Doit-on suivre les règles ? Oui et non. Si l’on suit un jeu d’instructions, on perd en créativité. Être créatif, c’est considérer les éléments dramatiques qui nous sont donnés dans le jeu d’instructions et s’interroger non sur leur pertinence mais comment les associer différemment afin d’obtenir quelque chose de nouveau.
Cette association peut ne pas fonctionner. Ce qui compte est que vous l’ayez tenté. Considérons le Hero’s Journey tel que l’a conçu Joseph Campbell. Nous avons un jeune protagoniste qui part chercher aventure comme du temps des chevaliers errants de la Table Ronde.
Cela a à voir aussi avec l’antiquité particulièrement en Grèce où des étapes du parcours du héros se reconnaissent : la descente aux Enfers (Belly of the Whale chez Campbell) par exemple puis le retour du héros qui partage alors ses nouvelles connaissances avec le reste de sa communauté.
Suivre le modèle du Hero’s Journey est l’un des outils majeurs de la structure d’un récit. Sans en dévier, il faut néanmoins s’étonner. Par exemple, pourquoi le héros doit-il rencontrer son mentor ?
Pourquoi introduire dans le récit une illustration de conception virginale ? La mère de Annakin par exemple est une mère célibataire : point de père chez Annakin. Pourquoi un tel choix chez George Lucas s’il n’a pas suivi à la lettre les directives du Hero’s Journey sans les remettre en question. D’autant plus que cette information n’apporte rien à l’intrigue et encore moins à l’histoire. Tout comme le mentor : selon la tradition, celui-ci est destiné à mourir et plutôt de s’en étonner, de chercher des motifs ou des mobiles à sa mort, on le fait mourir sans nous dire pourquoi.
Par contre, là où la création reprend son droit, c’est à-travers l’arc dramatique de ce héros. Car la fonction du mentor est d’apprendre au héros à connaître le nouveau monde dans lequel le héros ou l’héroïne se sont engagés (non sans réticence initialement), leur inculquer les tenants et aboutissants de ce nouveau monde et lorsque l’arc dramatique du héros aura atteint un point majeur de son accomplissement (c’est-à-dire que le héros ou l’héroïne sont maintenant en mesure d’affronter l’adversité avec toutes les connaissances requises), alors à ce moment, le mentor peut mourir et c’est un grand moment dans le cours du récit.
Sa mort est en quelque sorte justifiée.
Mais qu’est-ce qu’une histoire ?
Habituellement, on parle de conflit car les situations conflictuelles sont dramatiques en soi. Décrire une succession d’événements sans qu’un lien causal unissent ces événements n’est pas une histoire. Par exemple, le roi meurt ; la reine meurt : deux faits autonomes.
Mais le roi meurt et la reine meurt de chagrin est une histoire car les deux événements sont coordonnés par le mot et.
Ce qui fabrique aussi une histoire, c’est de suivre l’évolution d’un personnage au cours de son aventure. Lorsqu’un personnage n’est pas figé dans un certain état psychologique, il change et ce changement nous est conté par une autrice ou un auteur. Il y a récit : le récit d’un être qui devient autre en bien ou en mal.
Même dans le retour du héros au pays (directive du Hero’s Journey), il n’est plus le même. C’est pour cette raison par exemple que Frodon quitte la Comté parce qu’il sent bien en lui qu’il ne pourra plus y vivre comme autrefois.
Il est important aussi pour qu’il y ait histoire que la série d’événements qui y est contés interpelle le lecteur émotionnellement. Autrices et auteurs recherchent la participation de leurs lecteurs et lectrices.
Il y a trois domaines distincts dans un récit : l’intrigue, le personnage et le contexte. Le conflit, élément dramatique d’excellence, se produit à l’intersection de ces trois domaines.
Nous avons un personnage qui est en désaccord ou en porte-à-faux ou en contradiction soit avec le contexte (le monde, l’environnement dans lequel il vit), soit avec d’autres personnages, soit parfois avec lui-même.
Ces trois domaines et leurs diverses interactions sont maintenus par une structure sinon ils s’effondreraient dans le néant. Mais quelle est cette structure ? C’est celle qui organise votre point de vue, comment vous raconterez votre histoire afin qu’elle soit reçue telle que vous souhaitez qu’on la perçoive. Cette structure est votre moyen d’expression c’est-à-dire toutes les décisions que vous prendrez pour racontez votre histoire. Par exemple, ce que fera un personnage dans un certain lieu surtout s’il est dans une situation de conflit.
