Il est notoire que Steven Spielberg après avoir lu la nouvelle Jaws de Peter Benchley décida d’en garder la fin. Pour écrire Les dents de la mer il lui a donc fallu réinventer tout ce qui devait se produire avant.
La fin des Dents de la mer
La nouvelle se termine avec Martin Brody observant l’animal blessé s’approchant de lui. Son destin semble scellé mais le requin meurt. La phrase clef de ce dénouement est : il ne s’est rien passé.
Le lecteur est dans un état de tension extrême persuadé que le requin en finira avec le Chef Brody et puis rien.
Et le Chef Brody, épuisé, s’en retourne vers la plage.
Il n’y a aucun acte héroïque ici bien que le Chef Brody ait effectivement vaincu le grand requin blanc. Le lecteur/spectateur ne ressent aucun sentiment de triomphe mais plutôt un véritable soulagement. La catastrophe qu’il craignait ne s’est pas produite. Et il en est soulagé.
C’est cela le véritable effet que cette histoire a sur le lecteur et la lectrice. Ils font l’expérience d’un soulagement après une forte tension. Et cela fonctionne tout aussi bien qu’un moment de triomphe.
La peur qui s’estompe procure un véritable moment de jouissance, du moins une vraie satisfaction parce qu’il ne s’est rien passé. La vie prend tout son sens lorsqu’on frôle la mort.
Bien sûr, le Chef Brody connaît une réussite personnelle en vainquant sa peur de l’eau. Mais cela ne fait pas de lui un être meilleur. Ce qui compte, ce n’est pas de vivre autrement mais de retrouver la vie d’avant en en mesurant cette fois toute la valeur.
Spielberg voulait précisément cette fin. Rappelons-en succinctement les conditions : le nouveau Chef de la police de la localité balnéaire d’Amity se voit obligé de recruter un océanographe (Matt Hooper qui partage les mêmes préoccupations que Brody mais avec une approche scientifique que Brody ne possède pas) et un chasseur de requin local et pittoresque à la suite d’une série de terribles attaques dans les eaux de la station balnéaire.
Il s’ensuit une chasse aux requins en plein milieu de l’océan. Mais le requin défonce à coup de butoir le bateau sur lequel les trois hommes se trouvent.
Quint, le chasseur de requin, est tué. Brody et Hooper sont piégés. Mais alors qu’il ne semble faire aucun doute que Brody et Hooper seront à leur tour dévorés par le requin, Brody parvient à le tuer.
En un instant, la terreur qui émanait de la situation s’est envolée. Brody et Hooper regagnent la plage, épuisés et soulagés.
Le monde de l’histoire
Ce qui caractérise un monde fictif, c’est ce qui lui permet d’exister. Le monde des Dents de la mer nous est décrit dès les premières lignes du scénario dans ce qui est un prologue.
Après cette séquence d’ouverture, le scénario nous a dit que le monde des Dents de la mer est tout comme un requin : aveugle, mangeur d’hommes et égoïste.
Pour renforcer davantage cette règle qui gère le monde des Dents de la mer, le scénario nous entraîne à sa suite sur la plage où une fête emplie d’alcool et d’aventures sans lendemain est en train de se dérouler.
Inconsciemment, nous relions le destin tragique de la jeune et jolie Chrissie au ventre affamé et froid d’un admirateur auquel elle ne s’attendait certainement pas.
La fin de la séquence d’ouverture est sans équivoque. Elle communique viscéralement l’aspect le plus sombre de ce monde. Le sang à la surface de l’eau et cette jambe humaine qui dérive jusqu’au fond de l’océan sont des images qui dépeignent avec une précision clinique l’acte animal d’un prédateur qui se nourrit.
Cette animalité sincère (l’anthropomorphisme n’est pas de mise dans ce scénario) participe au réalisme de la scène et à l’effroi qui en émane. Symboliquement, c’est à un combat de prédateurs auquel nous sommes conviés parce que deux natures (l’une humaine et l’autre animal) ne peuvent qu’entrer en conflit et il en résulte nécessairement de la violence.
On pourrait même considérer qu’il s’agit de deux natures animales qui se disputent un territoire où le gibier est abondant.
