Les notes que vous prenez, les recherches que vous faites, les fiches personnages que vous créez, même si vous êtes quelqu’un de très organisé, doivent être réunis en un seul document.
Ce document sera le plan de votre future œuvre (outline en langue anglaise).
Une liste de scènes
Voilà ce qu’est un plan. Jusqu’à présent, suivant les ruminations de Glenn Gers (auxquelles se sont ajoutés mes propres propos), dans notre plan, nous avons indiqué deux titres de scènes (sans entrer dans les détails) :
Où nous découvrons qui est Éric
La rencontre entre Ariane et Éric
Une scène importante sera aussi le dénouement. Complétons notre plan par
Le dénouement
Cela semble évident mais s’engager dans le travail d’écrire est si prenant, on livre tellement de soi dans son écriture, que nous ne voyons plus ce qui est évident et un scénario est particulièrement sujet à cette tendance.
Glenn Gers souhaite écrire une romance sous des atours de thriller. Il est commun de mélanger les genres. Pour la partie thriller, l’animateur d’un site dont le thème est les crimes non résolus a été lui-même assassiné et l’identité du tueur est un mystère.
C’est alors qu’un groupe d’auditeurs du podcast décide de prendre en charge l’enquête commencée par l’animateur.
Dans le plan, il faut mettre en place ce lieu. Je prévois donc une scène nommée :
- La rencontre avec l’animateur
La logique veut donc que nous rencontrions l’animateur de son vivant et que nous assistions en direct à son assassinat (tout en préservant le mystère autour de l’identité du coupable).
Votre plan fonctionne étroitement avec vos fiches personnages. Par exemple, la fiche personnage concernant Éric est ainsi écrite (dans l’ordre où sont apparues les idées) :
La fiche personnage d’Éric
[GLENN GERS : UN AUTEUR AU TRAVAIL (2)]
Pourquoi Éric décide t-il de rejoindre le groupe ?
[GLENN GERS : UN AUTEUR AU TRAVAIL (4)]
Mais Éric aussi a besoin de prendre de la distance avec sa vie actuelle. Rappelons qu’il est un être désabusé, usé par son métier de journaliste d’investigation et en rupture de ban avec sa famille. Il fuit donc ce quotidien pour décider d’écrire un livre. Et que fait-il ? Il loue une maison dans le bourg même où appartient Ariane.
L’objectif d’Éric est de découvrir le coupable et effectivement tous les personnages sont concernés. Éric est-il déjà sur l’affaire ?
[GLENN GERS : UN AUTEUR AU TRAVAIL (5)]
Éric ressent un grand vide affectif.
Ainsi, Gers en déduit qu’Éric se sent lésé ou trompé et que, précisément, cela explique sa volonté de retraite pour écrire un livre, quel qu’en soit le sujet. Il me vient d’ailleurs à l’esprit qu’Éric n’est pas victime d’une action extérieure ; il est arrivé à un moment de sa vie où se posant lui-même comme objet d’observation ou d’interrogation, il a compris qu’il s’était fourvoyé.
Donc Éric pourrait ne plus croire au bonheur. Lorsqu’il rencontre Ariane, il est tout empli de ce sentiment. C’est cet effet que nous recherchions et nous en avons expliqué la cause. Nous pourrions même prolonger la réflexion : Éric était-il si idéaliste dans sa croyance que ses écrits pouvaient changer le monde ? Était-il si imbu de lui-même qu’il ne pouvait accepter de se remettre en question ? C’est cette prise de conscience qui lui manque encore aujourd’hui.
[GLENN GERS : UN AUTEUR AU TRAVAIL (6)]
Éric a décidé de prendre de la distance avec son métier de journaliste d’investigation qui l’a éloigné de sa famille. Éric prend retraite dans un village isolé (précisément celui où vit Ariane) pour écrire un livre dont le sujet serait d’étudier les raisons qui incitent un individu ordinaire à revêtir la tenue du justicier.
Éric s’est vu soudainement reproché d’avoir délaissé sa femme et sa fille au profit de sa carrière. Ce fut une totale surprise pour lui.