Au cœur de l’histoire : le personnage
Ce qui retient l’attention des lectrices et des lecteurs, ce n’est pas tant le contexte ni l’intrigue. S’ils ne peuvent s’accrocher à l’histoire, si vous ne parvenez pas à les ferrer sur vos personnages, vous échouerez à leur faire tourner les pages.
Même si la teneur événementielle manque de force, l’œuvre sera sauvée si les personnages sont suffisamment fascinants. Le personnage est la clef avec laquelle on entre dans une œuvre.
Il est reconnu que le prologue ou teaser doit être suffisamment intrigant afin de capter l’attention du lecteur/spectateur et lui donner l’envie d’en savoir plus. C’est en quelque sorte une mise en condition. Mais si ce prologue est seulement empli d’actions, quelqu’un qui se fait soudainement défenestré par exemple, cela n’accrochera pas parce que le prologue est seulement centré sur cette action.
Passez quelques scènes à décrire le personnage dans son quotidien, par exemple son environnement de travail, et puis soudain, montrez-le gisant sur le trottoir quelques étages plus bas. Parce que nous aurons eu le temps (même si cette durée est courte) d’établir avec ce personnage une certaine relation – nous avons été intime avec lui durant quelques scènes – le choc de sa défenestration sera plus puissant.
Plus précisément le prologue centré sur un personnage (et qui ne sera que rarement le personnage principal qui ne fait son entrée au plus tôt à partir de la seconde scène ou séquence), ce prologue porte en lui toute l’idée du récit. Par exemple, une jeune servante et la jeune fille des possesseurs du manoir dans lequel sert la servante ont une relation saphique et soudain, la jeune servante fait un malaise.
Puis dans la séquence suivante, un médecin vient la visiter. Ce médecin est le personnage principal c’est-à-dire que l’histoire sera contée selon son point de vue. Le thème majeur de cette histoire est de démontrer comment une différence de classe sociale peut mener au meurtre pour préserver les apparences car cette jeune fille d’une classe inférieure ne pouvait aimer cette autre enfant, les conventions et les règles à la fois d’une certaine époque et qui ordonnent le jeu social ne pouvaient permettre cette déviance.
Dans le prologue, on met en place un certain type d’émotions que nous voudrions partager avec le lecteur et la lectrice. Dès le prologue, vous faites une promesse à votre lecteur/spectateur (le genre par ailleurs influe énormément sur la nature de cette promesse).
Un personnage intéressant
Qu’est-ce qui rend un personnage intéressant ? C’est une réponse simple : la moindre chose à son sujet peut nous le rendre intrigant.
Il peut avoir des problèmes avec le monde extérieur, ne pas s’adapter à la communauté qui le force à être selon ce qu’on attend de lui ; il peut avoir établi des relations particulières avec autrui par exemple une relation hautement conflictuelle entre un beau-père et son gendre ; il peut être un personnage fragilisé par une expérience car le passé décide souvent de ce que nous devenons, notre maintenant s’explique souvent par notre autrefois ; il pourrait être vraiment antipathique ou extrêmement sympathique (forcer le trait sur nos personnages de fiction n’est pas maladroit, au contraire) ; il peut être aussi doter de traits de caractère suffisamment universels que lecteurs et lectrices se reconnaissent en lui ou en elle.
La liste est longue et pratiquement infinie. Ce qui importe néanmoins, ce n’est pas de lister toutes les possibilités qui permettent l’accès à un personnage.
C’est de se demander pourquoi est-il ainsi ; comment cela a t-il été possible qu’il soit ainsi. Au commencement, nous avons un personnage dans lequel le lecteur/spectateur croit reconnaître quelques points communs avec lui-même. Puis ce personnage suivra une courbe au fil de son aventure jalonnée par quelques étapes significatives qui démontreront par la preuve qu’il est devenu autre à la fin du récit.
Nous créons de la sympathie envers le personnage car dans cette rencontre, nous sommes émotionnellement touchés. Et lorsqu’un personnage comme Sherlock Holmes par exemple présente des attributs hors du commun, avec lesquels il nous est difficile de nous identifier, alors la sympathie s’installera à travers une sorte d’alter ego bien plus accessible tel le docteur Watson.
