On peut écrire au kilomètre, cela fonctionne très bien. Il faut seulement assumer que le travail de réécriture ne sera pas facilité. D’autant plus, si vous soumettez ce premier jet à des lecteurs et des lectrices bêta qui feront de conséquents retours sur votre œuvre.
Pour que la réécriture soit une tâche plus fluide et plus efficace (en qualité et en temps économisé), autant se préparer déjà lors de ce tout premier travail d’écriture. D’emblée, il peut être utile de suivre une structure qui vous convienne. C’est-à-dire selon vos exigences, de nombreuses structures existent de ci-de là que vous pourriez emprunter sans pour autant nuire à votre créativité : s’assurer d’un incident déclencheur, affirmer le passage dans l’acte Deux, créer un moment de total désespoir pour le héros ou l’héroïne de votre récit…
Vous pourriez aussi vous assurer que chacune de vos scènes sert un but précis mais sans trop la polir lors de ce tout premier processus d’écriture.
Lectrices et lecteurs bêta
Dans le choix de vos lecteurs et lectrices bêta, demandez à des personnes qui jugeront équitablement votre œuvre sans craindre de perdre votre amitié ou quelle que soit la relation que vous entretenez avec eux. Il est important que leurs retours soient objectifs et surtout, ne débattez pas avec eux : considérez seulement le retour et tentez de le comprendre.
Interrogez-vous sur les problèmes que ces lecteurs et lectrices voient, y compris les plus gros problèmes liés au concept de base de l’histoire. Car si la prémisse à partir de laquelle vous avez construit votre histoire ne fonctionne pas, il vous faudra la modifier en conséquence et soumettre la nouvelle version jusqu’à trouver un consensus.
Car il serait vain de résoudre d’autres problèmes probablement liés aux détails si le concept de votre histoire n’est pas apprécié. Cela signifie qu’il ne faut pas être sur la défensive et poser la question dont vous ne voulez pas entendre la réponse : Que pensent-ils de votre sujet ?
Il sera possible que vos lectrices et lecteurs bêta proposent des solutions à des problèmes mais n’identifient pas ces derniers. Dans ce cas, ne les relancez pas mais cherchez à aller au-delà de leurs suggestions utiles pour trouver ce qui, d’après tel ou tel retour, doit être corrigé.
N’utilisez leurs solutions que si vous les approuvez sinon trouvez les vôtres, une fois que vous serez d’accord sur ce qui doit être corrigé. Puis soumettez votre nouvel version de ce qui a été corrigé afin de trouver ce consensus avec vos lecteurs et lectrices bêta.
Un conseil que nombre d’autrices et d’auteurs ne cessent de conseiller. Une fois votre premier jet achevé, prenez un peu de distance, c’est-à-dire, sans cesser d’écrire, lancez-vous dans un autre projet : vous devez être incessamment à la recherche de nouvelles idées (beaucoup vous seront désagréables mais certaines, néanmoins, présenteront quelques horizons pour votre créativité). Elles vous donneront envie d’écrire.
Vous avez eu vos retours. Que faire ? Commencez par les problèmes les plus importants concernant la prémisse ou la structure. Laissez de côté pour le moment les problèmes au niveau des scènes, dit autrement, ne commencez pas par les détails.
Identifiez les pierres d’achoppement qui risquent de ruiner tout votre projet (c’est-à-dire par ruiner qu’il ne verra jamais le monde).
Sur les notes les plus importantes, élargissez les limites de votre réflexion. Ajoutez de nouvelles idées ou changez certaines d’entre elles non sous la contrainte mais parce qu’elles vous ouvrent de nouvelles possibilités d’écriture.
La méthode la plus efficace n’est pas tant d’analyser les réponses, livrez-vous à un brainstorming pour trouver les réponses aux objections posées : Et si…
J’ajouterai que si, lors de vos recherches sur votre projet, vous avez construit un plan, il sera plus facile de réviser des parties de ce plan, voire d’en réordonner l’ordre initial des événements. Sur Scenar Mag, il y a une série d’articles sur GLENN GERS : UN AUTEUR AU TRAVAIL, vous pourriez ainsi comprendre pourquoi planifier me semble si important.
