Dans l’article SYD FIELD : IDENTIFIER LE PROBLÈME, nous avons suivi les recommandations de Syd Field pour justement tenter d’identifier d’où pouvait provenir l’embarras que nous ressentons parfois devant une scène ou une séquence, voire l’histoire toute entière, que nous sommes en train d’écrire.
Maintenant, voyez ce qu’à à dire Syd Field lorsqu’il s’agit de situer la source de cet embarras. Une fois que vous avez déterminé quel est le problème, l’étape suivante consiste à le situer par rapport à la trame dramatique de l’histoire pour voir exactement où il s’inscrit dans cette histoire.
Cela signifie le situer en termes de continuité narrative, où et quand le problème se produit dans la progression logique des événements. Peu importe que le problème soit lié à l’intrigue, au personnage ou à la structure.
Ce n’est que lorsque vous avez identifié le problème que vous pouvez le localiser. Il faut donc l’identifier en premier, puis le localiser. Le lieu où le problème se produit devient une dynamique majeure en termes de résolution (voir à ce sujet notre article : L’AUTEUR ET LA RÉSOLUTION DE PROBLÈMES).
Notons que Syd Field utilise des mots comme situer ou lieu, c’est-à-dire fortement connotés à des notions d’espace et j’ai interprété que situer le problème serait de le comprendre comme une discontinuité, une non-homogénéité dans la narration, ce qui me semble correspondre plus exactement à des difficultés spatio-temporelles qui devraient nous préoccuper pour résoudre les problèmes rencontrés dans l’histoire.
Quel est le problème de l’histoire ?
Face à une difficulté, il est bon de s’interroger. Donc, quel est le problème de l’histoire ? Ce qui entraîne d’autres questions :
- Mettre en place et établir le besoin dramatique de vos personnages ? Syd Field parle de dramatic need, et si nous distinguons le besoin et le désir (le désir est ce qui serait l’objectif que s’est fixé le personnage principal), nous pourrions admettre l’importance que prend pour l’histoire le problème personnel, intime, ce qui ne va décidément pas chez le personnage principal, comme élément dramatique vital pour la fascination que pourrait exercer l’histoire sur le lecteur (ou le spectateur).
- Le point de départ de l’intrigue à la fin de l’acte I est-il une articulation de l’histoire ou simplement un événement posé là comme une fioriture qui vous soit passée par la tête à ce moment ?
Cette question vise un problème qui serait lié à la structure. - La relation entre les personnages est-elle nette, forte et convaincante ? Travailler les relations entre les personnages est certainement ce qui permet d’apporter du sens, de la signification qui sera alors interprété par le lecteur/spectateur et c’est cette interprétation singulière que vous visez.
- Votre histoire est-elle ancrée en termes de progression, qu’elle soit physique ou émotionnelle ? Il faut s’assurer que l’intrigue ne stagne pas. Un moyen pour cela serait de lier les événements avec un lien de causalité. Un événement en entraîne un autre logiquement (physiquement dit Syd Field) ou bien que le personnage ressente tel ou tel sentiment ou telle ou telle émotion lorsqu’il est confronté à une situation dans laquelle se mêleront à la fois des informations présentes (comme l’urgence de la situation) et des données relatives au passé du personnage.
- et qu’en est-il de l’arc des personnages et de la séquence des événements ?
La structure est-elle en cause ?
Un scénario est une forme unique ; il n’est ni un roman ni une pièce de théâtre, mais combine des éléments des deux. La structure est le fondement de tout scénario, le squelette qui tient le tout ensemble.
Le mot structure signifie construire, ou assembler, et établit une relation entre les parties et le tout. Si vous construisez une histoire avec des actions, des personnages et des événements, ces éléments doivent être structurés en un début, un milieu et une fin bien définis, mais pas toujours dans cet ordre particulier.
Et chacune de ces unités, le début, le milieu et la fin, fait partie de l’histoire, de la trame dramatique. C’est l’histoire qui forme la structure ; la structure ne forme pas l’histoire, constate Syd Field. Il faudrait remarquer ici que l’emploi du terme forme rend implicite que le lecteur ne comprend pas l’histoire comme un tout mais qu’il la perçoit d’abord comme une représentation.
Le lecteur/spectateur n’analyse pas l’histoire lorsqu’il la lit ou la voit sur un écran. Ce qu’il veut, c’est d’abord en profiter, en tirer du plaisir. Certes, peut-être qu’après, il peut lui donner quelques réflexions mais au moment de la lecture, c’est le divertissement qui est d’abord recherché.
Lorsque vous développez un scénario, que vous le construisez et l’assemblez en une série d’incidents, d’épisodes ou d’événements connexes, cela devrait vous mener à la résolution dramatique, à la solution de votre histoire.
D’abord vous le construisez, puis vous le structurez en ses parties constitutives, le début, le milieu et la fin, et c’est la relation entre les parties et le tout qui en fait un tout organique. Une histoire est un tout organique. Chaque chose est intégrée au tout pour que le tout fonctionne. Si l’on retire une chose et que le tout fonctionne encore, c’est que cette chose est inutile. Ce qui est inutile est encombrant, confirme Aaron Sorkin.
L’histoire est aussi un tout, composé de parties spécifiques, les personnages, les actions, les actes Un, Deux, Trois, les scènes, les séquences, les lieux, la musique, les effets spéciaux, etc. C’est la relation entre ces parties qui donne à un scénario sa force et son intégrité (la théorie narrative Dramatica pense l’intégrité comme cohérence). Qu’elle soit intègre ou cohérente, l’histoire en a besoin comme condition préalable à sa bonne réception.