Traditionnellement, l’arc dramatique d’un personnage le mène d’un état quotidien (le hero’s journey l’indique comme le monde ordinaire du héros) vers un état supérieur où il est censé rencontrer sa véritable nature qui pourrait être tragique (la mort du héros physiquement et spirituellement).
Des œuvres modernes font dorénavant l’inverse : on nous présente un super-héros ou une super-héroïne et le trajet qu’ils seront amenés à parcourir consistera à les ramener à plus d’humanité et d’imperfections.
Ce qui ne fonctionne pas
Instinctivement, on sent quand quelque chose ne fonctionne pas : une scène, un geste dans une scène.. quelque chose s’accommode mal avec le tout, l’ensemble de l’œuvre ou d’une scène donnée. Brandon Sanderson propose de poser trois échelles qui mesureront trois notions que possèdent un personnage :
- Une compétence qui distingue le personnage parmi la dramatis personnæ (l’ensemble de vos personnages).
- Son degré de sympathie.
- Sa proactivité.
La combinaison de ces trois notions rend un personnage intéressant. Si vous sentez que quelque chose ne fonctionne chez l’un de vos personnages, travaillez au moins sur ces trois notions à la fois.
La compétence consiste à donner à un personnage un attribut dans lequel il excelle. Samsagace Gamegie du Seigneur des Anneaux par exemple est un personnage dont la loyauté envers Frodon est exceptionnelle, hors du commun.
Le degré de sympathie (qui n’est pas encore de l’empathie) mesure à quel point nous nous reconnaissons en un personnage. Et cette reconnaissance provoque en nous le désir d’en savoir plus sur lui ou sur elle. Si vous montrez un personnage cajolant un chaton, l’émotion partagée sera immédiate (ce geste peut cependant manquer de sincérité si vous souhaitez obtenir de votre lecteur/spectateur ce type d’émotion afin de gagner ses faveurs ; le mensonge est insidieux et les esprits manquent de critique).
Si vous cherchez à provoquer de l’antipathie envers un personnage, vous pourriez le montrer indifférent à la souffrance animale ou envers toute personne qui souffre.
Un personnage qui agit sera toujours préféré à un personnage qui subit. Le degré de proactivité mesure ce qui fait avancer l’intrigue. Le personnage principal peut subir les événements parce que, dans la vraie vie, c’est ce qui nous arrive le plus souvent. Il est difficile d’être le maître de sa destinée.
En fiction, nous pouvons lutter contre le cadre qui nous contraint, prendre les initiatives pour en éclater les limites. Lecteurs et lectrices apprécient ce combat contre ce qui nous circonscrit dans ce que l’on attend de nous malgré nous. Se conformer ne fait pas avancer une intrigue. Si c’est cette option que choisit le personnage principal, alors le lecteur/spectateur en sera frustré.
C’est donc en jouant sur ces trois échelles que nous pouvons comprendre comment un personnage fonctionne ou non avec les exigences de l’histoire dans laquelle il participe. Par exemple Sherlock Holmes est quelqu’un de très compétent et totalement proactif mais sur le plan humain, il est fondamentalement dépourvu de compassion.
Même le méchant de l’histoire
Vous pouvez appliquer ces trois mesures à n’importe quel personnage ou fonction dans l’histoire. L’antagoniste par exemple est remarquable parce qu’il possède un haut degré de proactivité. C’est cette dynamique liée à la fonction qui le rend fascinant.
Mais le personnage principal est aussi celui par qui le scandale arrive. Il doit donc être à sa manière lui aussi proactif. Son mouvement se confond avec la force qui donne son momentum à l’intrigue.
Par exemple dans le classique récit en trois actes, nous avons un personnage principal qui est initialement réticent à se lancer dans l’aventure puis y est forcé par une prise de conscience. En quelque sorte, le personnage principal réagit contre sa propre volonté qui l’incitait à rester dans une illusoire zone de confort.
Le personnage peut aussi se forger un désir ; tenter de réaliser ce désir constitue l’intrigue, c’est-à-dire l’acte Deux.