Retravailler les scènes
Lorsque structure et prémisse ne semblent plus poser problème, on peut se pencher sur les scènes. Faire un plan, c’est faire l’esquisse de son scénario. Lorsque les différents événements et les moments clefs de votre récit sont déjà posés, il ne reste au demeurant qu’à s’assurer que chaque scène fait progresser l’intrigue et les personnages dans le sens que vous souhaitez qu’ils prennent.
Ainsi, l’axe du récit avance d’une scène à l’autre de manière cohérente et convaincante. Le personnage principal poursuit activement son objectif et se heurte à des conflits. Ce qui change la donne et fait évoluer le statut de leur problème extérieur, c’est-à-dire un objectif qu’il tente d’accomplir sans la moindre garantie de réussite, d’ailleurs.
Mais concrètement, comment fait-on ? Quelques axes d’attention peuvent apporter de vraies améliorations :
- un problème récurrent est que le récit manque d’authenticité et de crédibilité, en un mot de réalisme. La suspension du jugement par la lectrice et le lecteur est acquise d’emblée à l’auteur et à l’autrice. Un monde merveilleux est en soi authentique, la magie qui s’y déploie est acceptée. Alors comment un monde fictif peut-il manquer de réalisme ? parce qu’il ne parvient pas à attirer le lecteur/spectateur à lui ; un lecteur/spectateur qui a besoin de se plonger dans un monde dépeint de façon vivante et réaliste. Eve qui, sans songer à mal, tente de convaincre Adam de goûter à cette pomme au pied de l’arbre de la Connaissance est tout à fait crédible parce que la conversation qu’il tienne peut concerner n’importe quel homme et n’importe quelle femme (selon les versions de cette séquence bien entendu).
L’univers dépeint par la fiction donne l’impression que les choses se passent réellement : une femme jalouse s’en prend physiquement à sa rivale qui lui a volé celui qu’elle aime sera accepté même si ces femmes sont des vampires et des sorcières car nous comprenons les sentiments qui animent ces personnages. De même, les personnages peuvent donner l’impression d’être des fonctions de l’intrigue, des archétypes dans le meilleur des cas, mais manquer de cette profondeur qui justifie un comportement qui tient compte de qui ils sont et des circonstances dans lesquelles ils se trouvent. Ne sous-estimez pas la valeur et la nécessité d’un niveau de réalisme qui n’est probablement pas suffisant dans vos premières ébauches. - Les personnages devraient agir et parler de manière cohérente avec qui ils sont. Pour chacun de vos personnages, essayez d’avoir en tête une personnalité réelle que vous connaissez parce que vous la rencontrez chaque jour (une connaissance peut en effet vous être agréable ou désagréable et peut-être est-ce cet effet que vous cherchez à communiquer au lecteur/spectateur). Ce peut être aussi une personnalité que vous ne connaissez pas personnellement mais qui soit présente dans l’univers médiatique ou bien une personnalité historique. Ce peut même être un personnage de fiction d’autres auteurs et autrices dont vous avez emprunté quelques traits afin de donner vie à vos propres personnages.
Considérez aussi que les mots d’un personnage peuvent dissimuler une intention qui n’apparaît pas immédiatement dans le dialogue. Écrire, c’est non seulement communiquer mais c’est aussi se faire comprendre. Vos personnages s’expliquent non seulement parce qu’ils occupent une certaine fonction dans le récit (protagoniste, allié du héros ou de l’héroïne…) mais aussi parce qu’ils sont animés d’une volonté qui peut être juste et admirable ou bien les mener sur le chemin de l’erreur et de l’illusion. - Vous avez inscrit votre récit dans un genre. Ce qui signifie que le lecteur/spectateur s’attend à trouver, dans votre histoire, les conventions habituelles d’un genre donné. Néanmoins, surprenez-le : trouvez un équilibre entre les expectations et le réalisme de vos scènes.
Un officier qui s’est battu auprès de ses compagnons d’arme et qui a su gagner leur respect par son courage et son abnégation sera tout à fait convainquant lorsqu’il haranguera ces mêmes compagnons d’arme à se rebeller et à renverser le pouvoir en place. Ce respect, qui s’est aussi imprégné chez le lecteur et la lectrice, créera des oppositions et des soutiens mais ceux-ci seront acceptés car le respect a été posé a priori et non imposé sur un personnage dont on pose les raisons ou causes de sa révolte comme un principe qui ne s’explique pas.
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