héros ou l’héroïne en difficulté).

En dernier lieu, la sensibilité du personnage biaise ses perceptions. Un être qui s’émeut facilement par exemple pourrait interpréter de manière erronée ce qu’il lui arrive et nous donner sa vérité ou sa version des faits dont nous ne doutons pas a priori.

Nos doutes et nos incertitudes font partie de notre humanité. Et nos personnages en sont tout emplis. Nos sensibilités, nos passions font notre humanité et nous permettent de dépasser les limitations imposées par nos obligations et notre passé.

Ce qui est intéressant avec ce procédé (Passé, Relations, Obligations, Motivations, Sensibilité) est que deux personnages ne décriront pas le même événement de la même façon ; deux personnages ne verront pas le monde de la même façon. Et si vous n’y prenez pas garde, vous clonerez vos personnages et cela ruinera votre récit.
Même deux amis qui sont dans le même camp ne se représenteront pas le monde de la même manière, chacun d’eux nous en donnera un aspect singulier.

Élaborer

Quand on envisage un personnage, Brandon Sanderson propose de poser sur sa fiche quelques premiers éléments qui le caractérise :

  1. Son âge & son sexe
  2. Son activité principale, c’est-à-dire ce qu’il fait qui le démarque des autres personnages : entrepreneur de pompes funèbres ou bien rat de bibliothèque. Cette activité est en quelque sorte son expertise en un domaine particulier.
  3. Le lieu où il passe le plus clair de son temps.
  4. Le secret à son sujet dont il ne veut pas qu’on sache.

Une fois ces quatre briques posées, pour aller plus loin dans le concret, dans le réel, Brandon Sanderson propose de formuler en une ou quelques phrases la relation qui existe entre le secret et le lieu.
Par exemple votre personnage écrit de la poésie et il aime à s’isoler en un lieu où il peut apercevoir plaines et vignobles de sa province girondine. Les descriptions de la campagne girondine seront alors données par le regard particulier du poète, par ses impressions immédiates. Ainsi, il pourrait comparer les vignobles à un désert. Le point de vue particulier sur les choses, les perceptions singulières qu’on en tire les rend aussitôt intrigantes.

La scène sera alors plus tangible en situation : le personnage sera au cœur du vignoble et les ceps, étale, semblant courir à l’infini.

Brandon Sanderson souligne aussi que l’on peut passer de très bons moments à écrire la biographie de ses personnages ; il faut seulement garder à l’esprit que le récit ne se servira pas de tous les événements. Il faut donc déterminer les plus pertinents à l’histoire.

Le détail porte déjà en lui le concept plus large dont il constitue l’un des éléments, une sorte d’induction, de cadavre exquis ; vous donnez à votre lecteur/spectateur le détail pour mettre en branle son imagination ; vous ne lui mâchez pas le travail par force descriptions qui l’ennuieront rapidement.

Nos relations aux autres, les interactions de nos personnages sont le fondement de nos histoires dans nos vies et dans nos récits. Pour la théorie narrative Dramatica, par exemple, la relation qui unit le personnage principal et un autre personnage qui possède sur ce personnage principal une véritable influence (positive comme négative) possède sa propre ligne dramatique qui évolue dans le temps du récit.

Cette ligne dépend donc de deux subjectivités, de deux points de vue qui s’opposent et cela crée un mouvement qui entraîne lectrices et lecteurs dans son sillage, selon l’expression consacrée.

Motiver ses personnages est crucial car si vous n’expliquez pas au lecteur/spectateur pourquoi un personnage prend telle ou telle décision (avant ou après la prise de décision importe peu), votre lectrice et votre lecteur seront confus car ils veulent connaître les raisons qui font agir et réagir un personnage dans les circonstances dans lesquelles autrices et auteurs l’ont jeté.

Une question de passions

Tout comme dans la vie réelle, les personnages sont tout emplis de passions. La passion constitue leur humanité. Un désir amoureux, par exemple, passion charnelle par excellence, orientera la vie d’un personnage et fera avancer l’intrigue dans le même coup. Cela est parfaitement compréhensible et écrire, c’est d’abord se faire comprendre.
Passions et désirs décrivent ce qu’est un personnage et aident à expliquer ses motivations. Un méchant de l’histoire par exemple que l’on voit fondre devant un chaton renforce l’idée qu’il n’est pas le mal incarné mais seulement un personnage qui a des désirs et des passions empêchés par le personnage principal.

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