Pourquoi le sujet du livre que s’apprête à écrire Éric parle t-il d’individus ordinaires jetés dans des circonstances extraordinaires ? Éric ne renie pas son activité professionnelle. Au contraire, il estime que son devoir est de dénoncer les raisons qui font que le monde ne tourne pas rond. S’il y avait moins d’injustice (et donc moins de crimes [dans un sens général, parlons plutôt de transgressions]), Éric ne se serait pas lui-même investi dans cette tentative de faire du monde un lieu meilleur.
[GLENN GERS : UN AUTEUR AU TRAVAIL (7)]
Un personnage principal est un être qui est appelé à changer : c’est même à cela qu’on le reconnaît. Éric doit apprendre quelque chose sur lui-même. Il doit capituler devant un aspect de lui-même qui a eu pour résultat de détruire son mariage et qui aura pour conséquence de tuer dans l’œuf l’amour naissant entre lui et Ariane.
On peut admettre que le métier d’Éric l’a émotionnellement coupé des faits terribles dont il n’a pas toujours été un simple observateur au cours de sa carrière.
La fiche personnage d’Ariane
La toute première approche d’Ariane :
Concernant le personnage que nous avons nommé Ariane dans le précédent article et qui deviendra l’amante du personnage principal, nous pouvons suivre l’idée de Glenn Gers qui envisage que cette femme saisit l’opportunité de rejoindre le groupe non seulement pour sortir de la morosité de sa vie au jour le jour (célibataire, une activité professionnelle dans laquelle elle ne rencontre personne mais une passion néanmoins : elle est fascinée par les énigmes).
n’a finalement pas été retenue.
Ce qui est accepté est la relation entre Ariane et Éric.
[GLENN GERS : UN AUTEUR AU TRAVAIL (4)]
Ariane, destinée à être le Love Interest du personnage principal Éric, vit à la campagne, dans un lieu isolé même du bourg.
Tout comme Éric, Ariane a besoin de combler un vide affectif.
Ariane est divorcée de l’animateur assassiné.
Ariane récupère les dossiers de l’animateur menant sur la piste d’un serial killer.
[GLENN GERS : UN AUTEUR AU TRAVAIL (5)]
Ariane sera directement menacée par l’assassin.
[GLENN GERS : UN AUTEUR AU TRAVAIL (6)]
Ariane ne cherche pas à intégrer le groupe. Elle y est en quelque sorte forcée.
Ariane se trouve en concurrence avec le tueur qui connaît aussi l’existence du dossier.
Ariane est profondément émotionnellement blessée dans son rapport à son mari.
Ariane est la veuve de l’animateur d’un podcast assassiné. Le couple n’a pas eu d’enfant et un divorce ne fut pas prononcé (on peut admettre qu’il n’était pas marié), les autorités remettent naturellement les biens du défunt à sa veuve.
Éric est attiré par Ariane mais Ariane est insensible.
Commençons à donner du corps au plan
Nous pourrions placer provisoirement nos fiches personnages sous les deux titres du plan :
- Où nous découvrons qui est Éric
La rencontre entre Ariane et Éric
Concernant cette rencontre, nous apprendrons à connaître Ariane à travers sa relation avec Éric.
Le brainstorming est passionnant parce qu’une fois lancé, on se surprend soi-même à noircir des pages entières. Cependant, si l’on n’y prend garde, cela deviendra vite une jungle impénétrable d’idées.
Le brainstorming devrait être régulièrement transposé en fiches personnages et en grandes lignes du plan en devenir.
Créer une fiche personnage, ce n’est pas seulement décider de son âge, de son sexe ou de la couleur de ses yeux. On pourrait éviter cette description (ou du moins en donner l’essentiel pour caractériser le personnage).
Ce qui importe est que l’on ressente l’aspect dramatique du personnage, c’est-à-dire la force qui le meut : ici, pour Ariane et Éric, ce sera le même désert affectif dans lequel ils se sont égarés par des chemins différents mais cette immensité du vide ne les empêchera pas de se rencontrer.
Je ne dis pas qu’il y a une destinée à l’œuvre ici ; je ne dis pas non plus que ce n’est qu’une coïncidence ; chaque auteur et chaque autrice décident par eux-mêmes.