Souvent un personnage croit que sa vie est parfaite car il n’a pas encore conscience qu’il lui manque quelque chose. Le désir ne cache pas le besoin. En fait, ce sont deux lignes dramatiques séparées. Le désir est connu de tous les personnages et du lecteur/spectateur. On suit l’avancée de l’intrigue au fil des différentes étapes qui rapprochent ou éloignent le personnage principal de son objectif.
Intérieurement, le besoin connaît aussi sa propre évolution, sa propre ligne dramatique. Il est marqué lui aussi de quelques étapes qui mèneront soit au comblement de ce besoin, soit à l’impossibilité de s’accomplir pleinement.
Le personnage aspire à quelque chose ; il ne sait pas précisément ce que c’est ; il regarde l’horizon et se sait insatisfait de sa vie. Cela ne doit pas intervenir tard dans le cours de l’histoire, il est maladroit de présenter que la vie d’un personnage est parfaite pendant 45 ou 50 pages pour soudain créer un incident déclencheur qui bouleversera cette apparente stabilité réconfortante.
Dès l’acte Un, l’incident déclencheur créera un désir qui sera essentiellement de retrouver un équilibre perdu. Cela engendre du même coup une réticence à s’engager dans l’aventure.
Cela signifie aussi que votre personnage principal ne sera pas aussitôt proactif même si le concept de proactivité est élevé chez lui. Un personnage routinier ne fera pas table rase de ses habitudes de vie. Elles sont fortement ancrées en lui. Pourtant, par quelques indices, il est possible de signaler aux lectrices et lecteurs que ce personnage est néanmoins capable d’initiatives.
Selon les situations dans lesquelles l’autrice ou l’auteur le jette, ce personnage peut être amené à prendre des décisions qui représentent une menace pour sa zone de confort. La situation n’est pas un incident déclencheur, elle expose une facette du personnage qui nous laisse supposer qu’il ne se contentera pas d’un contretemps s’il peut passer outre.
Sa proactivité est encore larvée dans l’acte Un, pourtant certaines de ses actions ou réactions anticipent un comportement qui va de l’avant.
La compétence
Il est rare qu’un personnage ne soit pas compétent en au moins un domaine. C’est sa spécialité et celle-ci participe grandement au confort de sa vie actuelle.
Lorsqu’il ou elle se sera engagé dans son aventure, le personnage tentera naturellement d’appliquer cette compétence qui lui a si bien réussie autrefois aux circonstances nouvelles et donc inconnues que lui oppose ce nouveau monde dont il vient de franchir le seuil sans connaître les règles qui régissent ce nouvel univers (puisque c’est le mentor qui doit les lui apprendre).
Un personnage peut donc être très proactif mais peu ou moyennement compétent. Considérons Les Aventuriers de l’Arche Perdue. Le prologue nous montre un Indy particulièrement actif, qui échappe à toutes sortes de pièges mortels mais qui au dernier moment échoue face à René Belloq.
Un degré de proactivité élevé mais à ce moment précis une incompétence malgré qu’il soit un éminent archéologue. Indiana doit encore apprendre. Mais nous ne le méprisons pas parce qu’il a dû céder face à Belloq. Les efforts qu’il a fournis ont gagné notre respect et notre admiration.
Ce n’est pas parce qu’un personnage se sent dépassé par les événements comme un poisson hors de l’eau qu’il nous sera moins sympathique si les efforts désespérés qu’il a fournis pour s’adapter aux circonstances actuelles nous sont évidents. La proactivité compense le manque de compétence.
Mais vous pourriez vouloir que votre héros ou votre héroïne réussissent toutes leurs entreprises car on ne doute un seul instant qu’un James Bond ou un Danny Ocean hésitent. C’est un a priori que vous concéderez à votre histoire avant de l’écrire.
Plutôt ce serait un moyen de l’écrire afin d’obtenir du lecteur un certain effet, d’évoquer chez lui certaines choses, de provoquer en lui une certaine tension dramatique (c’est-à-dire solliciter ses émotions).
Tous les personnages d’une histoire se distingue d’abord par ce en quoi ils présentent une compétence. Untel serait reconnaissable par exemple à sa loyauté, un autre par son activité professionnelle qui sera d’une aide incomparable pour aider le héros ou l’héroïne dans leur quête.
