William C. Martell nous livre quelques conseils sur l’art du dialogue. Nous trans-créons les réflexions de Martell en y ajoutant notre propre filtre d’interprétation. Si vous voulez débattre de cet article (en bien comme en mal et dans ce dernier cas, laissez les autres vous répondre), les commentaires sont un bon terrain.
Eviter un mauvais dialogue consiste simplement à permettre à vos personnages d’engager des conversations d’une façon beaucoup plus réaliste, beaucoup plus humaine.
Vos dialogues n’ont nul besoin d’être spirituels ou particulièrement intelligents. Après tout, vos personnages parlent comme le feraient de réelles personnes. Ce sont des personnages de fiction mais ils se comportent comme des personnes réelles dans votre histoire, donc ils doivent paraître réels aux yeux de votre lecteur.
Les problèmes avec les dialogues surviennent au moment où il est nécessaire de fournir au lecteur des informations. Il est difficile de masquer un ensemble d’informations sous forme de dialogue parce que l’œil aiguisé du lecteur peut facilement voir derrière le masque.
William C. Martell donne cet exemple de dialogue :
Mon nom est Max et je suis un solitaire depuis que ma femme et mon fils sont morts. Je n’ai confiance en personne mais en-dessous de cela, j’ai encore des traces d’espoir pour l’humanité.
Et Martell interroge : Mais qui pourrait dire des choses pareilles ? Lorsqu’un personnage dit de telles informations, cela relève de l’exposition (fonction principale de l’acte Un).
Un mantra doit être aveuglément suivi lors de l’écriture de scénarios : Montrer, Ne pas dire.
Toutes les informations ci-dessus doivent parvenir au lecteur par les actions naturelles des personnages. Les dialogues deviennent alors la cerise sur le gâteau, c’est le petit plus qui va venir colorer d’une teinte un peu particulière les actions décrites.
Gardez à l’esprit que ce n’est pas le rôle des dialogues de faire le plus gros du travail. L’action a un sens très large. Il ne s’agit pas seulement de course-poursuites. L’action, ce sont juste des gens qui font des choses au lieu de les dire. Faire un câlin, refuser de participer à une dispute… Toutes ces actions que nous faisons au quotidien révèlent plus que des mots prononcés.
Rappelez-vous ce que Freud pensait des actes manqués et à quel point ils étaient révélateurs de désirs refoulés. Lorsque l’action par manque d’inspiration ou n’importe quelle autre raison ne fait pas sa part du travail, l’auteur a souvent recours aux dialogues comme porte de sortie. Le résultat est que cette solution va ruiner la scène, si ce n’est pas plus.
A quoi reconnaît-on une mauvaise exposition ?
1) Des personnages qui nous disent exactement ce que l’on vient de voir. C’est une redondance et cela n’a rien à voir avec une figure de style. Si nous avons vu les personnages en action, il est inutile de nous rappeler ce qu’on vient de voir par des dialogues alors inutiles.
Si un personnage s’est vautré dans une flaque de boue avant de retrouver son ami, il n’y a aucune raison qu’il dise à son ami ce qu’il vient de lui arriver.
Si l’ami le questionne, un geste de la main peut éluder la question et être aussi significatif au niveau des circonstances de la rencontre. En effet, cette scène pourrait être placée dans une urgence quelconque obligeant les personnages à ne pas perdre de temps en palabres inutiles.
Un autre exemple : si vous avez décrit un crime, nous n’avons nul besoin d’entendre les témoins raconter ce crime (puisque nous l’avons vu) sauf.. sauf si ce qu’ils disent est différent de ce que nous avons vu.
Dans ce cas, le dialogue sert à tordre l’intrigue d’une façon inattendue. C’est une règle très importante aussi : ne rendez jamais votre intrigue trop prévisible.
2) Un personnage donne des informations clefs au lecteur. Cela ressemble davantage à une déclaration qu’à des dialogues. L’information nous est donnée sans conflit, sans tension.
De nouveau, on nous dit plutôt que l’on nous montre. Nous sommes ici dans une situation différente du narrateur qui parfois, lors de l’Opening Image (sorte de prologue avant le début du récit), nous explique le monde dans lequel nous allons être plongé.
Le problème survient lorsqu’au cours de l’intrigue un personnage est dans l’obligation de donner des informations pour justifier le tour que prend l’intrigue.
Cela est généralement le cas lorsque l’histoire n’a pas été suffisamment préparée. Avant le travail d’écriture proprement dit, vous devriez planifier votre histoire (si vous avez des commentaires concernant cette notion de planifier les choses avant de les exécuter, rendez-vous dans les commentaires justement).
Ce travail préliminaire vous permet d’assurer la cohésion de votre histoire et de votre intrigue. Si le plan présente des failles alors ce qui advient au cours de l’intrigue n’est pas correctement prévu (si aucun lien de causalité ne justifie l’événement, par exemple) et il vous faudra alors utiliser un personnage pour expliquer verbalement cet événement pour lui donner du sens.
Donc, s’il faut créer une scène pour expliquer visuellement un événement, faites le mais ne bouchez pas le trou dans votre intrigue avec un personnage qui va expliquer à un autre et à nous dans la foulée pourquoi cet événement a eu lieu.
3) Une des pires expositions qui soit est lorsqu’un personnage est obligé de dire ce qu’il ressent ou pense lorsque l’auteur n’a pas été capable de créer une situation dramatique qui montre comment le personnage se sent ou bien ce qu’il pense.
Dans ce cas, ce n’est plus du dialogue mais davantage un monologue. C’est comme si le personnage parlait tout seul pour donner des informations qu’une scène bien pensée aurait certainement mieux servie.
4) Ne laissez pas transparaître vos recherches à travers les dialogues. Même si le monde que vous avez créé se situe dans le futur ou la Fantasy, n’utilisez pas vos personnages pour expliquer verbalement cet univers à votre lecteur.
Vos personnages sont censés connaître le monde dans lequel ils vivent. S’il est nécessaire que le lecteur soit informé de faits sociaux, d’avancée technologique ou de n’importe quel élément clé qui caractérise votre monde, faites-en la démonstration visuellement mais ne faites pas dire à vos personnages comment les choses fonctionnent dans votre monde car ce n’est plus du dialogue, mais un cours théorique qui s’adresse directement au lecteur.
Or, vos personnages ne sont pas censés savoir qu’il y a un lecteur qui les observe.
Si votre sujet demande trop d’explications techniques afin que le lecteur soit correctement immergé dans votre univers, il serait alors préférable de réviser votre monde ou bien de changer de sujet car noyer un lecteur sous trop d’informations afin qu’il comprenne votre thème ou votre message n’est pas un bon point. De nos jours, le lecteur aime aller droit au but.
5) Vos scènes doivent avoir une fonction dramatique, du conflit sinon, elles n’ont aucune raison d’être. Lisez notre série d’articles sur Robert McKee pour vous donner une idée ce que doit être une scène.
Encore une fois, pour éviter ce genre de problème, montrez vos intentions, ne les faites pas dire à vos personnages. S’il y a une dispute, montrez cette dispute dans une scène, ne créez pas une scène avec un personnage racontant qu’il s’est disputé.
L’auteur est responsable de son écriture. Il a le pouvoir de décision sur ce qui doit être montré et sur ce qui doit rester dans l’ombre. Le lecteur devrait expérimenter les choses.
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