Maintenant, puisque nous avons prévu de rencontrer l’animateur et d’assister à sa mort (la dure réalité du genre thriller), Glenn Gers envisage de consacrer dans son plan une séquence concernant le serial killer.
Dès le premier article, nous avions commencé à dessiner son portrait dans sa fiche personnage. Seulement son identité doit rester mystérieuse jusqu’au dernier épisode (Gers a prévu une série d’une saison).
Il me faut préciser que j’ai opté pour un chemin différent de celui de Glenn Gers. En effet, Gers imagine que l’animateur a été assassiné par un personnage qui se fait passer pour le serial killer. C’est cette imposture qui met en branle le serial killer et justifie sa présence dans l’histoire.
J’ai préféré cependant que le serial killer intègre le groupe qui est à sa recherche puis qu’il parvienne à orienter les soupçons sur un autre personnage qui, même si le comportement de celui-ci est ambiguë, est totalement innocent.
La fiche personnage du serial killer
Voici ce que nous avons noté de significatif le concernant (synthèse de nos précédents articles) :
Le serial killer ne sera pas un personnage distinct du groupe.
Il s’intègre au groupe.
Néanmoins, il nous faut dépasser le simple concept de méchant de l’histoire. En effet, ce serial killer possède une motivation. Donnons-lui un passé pour expliquer ce qui le fait agir maintenant. Imaginons qu’avant de commettre ses crimes, notre serial killer était un être timoré. Il était le souffre-douleur des autres enfants et incapable de se défendre ou de se plaindre (ses parents ignoraient tout de sa souffrance), son martyre dura de trop nombreuses années.
Devenu adulte, son comportement apparemment asocial car vivant sans cesse dans la peur d’être à nouveau la risée des autres, a eu l’effet inverse. Sur son lieu de travail, il était encore une fois harcelé.
Voulant briser le cercle, il commet alors son premier meurtre qu’il avait préparé dans les moindres détails. Les enquêteurs ne pouvant remonter jusqu’à lui, il gagna en confiance, un sentiment qu’il ne connaissait pas. L’euphorie s’estompant, le désir puissant de continuer à tuer, ce qu’il considère comme un acte de vengeance, s’accomplit dans des actes de plus en plus horribles.
Ce passé étant plus ou moins cohérent, il nous faut maintenant trouver le moyen de lier ce personnage à l’animateur du podcast. On peut imaginer une scène dans sa voiture alors qu’il vient de tuer et qu’il écoute par hasard le podcast.
L’idée lui vint alors qu’il pourrait se faire interviewer par l’animateur. Il parvient à le rencontrer mais l’animateur refuse (quand on se retrouve soudain face à la vérité qu’on cherchait à découvrir, un sentiment de panique peut alors s’emparer de nous).
Alors surgit dans l’esprit du tueur toutes ces fois où il fut moqué, rejeté. Cet animateur n’est pas différent de ceux qui l’ont fait souffrir. Sourd aux explications du journaliste, le serial killer le tue.
S’il rejoint le groupe, c’est parce qu’il a terriblement besoin de reconnaissance non pas pour ses crimes qu’il ne maîtrise pas mais pour obtenir le respect.
A ce moment de sa réflexion, Glenn Gers pense que le meurtre de l’animateur n’aura pas été commis par un véritable serial killer mais plutôt par un copycat et plus précisément par un personnage proche de la description que nous avions faite du tueur dans notre premier article et qui imiterait alors un assassin célèbre (comme un quidam qui reproduirait les meurtres de Jack L’éventreur).
Nous savons aussi que l’assassin est un serial killer ; il n’en est pas à son premier meurtre puisque nous avons vu qu’il accomplissait une sorte de vengeance contre le monde dans sa rage aveugle de punir pour les souffrances qu’il a endurées. C’est quelque chose que nous pouvons comprendre et qui peut même aller jusqu’à créer sinon un lien empathique du moins une sympathie envers les actes de ce serial killer ; quelques circonstances atténuantes en quelque sorte.