Ce monde singulier des Dents de la mer prépare le lecteur/spectateur à la souffrance. La nature humaine est ainsi faite qu’elle fuit la souffrance.
C’est peut-être pour cela que le soulagement de savoir qu’il ne s’est pas produit ce à quoi on a été préparé depuis le début de l’histoire est un sentiment si puissant et parfaitement digne d’un dénouement.
La tension dramatique et le suspense
L’intrigue se charge en tension pour créer du suspense. Le moment le plus intense est souvent le climax (le moment de l’ultime confrontation). Dans Les dents de la mer, le climax débute lorsque Brody, Quint et Hooper se mettent en chasse.
Les dents de la mer est un thriller. Le thriller est un genre littéraire qui utilise le suspense et la tension dramatique pour principaux éléments narratifs. Spielberg a ouvertement annoncé Les dents de la mer comme un thriller.
Les lecteurs/spectateurs savaient donc qu’ils allaient assister à une intrigue intéressante avec du suspense et de la tension dramatique. Lorsque le climax a débuté, le lecteur savait donc qu’il allait se passer quelque chose d’énorme entre Quint, Brody, Hooper et bien sûr le grand requin blanc.
Alfred Hitchcock avait déjà remarqué que le moyen de créer du suspense était de montrer une bombe sous une table alors que les personnages attablés sont ignorants de la menace (c’est ce qu’on appelle l’ironie dramatique).
Le lecteur/spectateur est averti de la bombe et il s’attend à ce qu’elle explose. Et plus il attend, plus la tension dramatique s’accumule. Le monde des Dents de la mer est exactement cette bombe. Le véritable danger n’est pas le requin mais la combinaison de touristes qui veulent profiter immédiatement de leurs vacances et la cupidité des autorités locales qui veulent garder les plages ouvertes pour une basse question d’argent.
Si l’on souhaite écrire sur l’horreur, il suffit d’inventer une règle du monde qui fonctionne comme une bombe à retardement. Celle-ci sera armée dès le début de sorte que le lecteur s’attende à ce que le monde de l’histoire explose entraînant dans la mort ses personnages.
Et pour certains d’entre eux, dès que leurs peurs se concrétisent, la bombe explose prématurément.
Les personnages
Comme nous l’avons vu dans cet article ET LE PERSONNAGE EST, le personnage principal est classiquement en conflit avec le monde de l’histoire (plus précisément avec la règle majeure qui régit ce monde).
Nous avons interprété que le monde des Dents de la mer était un monde où l’animalité prédomine. Comme nous avons commencé par établir la fin de l’histoire (et c’est ce qu’il faut faire aussi lorsqu’on se lance dans un nouveau projet : on commence par la fin), il nous faut trouver un personnage qui sera légitimement en conflit avec ce monde.
Nous avons posé que le monde des Dents de la mer était un monde naturel sous un aspect bien cruel de la nature. Il nous faut donc élaborer un personnage qui viendra s’opposer à cette règle, quelqu’un qui n’est pas vraiment en harmonie avec la nature.
Nous pourrions faire appel à une peur ancestrale : la peur d’être dévoré (c’est une terreur qui remonte aux premiers hommes. Inconsciemment, elle doit bien faire encore partie de notre inconscient collectif).
Nous commençons ainsi à dessiner la personnalité du Chef Brody comme un citadin qui ne se sent pas vraiment à sa place au sein de la nature (qu’est censé représenter la station balnéaire Amity). Alors qu’il était habitué à la ville, Amity est pour lui un défi.
Il ne peut se fier à son instinct et a en conséquences développé une prudence exagérée que les autochtones ont du mal à comprendre.
C’est ainsi que l’on peut expliquer les raisons de son empressement à fermer les plages et la réticence des autorités à le suivre dans cette voie. Les autorités pensent que Brody sur-réagit à un incident certes grave mais qui ne mérite pas une décision aussi radicale que celle qu’il propose.
Comme vous le constatez, il est toujours très intéressant de tenter d’expliquer les circonstances qui entourent une décision. Un autre incident notable de l’impuissance de Brody à ce moment de l’histoire est lorsque son fils se blesse avec la balançoire.
