Informer le lecteur ou la lectrice subtilement en lui donnant des indices, des signes, c’est leur permettre d’anticiper sur les événements. Ce n’est pas rendre prévisible ce qu’il se passera car le signe n’est jamais la certitude.
Par le signe, vous permettez au lecteur/spectateur de prédire l’événement. Indirectement, il se représente des effets, des conséquences qu’il peut craindre autant que vouloir.
Un signe anticipateur
Qu’il soit orienté vers l’action ou vers une connaissance, le lecteur/spectateur, s’il prête suffisamment d’attention au récit, peut recueillir ces indices et les assembler. Ainsi, il s’investit dans le récit, il accompagne les personnages.
Ces signes avant-coureurs prépare le lecteur et la lectrice émotionnellement. Ils ont l’impression d’avoir un peu d’avance sur l’auteur ou l’autrice et ils apprécient cela.
Le signe n’est pas le héraut d’un destin imminent. Souvent, c’est une accumulation de détails qui rendront possible un événement. Mais cela ne prouve pas que les conditions pour que l’événement se réalise soient rencontrées.
Tous les genres utilisent divers signes pour préparer le lecteur à des événements inattendus car si l’auteur ou l’autrice craignent qu’un événement qu’ils jugent indispensables manque de crédibilité, en implantant dans l’esprit du lecteur ou de la lectrice quelques indices sur sa survenance, cet événement sera plus facilement accepté.
Considérez ces indices comme des informations plus ou moins importantes sur votre histoire. Certains auteurs indiquent très clairement quand ils veulent que vous preniez conscience de quelque chose. La cicatrice que Harry Potter porte sur le front par exemple est le signe d’une confrontation imminente avec Voldemort. D’autres auteurs ne donnent qu’un indice très subtil de ce qui est à venir.
Une information directe
Dans le MacBeth de Shakespeare, les trois sorcières font trois prophéties : après que la première se soit réalisée – que Macbeth devienne un thane – le lecteur peut s’attendre à ce que les deux prophéties suivantes se réalisent également, celles prédisant que Macbeth lui-même deviendra roi et que les fils de Banquo seront un jour rois eux aussi.
Les apparitions des sorcières tout au long de la pièce donnent du crédit aux présages et créent un sentiment d’anticipation et de tension narrative.
L’information donnée n’a pas être aussi évidente. Les signes avant-coureurs peuvent prendre de nombreuses formes plus subtiles. Ils peuvent consister à noter de petits changements dans l’environnement, à choisir un lieu particulier, à inclure des remarques dans un dialogue, ou même avoir recours à des présages mythiques ou des croyances superstitieuses.
Dans La Forme de l’eau de Guillermo del Toro, le rituel que pratique Élisa dans sa baignoire est un signe de la décision qu’elle prendra lorsqu’elle inondera la salle de bains jusqu’au plafonds.
Indirectement, nous sommes préparés à cet événement des plus surprenants. Par contre, dans Jason Bourne de Paul Greengrass et Christopher Rouse, lorsque Bourne et Nicky essaient d’échapper à l’Atout, il est tout à fait prévisible que Nicky y laissera la vie. Pourquoi ? Parce qu’il fallait trouver un moyen crédible d’activer Jason Bourne. Mais, à mon sens, cela affaiblit terriblement ce moment du récit.
Le signe ne se confond pas avec le Chekhov’s Gun qui consiste en quelque sorte à justifier ce qui est présent dans une scène. Ainsi, si, dans l’acte Un, un fusil de chasse est accroché à un mur, il faut qu’il serve plus tard dans le récit. En lui-même, l’objet est un instrument et rien de plus ; il justifie l’action comme de se saisir de cette arme pour défendre sa vie.
Alors qu’un signe sème une condition à un événement ou prépare à une émotion. Par exemple, des signes avant-coureurs du krach boursier de 1929 tels que le ralentissement de la production d’acier, des ventes de voitures ou de la construction d’appartements ont été ignorés. Les entreprises gagnées par un optimisme inconsidéré investissaient dans leur propre production menant à une surproduction et à des ventes à perte. Tous ces signes indiquaient la catastrophe à venir.
Dans une fiction, il est possible d’utiliser une technique similaire pour préparer le lecteur sans entrer dans les détails qui alourdiraient la fluidité du récit.
L’analepse et la prolepse (c’est-à-dire un retour vers le passé ou un saut dans le futur) sont des outils et non des techniques qui interrompent le cours du récit pour relater ce qu’il s’est passé avant le début de l’histoire ou d’entrevoir ce qu’il se passera.
Ni l’un ni l’autre ne sont des certitudes. En effet, ces deux outils proposent un point de vue éminemment subjectif qui ne garantit en rien la vérité des faits ou ne juge en rien qu’une chose se produira.
En revanche, l’analepse et la prolepse ajoutent au suspense parce que le lecteur/spectateur s’interroge sur le pourquoi et le comment des choses plutôt que sur ce qu’il s’est passé (c’est-à-dire le quoi).
Par exemple, votre personnage principal découvre une lettre sur l’enveloppe de laquelle est écrit à ouvrir après ma mort. Dans cette lettre figure une liste de suspects et de témoins. A partir de cette liste, le récit pourrait alors verser dans le passé, disons trois mois plus tôt, pour découvrir la vérité.
Nous savons ce qu’il s’est passé (le quoi) mais nous ignorons encore le pourquoi et le comment. Le voyage de découverte peut alors commencer.
La connaissance est comme le soleil, elle devrait inonder de sa lumière chaque individu. C’est notre credo que de vous apporter le plus d’informations possibles et pertinentes pour vous aider dans tous vos projets d’écriture. Mais Scenar Mag a aussi un coût. Aidez-nous à vous aider. Faites un don. Merci