Dans chaque ligne dramatique, il y a des fragments narratifs qui sont particulièrement dédiés à porter un thème. Dramatica les nomme Thematic Points que j’ai préféré interpréter en Contenants thématiques.
Nous avons commencé par les Contenants thématiques de l’Objective Story Throughline et avons étudié Benchmark, Catalyst et Concern.
Sommaire de tous les articles :
DRAMATICA : LA THÉORIE EXPLIQUÉE
Les Contenants thématiques de
l’Objective Story Throughline
Inhibitor
Nous avons vu précédemment qu’il existait un contenant qui servait à faire avancer l’histoire (Catalyst). Il existe de même un contenant qui ralentit l’élan de l’histoire.
Le matériel narratif mis en avant dans Inhibitor entrave l’avancée de l’histoire. S’il n’y avait pas quelque chose pour freiner cet élan, l’histoire s’emballerait jusqu’à sa solution brûlant toutes les étapes.
L’intérêt de Inhibitor est que l’auteur peut l’employer quand il veut. En introduisant du contenu Inhibitor, l’auteur ralentira l’avancée de l’histoire et cela lui servira tout comme Catalyst à asseoir son thème davantage dans l’esprit du lecteur.
D’un point de vue pratique, pour être sûr de placer tous ses contenants thématiques, il est bon de planifier son histoire avant de se lancer tête baissée dans l’écriture et vérifier après coup lors des révisions si notre histoire peut être considérée comme achevée (au sens de Dramatica).
Planifier, cela implique d’adopter plutôt une vue objective. Ce qui peut gêner l’auteur qui aime habituellement adopter la perspective de ses personnages (surtout lors de la toute première écriture). L’auteur aime être dans son histoire dès le départ pour voir et sentir (et ressentir) ce que font ses personnages.
Pour en revenir à Inhibitor, on peut facilement se retrouver à écrire une séquence où la tension monte en intensité, l’élan se maintient sur une succession de scènes au point que la séquence en oublie de respirer, les choses allant si vite.
Cela peut être usant pour le lecteur. Sauf, si vous envisagez soudain une scène puissante émotionnellement mais qui va ralentir les choses et procurer à la séquence et au lecteur un moment de relâchement.
Imaginez que deux de vos personnages dont l’un est le personnage principal soient poursuivis par les sbires du méchant de l’histoire. Ils en rencontrent quelques uns, se battent et on a le sentiment désagréable que le piège va se refermer sur eux.
Et puis dans un recoin sombre, ils essaient de reprendre leur souffle et leur conversation tourne autour de la petite amie de votre personnage principal qui vient de le quitter.
Cette scène est un Inhibitor. Mais pas n’importe quel Inhibitor. En fait, cette rupture du personnage principal d’avec sa petite amie (qui est en fait l’Influence Character) est vraiment ce dont parle l’histoire.
Ce personnage principal ne parvient pas à accepter cette rupture.
Souvenez-vous que les types et les variations de type sont les plus à même de soutenir le thème. Ainsi, c’est la variation Denial du type Subconscious de la classe Mind qui va permettre de qualifier Inhibitor. Denial peut être retenu dans ce cas parce qu’il parle de choses comme le rejet et être rejeté.
Lorsque les choses s’emballent, elles deviennent irrémédiablement trop longues s’il n’est pas réservé un moment de souffle dans l’action. Lorsque Inhibitor est correctement utilisé, les personnages peuvent souffler un peu, faire le point de la situation (ce qui peut être aussi utile pour permettre au lecteur de garder le fil de l’histoire).
Inhibitor permet aussi de renforcer ou de détailler plus avant une relation bien mieux que sous l’urgence. D’ailleurs, il est fort probable que l’auteur sentira lui-même la nécessité d’un inhibitor dans l’action plutôt que de l’imposer arbitrairement après coup.
Issue
Chacune des quatre lignes dramatiques à son propre thème. Car chaque ligne est vraiment un point de vue différent sur la même iniquité (ou problème) qui est au cœur de l’histoire prise dans son ensemble.
Chaque ligne dramatique voit le problème sous un angle différent et par conséquent mesure ce problème selon des valeurs différentes.
Lorsque l’on raconte une histoire, il est important d’orienter le lecteur sur ce que nous voulons communiquer. Et comme il s’agit d’une orientation, nous cherchons à communiquer selon un certain angle.
Nous développons un argument (un débat, une délibération) lorsque nous écrivons une histoire. Il est donc important que le point de vue sous lequel le lecteur évaluera l’histoire supporte la conclusion que nous donnons à cet argument.
Issue est dévolu à cette problématique.
Quelques exemples :
UNE MAISON DE POUPÉE de Henrik Ibsen
L’un des thèmes principaux de Une maison de poupée est l’infidélité des apparences. En effet, dans le cours de l’histoire, il s’avérera que les apparences nous égarent sur la véritable nature des personnages et des situations.
D’ici la fin de l’histoire, la première impression que nous avions eue de Nora, de Torvald et de Krogstad est sérieusement entamée.
Nora nous apparaît tout d’abord comme une femme enfant. Mais progressivement, nous découvrirons une femme intelligente et motivée. Et nous verrons qu’au dénouement, Nora est quelqu’un d’indépendant au caractère résolu.
L’âme du temps (1879) est à prendre en considération dans le choix du personnage de Nora.
Ensuite nous avons Torvald, qui tout au long de l’histoire, joue le mari fort et bienveillant. Pour se révéler en fin de compte lâche, mesquin et surtout égoïste car il ne craint que pour sa réputation si le scandale éclate.
Et Krogstad que tout le monde nous présente comme un personnage immoral et qui d’ailleurs n’hésite pas à faire chanter Nora va se révéler quelqu’un de totalement différent.
En somme, le climax de Une maison de poupée est largement une matière de résoudre de graves confusion d’identité.
Ainsi, pour Dramatica, Issue sera formé de
- La variation Senses du type Understanding de la classe Physics
- La variation Interpretation du même type Understanding de la classe Physics.
Gardez en mémoire que Senses et Interpretation sont en paire dynamique ce qui implique qu’ils s’opposent.
BIENVENUE, MISTER CHANCE de Jerzy Kosinski d’après son roman La Présence et Robert C. Jones.
Ce sont les variations du type Conceptualizing qui constitue Issue dans cet exemple :
- Situation
- Circonstances
Dans cette histoire, en effet, l’univers singulier de Chance est en butte contre le monde extérieur (représenté par le pouvoir et les médias).
C’est dans la confrontation de ces deux mondes (Situation et Circonstances forment une paire dynamique) que se trouvera la raison d’être, l’existence même de cette fiction.
PIEDS NUS DANS LE PARC de Neil Simon, d’après l’une de ses pièces.
Il suffit de lire le synopsis de cette histoire pour comprendre qu’elle s’articule autour de ces deux variations du type Subconscious et que bien sûr, elles s’opposent :
- Hope
- Dream
Comme vous le constatez Issue se fonde normalement sur deux variations de type et qu’elles sont montées en paires dynamiques (un peu comme une prémisse, somme toute).
La suite dans le prochain épisode.