L’histoire comme configuration singulière
Il m’apparaît que Syd Field fait une lecture un peu trop simple de la forme et de la structure (ou plutôt de ce qu’il appelle un modèle structurel).
Je n’en connais pas davantage (ce n’est pas de l’humilité, seulement un constat) mais mes recherches m’incitent à voir les choses autrement.
Une histoire se présente à nous. Comment fait-elle ? Elle se pose sur une surface qui la soutient, du moins qui soutient la configuration (sa forme extérieure). C’est cette forme que nous percevons. La surface qui la soutient, qui existe en dehors de toute relation avec le lecteur ou l’histoire, pourrait être la structure.
Néanmoins, on peut objecter qu’à l’évidence la structure est inhérente à l’histoire. Penser ainsi, c’est se donner des limites. Un modèle structurel est un choix que l’auteur fait pour présenter au monde son histoire. Dans ses explications, Syd Field utilise forme et structure à l’identique comme si la structure est la forme de l’histoire. Je préfère cependant les distinguer.
L’auteur fait donc le choix d’un modèle structurel pour supporter son histoire. Mais ce n’est pas pour autant une formule reconnaît Syd Field. La différence entre eux est simple, mais unique. Une forme est un espace, ou un contexte, qui ne change pas. Mais le contenu qui remplit la forme change toujours, écrit Field. Tentons d’expliciter la pensée de Syd Field ici.
Pour pouvoir se manifester, l’histoire a besoin d’un contexte, c’est-à-dire d’un fond, d’un arrière-plan, d’un cadre spatio-temporel (et non seulement spatial comme le prétend Syd Field). Il ne s’agit pas du monde de votre histoire. Ce monde appartient à l’histoire et se montre lorsqu’elle se montre.
Pour que la singularité factuelle de votre histoire, c’est-à-dire que l’histoire se manifeste en tant que phénomène et c’est cela qui la rend unique (pour reprendre le terme employé par Field), puisse être perçue par le lecteur/spectateur, il lui faut un support qui ne dépende ni du lecteur, ni de l’histoire.
Pour Field, cette architecture est un modèle structurel. Et effectivement, et cela en est la définition, ce modèle ne change pas car il se répète d’histoire en histoire.
Ainsi, nous comprenons mieux en quoi votre contenu (l’illustration de ce que vous avez à dire, c’est-à-dire la forme, la figure, la configuration de votre histoire telle qu’elle apparaît au lecteur) est toujours changeant (à moins que vous ne cédiez honteusement au plagiat qui ne correspond nullement aux références que vous pourriez solliciter au sein de votre récit).
La structure (ou modèle structurel) maintient en place les différentes scènes, les différentes actions, les différents lieux, les différents personnages et différentes situations en un tout. Ces éléments sont non seulement différents mais aussi autonomes (pris séparément, ils font sens) mais assemblés en un tout, ils se fondent dans un ensemble.
Ils sont à la fois nécessaires au tout et le tout oriente le choix des éléments dont il a besoin pour exister.
Un exemple de structure
D’abord, je vous renvoie à cet article : LA NOTION DE STRUCTURE PAR SYD FIELD.
Sinon, l’acte Un est une unité d’action dramatique d’environ vingt à trente pages, qui accompagne le contexte dramatique connu sous le nom de Set-Up (ou mise en place de l’intrigue). L’acte Un met en place l’histoire, en établissant qui et de quoi traite l’histoire, ainsi qu’en définissant les relations entre les personnages et leurs besoins.
L’acte Deux est une unité d’action dramatique d’une soixantaine de pages, qui s’inscrit dans le contexte dramatique connu sous le nom de Confrontation. Dans cette partie du scénario, le personnage principal affronte obstacle après obstacle afin de réaliser son objectif (qui est un désir).
Ce désir (extérieur et différent du besoin qui préoccupe intimement le personnage et dont il n’est souvent pas conscient au début de son aventure) est défini comme ce que le personnage principal veut gagner, obtenir ou réaliser au cours du scénario.
Si vous connaissez le désir et le besoin dramatiques de votre personnage, vous pouvez alors créer des obstacles à ce besoin et à ce désir (ce qui vous permet d’ailleurs de faire échouer au désir et pourtant de combler le besoin), et l’histoire devient alors celle de votre personnage qui surmonte, ou ne surmonte pas, obstacle après obstacle, afin de réaliser son objectif.
Un point médian se produit au milieu de l’acte Deux et il s’agit d’un incident, d’un épisode ou d’un événement qui divise l’acte II en deux unités d’action dramatique. Et c’est le point médian qui relie ces deux parties de l’acte Deux. C’est un maillon dans la chaîne de l’action dramatique. Il faut comprendre que ce maillon est à la fois la fin de la première partie de l’acte Deux ET le commencement de la seconde partie de l’acte Deux.
Syd Field utilise certes le terme de maillon mais ce n’est pas aussi net que cela. Cet événement est un passage tout comme le sont les articulations entre les actes. Le même moment, le même événement ou phénomène est ce qui permet de segmenter de façon abstraite une histoire.
L’acte Trois est une unité d’action dramatique d’environ vingt à trente pages (c’est une estimation qui appartient à Syd Field), et qui s’inscrit dans le contexte dramatique connu sous le nom de Résolution.
Résolution signifie solution. Que se passe-t-il à la fin de votre histoire ? Votre personnage vit-il ou meurt-il, réussit-il ou échoue-t-il, gagne-t-il la course ou non, se marie-t-il ou divorce-t-il ?
Vous pourriez vous pencher sur cet article LES 5 MOMENTS MAJEURS D’UNE STRUCTURE pour une compréhension plus ample.
Cet autre article pourrait aussi vous aider dans votre tâche : LES NŒUDS DRAMATIQUES.
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