Désigner un personnage
Considérons une jeune héroïne qui quitte la douceur du foyer familial pour s’installer en résidence universitaire. C’est un monde totalement nouveau pour elle et elle tente désespérément de s’y adapter mais n’y parvient pas.
Alors un autre personnage profitera de cette incapacité pour exacerber par ses actions ce défaut majeur de votre héroïne. Ce faisant, ce n’est pas tant que vous déclarez ouvertement que cet autre personnage est antipathique mais insensiblement la sympathie qu’il pourrait autrement gagner du lecteur/spectateur est tirée vers le bas.
Ainsi, vous attribuez à ce second personnage une fonction d’antagoniste. Vous pourriez faire intervenir un troisième personnage qui deviendra l’amie, l’alliée de l’héroïne (qui occupera alors la fonction ou archétype de sidekick) et si ce troisième larron connaît les intrications de la vie universitaire et qu’il conseille l’héroïne sur comment elle doit réagir dans certaines situations, vous désignez alors ce troisième personnage comme un mentor (autre archétype, autre fonction).
Nous sommes attirés presque naturellement par un personnage qui lutte. Mais s’il oppose à l’adversité une toute-puissance, il en sera dévalorisé. Lutter sans contrainte inhibe la sympathie possible envers un personnage.
Il y aura donc dans la personnalité de cet être fictif une faiblesse, un défaut dans la carapace. Brandon Sanderson différencie l’imperfection du handicap. Un handicap, qui met un être en état d’infériorité, ne peut être résolu par une prise de conscience car cet handicap est constitutif du personnage.
Le problème du personnage est d’intégrer son handicap, de l’accepter. A l’inverse, une faiblesse sera quelque chose que le personnage lui-même se sera construit. Son vécu l’a mené à penser de lui (son propre regard non celui des autres) qu’il était indigne de telle ou telle chose. Le personnage ne sait pas qu’il est dans l’erreur, dans l’illusion.
Néanmoins, le lecteur/spectateur sent que ce mensonge que le personnage se fait à lui-même n’a alors que deux options possibles : soit le personnage prend conscience de sa faiblesse, il l’a surmonte ; soit il en est incapable et la catastrophe s’abat sur lui.
Un handicap est une limitation. Celle-ci pourrait être d’ordre moral imposant au personnage des restrictions. La morale n’est pas le handicap. C’est quelque chose qui s’applique dans la vie au quotidien. Les questions d’éthique sont d’excellence des moyens d’assurer la vraisemblance de votre récit.
Le problème du personnage qui possède un tel handicap est qu’il doute. Son évolution au fil de l’intrigue consistera à ce qu’il se renforce, que les doutes s’estompent et laissent place à de vraies certitudes. Il n’aura pas radicalement changé de personnalité comme dans le cas de la faiblesse qu’il faut surmonter. Il sera en fait devenu bien plus lui-même, plus en accord avec sa véritable nature.
La faiblesse
Un défaut se positionne sur d’autres catégories : par exemple, l’arrogance ou la timidité. Pourquoi et comment le personnage est-il devenu ou a toujours été arrogant ou timide pose d’autres questionnements. Ce qu’il faut comprendre ici est que cette arrogance ou cette timidité acquises ou innées ne sont pas immuables.
Mais le personnage s’y accroche et les conséquences dans son quotidien sont considérables.
Le handicap est extérieur qu’il soit physique ou autre. Être amputé d’une main est un fait avec lequel on doit vivre. Avoir un oncle et une tante particulièrement odieux comme ceux d’Harry Potter est un handicap pour Harry avec lequel il doit s’arranger.
Le handicap ne disparaît pas mais la faiblesse se dissout dans les nouvelles expériences apportées par l’aventure. Faire la différence entre ce qui est extérieur et ce qui est intérieur permet de distinguer le handicap du défaut de personnalité. Sur ce qui est extérieur, on ne peut agir pour le changer car cela ne dépend pas de nous.
En revanche, nous avons une maîtrise possible sur ce qui nous régit intérieurement, sur ces règles qui ordonnent notre comportement et nos attitudes et dont nous avons oublié la source.
S’interroger sur ses personnages
Quand on commence à travailler sur une idée, l’approche la plus recommandée est de questionner ses personnages, de monter un dossier sur chacun d’entre eux. Qui est-il et que veut-il ? permet de se donner un accès au personnage, d’avoir une compréhension de ce qu’il est.