Brody le rudoie parce qu’il lui avait interdit de jouer avec la balançoire tant que Brody ne l’avait pas réparée. Ce qu’il faut noter, c’est que Brody avait posé une interdiction qui n’a pas été respectée. C’est une répétition générale de la fermeture des plages qu’il avait ordonnée, qui n’a pas été respectée et qui a conduit à la mort d’un enfant.
Le conflit mineur entre Brody et son fils reflète le conflit majeur de Brody avec le monde. Son fils veut profiter du plaisir du moment présent. Que Brody n’ait pas pris le temps de réparer la balançoire importe peu. Ce qui est important, c’est que son fils a bravé l’interdiction de son père et qu’en conséquence, il s’est fait mordre par la balançoire.
L’antagonisme
Typiquement, Les dents de la mer est une lutte de l’homme contre la nature. Cela présuppose que la nature est l’antagonisme. En soi, ce n’est pas un problème. Cela indique que le combat de l’homme contre la nature sera essentiellement physique.
Mais cette situation conflictuelle ne produit pas beaucoup de suspense. Souvent, lorsque l’adversaire déclaré du protagoniste est une entité non humaine (comme la justice ou la nature, par exemple), il est bon néanmoins de l’incarner.
Ou alors s’il s’agit d’une intelligence artificielle, elle sera dotée du langage parce que le langage est l’attribut par excellence de l’humanité. Nous avons vu dans cet article ET LE PERSONNAGE EST que le personnage principal s’opposait à la règle majeure du monde (celle qui le régit en fait) et que cette règle était incarnée par une force antagoniste qui la représentait.
Dans Les dents de la mer, quel serait alors le personnage le plus à même de représenter cette loi du monde contre laquelle Brody lutte ?
Il faut quelqu’un de foncièrement égoïste qui ne voit que ses intérêts même s’il prétend œuvrer pour la communauté (partant du principe que l’on est jugé sur ses œuvres).
Le candidat idéal sera le maire de la communauté, Larry Vaughn, qui attaquera l’objectif de Brody pour ne pas perdre les revenus touristiques de la saison et quelles qu’en soient les conséquences (qu’il réfute, d’ailleurs).
On aurait tort de considérer le grand requin blanc comme le méchant de l’histoire. Il n’y a rien de diabolique en lui. Il est simplement naturel. L’être humain est un être beaucoup plus retord que le plus dangereux des animaux. Il suffit de voir comment le maire attaque sournoisement Brody pour s’en rendre compte.
L’intrigue
L’intrigue des Dents de la mer joue avec l’espace pour créer la pression dramatique qu’elle cherche à faire éprouver à son lecteur et à sa lectrice. Le monde autour de Brody et de Hooper se resserre inexorablement (des plages à la cabine d’un bateau en plein océan) créant un sentiment de claustrophobie ou d’étouffement au fur et à mesure que Brody et Hooper se sentent de plus en plus piégés.
L’espace commence à se resserrer dès le début du climax, c’est-à-dire lorsque les trois hommes embarquent sur le bateau pour chasser le requin. Dès que le bateau s’est éloigné de l’embarcadère, le monde s’est réduit aux dimensions de l’embarcation.
Plus le climax avance vers sa résolution et plus Brody et Hooper ont moins de marge de manœuvre au fur et à mesure que le bateau part en lambeaux. Et le scénario va jusqu’au bout de son principe jusqu’à enfermer Hooper dans une cage et Brody dans la cabine qui prend l’eau (il y a toujours une notion d’urgence liée à la tension dramatique).
L’intrigue d’un thriller consiste donc d’abord à inventer une situation apte à créer du suspense. C’est un peu comme si le suspense était une esthétique particulière dont se revêtirait l’intrigue. Les dents de la mer a opté pour un confinement de l’espace pour produire cette notion d’enfermement dont la finalité est d’étreindre le lecteur/spectateur (le suspense lui est destiné).
En tant qu’auteur et autrice, si vous jugez qu’une esthétique particulière va bien avec votre projet (testez néanmoins avec des lecteurs bêta), mettez en place le suspense au plus tard au début du climax.
Une tension dramatique est faite de hauts et de bas
De la tension, c’est bien, mais la pression doit aussi être relâchée. Ce relâchement dans le cas des Dents de la mer se constitue en faux espoirs, en fausses pistes.