Sur la fiche de son serial killer, Glenn Gers envisage un modus operandi des crimes un peu plus original (selon son propos) que l’habituel crime du genre Thriller. En effet, Gers choisit pour son tueur.. le poison.
Ainsi, l’assassin suit ses victimes à leur insu de manière à étudier leurs habitudes (intéressant de reprendre le motif de la vulnérabilité d’un individu par ses habitudes de vie). L’assassin n’est pas dans l’urgence ; il prend le temps d’observer ses proies pour les connaître suffisamment afin de les atteindre par le biais d’une faiblesse, c’est-à-dire à ne pas prendre au sens littéral mais plutôt comme une situation où le personnage n’est pas sur ses gardes. Un être foncièrement religieux par exemple, qui assiste régulièrement à la prière de la mi-journée, pourrait être empoisonné par une hostie altérée par les mains de l’empoisonneur.
Nous avions dans un premier temps décrit l’assassin comme un homme adulte prenant sa revanche sur les humiliations subies depuis l’enfance.
Or il faudrait que cela soit toute une vie d’humiliations, de rejets systématiques par autrui. Le tueur sera un homme âgé qui, parce que son apparence le classe dorénavant dans les impressions plutôt positives, attirera la sympathie des personnages et du lecteur/spectateur.
Les relations
Ce qui est fascinant dans une fiction, ce sont les relations qui se créent entre les personnages. La romance impose la relation entre Ariane & Éric mais cette évidence doit être enrichie.
Glenn Gers a l’idée d’ajouter un sidekick auprès du couple, un personnage qui les comprend, qui les soutient mais qui fait preuve aussi d’intelligence et de sagacité. Et ce sidekick sera précisément le serial killer.
Dans un souci d’organisation, vous pourriez sur la fiche de chaque personnage ajouter un paragraphe relatif aux relations qu’il établit avec autrui. Ainsi Ariane a une relation particulière au serial killer et Éric établira aussi un rapport au tueur sans se douter de la véritable nature de cet être.
Notez que ce n’est pas en tant que couple qu’Ariane et Éric interagissent avec le tueur mais en tant qu’individu. Gers ajoute que ce tueur doit établir la relation séparément avec Éric et Ariane avant que ces deux-là se rencontrent.
La démonstration que nous donne Glenn Gers est que l’acte de création est un processus. En pensant son œuvre, de nouvelles formes apparaissent. C’est ainsi que nous sommes venus à l’idée que le serial killer sera proche d’Ariane et d’Éric et qu’il participera lui-même aux recherches qui visent à le démasquer tout en manœuvrant pour orienter les soupçons sur un autre personnage.
Ainsi, nous préparons le rebondissement du dévoilement de l’identité du tueur lors du dernier épisode. Si le détail des relations n’est pas encore très clair, il suffit sur la fiche des personnages d’indiquer par exemple :
Ariane a une relation avec le serial killer
Éric a une relation avec le serial killer
Le serial killer a une relation avec Ariane
Le serial killer a une relation avec Éric
Ces mentions seront développées ultérieurement, ce qui importe, néanmoins, est de les noter comme titres de paragraphes à venir. Vous organisez votre création en éléments distinctifs que vous assemblerez plus tard en un tout.
Ne craignez pas de vous répéter si des paragraphes identiques apparaissent sur les fiches de vos personnages. La relation entre Ariane et le serial killer sera identique sur de nombreux points par exemple mais certainement, des choses personnelles interviendront comme par exemple le moment où Ariane commence à douter de la personnalité du serial killer sans que celui-ci ne s’en aperçoive.
La relation entre Éric et sa famille doit être aussi démontrée sinon nous jetterions une ombre sur l’amour naissant entre Ariane et Éric. L’amour entre Ariane et Éric doit être pur et non relatif à un quelconque dépit par ailleurs.
Glenn Gers ne le présente pas ainsi mais je m’autorise à en dégager cette essence.
Gers imagine que nous pourrions prendre connaissance de cette relation familiale lorsque Éric se verra dans l’obligation de faire appel à sa femme ou à sa fille pour cacher quelque chose (ce quelque chose pourrait être les documents mettant sur la piste du tueur).
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