Connaître aussi pourquoi il ne peut obtenir ce qu’il veut permet de définir son handicap ou sa faiblesse. Un personnage porte déjà en lui un certain nombre d’événements qui figureront dans le récit (s’ils sont pertinents à cette histoire singulière car un personnage doit correspondre à l’histoire à laquelle il participe).
Le dossier que vous monterez sur chaque personnage vous donnera les clefs de leurs comportements, attitudes, postures, actions et réactions selon les circonstances ou situations dans lesquels vous les jetterez.
Comme tout individu réel, un personnage a des motivations, des raisons d’agir comme il le fait (ses motifs) et pourquoi il le fait (son mobile, dans quel but le fait-il). La motivation crée une finalité qui a une source et qui oriente le personnage dans une certaine direction mais sans jamais prédire l’issue de ce mouvement.
Un exercice intéressant consisterait à prendre les fonctions des personnages tels que vous les avez déjà définies par exemple un mentor, un sidekick, un Love Interest ; c’est-à-dire des archétypes.
Un archétype est un personnage clef en main mais qui souffre néanmoins d’une certaine rigidité. Pour éclater les limites de la fonction (et enrichir le récit dans le même coup), vous pourriez combiner vos archétypes initiaux avec d’autres archétypes ou fonctions.
Par exemple, afin de rendre plus complexe un personnage tel que le mentor, vous pourriez aussi lui attribuer certaines caractéristiques que l’on retrouve habituellement dans la fonction d’antagoniste. Donc, nous aurions un mentor antagoniste, une complexité soudaine qui ouvre de nouveaux horizons pour ce personnage.
Le sidekick (qui serait un allié fidèle mais qui pour des raisons encore à découvrir pourrait trahir le personnage principal) pourrait être affublé de certains critères du joker ou filou tel Renart le Goupil dont les farces souvent symboliques peuvent éclairer certains aspects de la personnalité du héros ou de l’héroïne qu’ils seraient malaisés d’expliquer par ailleurs.
Quant au Love Interest, nous pourrions le combiner avec l’archétype de l’élu ou de l’élue, le Chosen One. Déplacer un archétype que la tradition a figé dans une certaine position en le réarrangeant avec les attributs d’un autre archétype est une approche certainement novatrice si cette complexité nouvelle est en harmonie avec votre récit.
Un des avantages de cette méthode est qu’elle est indépendante de votre genre de prédilection. Vous pourriez même aller encore plus loin dans l’élaboration d’un personnage en le dotant d’une activité singulière : par exemple, le mentor antagoniste pourrait exercer le métier de thanatopracteur ; le sidekick joker pourrait être un passionné d’opéra et posséder un organe lui permettant d’en chanter les airs ; le Love Interest Chosen One pourrait être un dominicain, une avocate ou encore sous l’empire d’une quelconque addiction.
Maintenant, tout comme dans la vie réelle, chacun a une part d’ombre, un secret bien enfoui qu’il est difficile de formuler. En fiction, ce secret n’est pas tenu caché, auteurs et autrices le connaissent. Par exemple, notre mentor antagoniste et thanatopracteur pourrait être effrayé par la mort. Notre sidekick joker et ténor pourrait souffrir d’une immense culpabilité pour le viol d’un enfant alors qu’il n’était encore que pubère (un trauma dont son entourage actuel ignore tout) ; Quant au Love Interest Chosen One, l’activité qu’il ou elle exerce pourrait être une imposture afin de faire tomber dans ses rets la proie qu’il ou elle a en ligne de mire pour en tirer un quelconque profit (sa caractéristique de Chosen One pourrait néanmoins lui faire prendre progressivement conscience de la vanité de ses actes). Et dans le cas d’une addiction, celle-ci pourrait alors être simulée.
Et le passé surgit
Toutes les réflexions ci-dessus lorsqu’elles sont menées à leur terme élaborent déjà un passé possible pour chacun des personnages cités en exemple. Lorsque vous transposez ces réflexions dans une fiche dédiée à chaque personnage, ce passé se dessine sans que vous ayez besoin de le compléter autrement qu’en travaillant sur qui sont vos personnages, ce qu’ils veulent, pourquoi et comment ils ont des difficultés à l’obtenir (ce qui inclut le secret, le non-dit).
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