Par exemple, assez tôt dans le scénario, des pêcheurs ont capturé un requin tigre. C’est un moment de triomphe et les pêcheurs posent, plein de prétention, auprès de la pancarte Plages fermées. Même le Chef Brody se laisse prendre à ce faux espoir, lui qui est habituellement assez méfiant.
Cette scène a pour finalité de calmer le jeu car un scénario ne peut pas se charger en tension de manière continue. Il épuisera son lecteur qui jettera l’éponge.
Le cauchemar semble écarter jusqu’à ce que Hooper se rende compte que la mâchoire du requin tigre ne correspond pas aux blessures infligées aux victimes. Et la tension commence lentement à se relever alimentée par un doute assez mordant.
Cette technique narrative de montée en tension suivie d’un laisser-aller est souvent employée dans la constitution du suspense. Stephen King en est un fervent adepte. En fait, plus vous saupoudrez de fausses pistes dans le scénario et plus le lecteur/spectateur se méfiera des signes positifs. Ce qui rajoute à la tension.
Les faux espoirs de solution permettent certes au lecteur et à la lectrice de souffler un peu après un moment assez intense mais en fait, cela prépare un nouveau moment de tension qui sera encore plus intense. Et cerise sur le gâteau, la lectrice et le lecteur eux-mêmes en viennent à participer à la constitution de la tension inconsciemment puisqu’ils croiront de moins en moins aux signes positifs.
Le ton des Dents de la mer
La nouvelle écrite par Peter Benchley était trop morose, trop glauque. Si une histoire est systématiquement sinistre, la violence devient un fait quotidien et l’habitude rend indifférent. Et l’indifférence est une tueuse de passions. Lecteurs et lectrices deviennent vite insensibles et le suspense ne prend plus sur eux.
Nous avons vu que Spielberg voulait conserver la fin de Jaws mais il ne voulait pas du ton qu’avait employé Benchley. Spielberg a alors retravaillé le ton afin de l’alléger et il lui a ajouté un certain humour. La technique est assez simple en fait : on séduit le lecteur, on lui permet en quelque sorte de se détendre et on lui envoie cent mille volts dans les dents.
On sait que Spielberg a eu recours au service d’un auteur de sitcom (Carl Gottlieb) pour superviser les dialogues. Il en a résulté des dialogues amusants, badins dont Quint s’est fait le chantre. Cette légèreté de ton fonctionne comme la tension en deux mouvements : un calme avant la tempête.
Si le lecteur/spectateur était saturé d’horreur, il s’ensuivrait une sorte d’engourdissement de son esprit. En ménageant des moments de calme (par l’humour par exemple dans la situation ou dans les dialogues), l’irruption de la violence sera beaucoup plus efficace.
Notons en passant que le scénario des Dents de la mer est un travail d’équipe. Un scénario est un outil au service de métiers différents qui l’approprieront.
La technique à retenir pour écrire son propre scénario de thriller (ou même d’horreur) est qu’il faut incorporer deux types de tons : un ton plus léger, plus chaleureux qui dominera afin de préparer le lecteur à recevoir la part sombre, cruelle et soudaine qui articule l’histoire.
La thriller est un genre dont la caractéristique principale est qu’il induit de forts sentiments d’excitation, d’anxiété, de tension, de suspense, de peur. Il place son lecteur dans un état émotionnel particulier qui va le ravir et dont il est demandeur.
Une scène emblématique du thriller
Nous avons compris qu’un thriller fonctionne en deux temps : pour créer du suspense, il faut ménager dans le scénario des moments de calme, de relâchement de la tension. Sommairement, il faut calmer le jeu.
Néanmoins, c’est bien l’effet de suspense que l’on cherche à obtenir. C’est donc cet effet qu’il nous faut concevoir d’abord avant d’envisager les conditions de cet effet. On commence par la fin et on remonte aux origines de cette fin.
Il faut donc se projeter sur le résultat attendu (c’est-à-dire le suspense) puis remonter à rebours sur les événements ou pivots qui permettront légitimement ce suspense. Il faut parvenir à créer un état émotionnel proche de l’anxiété et de l’angoisse.
Considérons cette séquence des Dents de la mer :
Que ce soit une scène ou une séquence, le conflit doit être au cœur de l’invention. Cette séquence reflète le concept d’animalité de la nature humaine qui l’emporte sur l’humanité.
Alex ne peut s’empêcher de goûter au plaisir de l’eau. Il en abuse jusqu’au point d’en avoir les doigts tous fripés.
Pour lui, c’est naturel comme pour Chrissie lors du prologue. Ils ne peuvent résister à l’eau. Ils ne peuvent résister à goûter le moment présent sans se soucier de ce que sera fait demain.
Il ne s’agit pas de cueillir le moment présent pour en profiter. Ici, c’est davantage un parallèle avec l’habitude alimentaire d’un animal qui ne veut que se nourrir ici et maintenant.
C’est un peu comme la fable de la cigale et de la fourmi. La raison de la cigale l’empêchera de mourir de faim parce qu’elle aura su garder une part pour demain alors que la fourmi ne sait que profiter de ce qu’elle a ici et maintenant.
Alex se situe dans la logique du monde de l’histoire dont la règle est l’instinct animal. La mère d’Alex tentera de s’opposer à cette règle (en fixant un temps limite à Alex mais ce sera une défense dérisoire) tout comme le Chef Brody a tenté de fermer la plage.
La mère d’Alex et Brody sont identiques. Ce sont deux personnages prudents, conscients du danger dans lequel nos instincts irraisonnés pourraient nous faire succomber.
Après cette introduction de la séquence assez alarmante, le ton change. Brody est interpellé par les petits problèmes quotidiens (ceux que l’on retrouve dans les sitcoms justement). Et Brody qui semblait assez nerveux commence à se détendre.
L’ouverture de la séquence a rappelé le conflit majeur. Cela alarme le lecteur/spectateur en créant une certaine urgence dans la situation et l’anxiété de Brody appuie sur ce sentiment.
Puis le ton vient calmer cet état émotionnel. Un double signal nous est envoyé : d’abord, une urgence (parce qu’on nous indique un danger) puis la séquence continue sur un ton léger qui n’a pas d’autre but que de nous détourner de l’urgence.
On en vient alors à se demander s’il y a vraiment une menace.
Pour ajouter encore plus à la confusion du lecteur, la scène s’articule autour du processus de création du suspense : la tension monte et est aussitôt relâchée en démontrant qu’il n’y a aucun danger, aucune urgence.
C’est ce que nous démontre le bonnet de bain ou le couple qui s’ébat dans l’eau que Brody confond avec une attaque de requin.
Finalement, Brody cède, se convainquant que son cerveau lui joue des tours et laisse ses enfants aller se baigner (ce qui présuppose qu’il avait posé une interdiction. Le conflit du monde ne cesse de se rappeler à nous).
Puis nous profitons de la vue de l’océan alors que Brody se fait masser les épaules par sa femme. Ainsi, tout va bien. Et c’est à ce moment précis, alors que l’on pense qu’il ne se passera rien, que la terreur frappe. Le chien disparaît et la perspective du requin emplit l’écran.
Brody, qui ne supporte pas l’eau, est piégé sur la plage, incapable d’aider ceux qui sont en danger dans l’eau.
Le point de vue est maintenant celui de Brody. Dans l’esprit du lecteur/spectateur, ancré dans celui de Brody, nous ressentons l’impuissance du personnage comme s’il se heurtait à un mur invisible qu’il ne peut franchir.
Finalement, tout le monde sort de l’eau. Le danger semble écarté. Du moins, c’est ce que l’on veut nous faire croire. On relâche la tension qui reprend aussitôt lorsque la mère d’Alex cherche son fils. Cette fois, il n’y a plus de doute : même hors de l’eau, le danger est dorénavant bien installé. Et Brody ne pourra plus faire autrement que de s’atteler à son problème.
Nous pouvons réitérer cette technique dans notre propre scénario. Il suffit de garder à l’esprit que nous cherchons à manipuler le lecteur. On crée de la tension en envoyant un double signal pour que le lecteur s’interroge si les choses sont effectivement dangereuses ou bien s’il n’y a pas lieu de s’inquiéter.
Et on termine la séquence en faisant croire au lecteur qu’il peut souffler et on lui inflige immédiatement la terrible vérité.
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