Vos personnages ont eu une vie avant l’histoire. Ils ont vécu des expériences (qui en ont traumatisé plus d’un) et il existe des raisons qui les font agir dans le présent narratif.
Ce passé nourrit l’intrigue. Les événements qui se produisent en son sein sont ce qui intéresse évidemment le lecteur.
Lorsque l’histoire débute, nous trouvons les personnages dans la situation la plus significative de l’histoire qui va être contée. Par exemple, dans un thriller, l’acte Un nous exposera d’abord un meurtre, une escroquerie ou bien une énigme à résoudre.
Cette introduction des personnages et des circonstances est une proposition qui ne nous apprend rien sur ce qui s’est passé avant. Et pourtant, ce sont bien les événements antérieurs à l’histoire qui ont mené à ces personnages et aux circonstances que l’on nous donne à voir et à entendre.
Bien qu’il ne soit pas recommandé d’avoir un recours systématique à ce que l’on nomme un flashback, c’est-à-dire une scène qui expliquera au lecteur pourquoi tel ou tel personnage possède telle ou telle personnalité ou bien comment un personnage a pu se retrouver dans telle ou telle situation, ce flashback peut néanmoins s’avérer nécessaire pour permettre au lecteur de participer davantage à ce qui arrive essentiellement au personnage principal (car c’est sur lui que doit se porter l’empathie recherchée par l’auteur).
Le flashback est une scène comme les autres
Il contient une mise en place de la situation. Il y a une action à l’œuvre en son sein. Des personnages pertinents à l’intrigue y figurent. Il est censé faire avancer l’intrigue et devrait connaître du conflit pour créer de la tension dramatique.
En fait, il est exactement comme les autres scènes à la différence près qu’il se situe dans le passé. Partant, il faut se méfier de ce glissement temporel qui peut casser le rythme de l’histoire.
Dans un flashback comme dans n’importe quelle autre scène, on se concentre sur l’action, c’est-à-dire que ce retour dans le passé est significatif (il donne des informations essentielles au lecteur) et nous assistons à une véritable interaction entre les personnages. Le flashback décrit un événement antérieur ce qui le distingue par exemple d’une séquence onirique qui a une toute autre signification.
Faire référence au passé, c’est vouloir illustrer ou expliquer le présent (que ce soit au niveau de l’intrigue ou d’un personnage). Le flashback cherche à enrichir la compréhension du protagoniste par le lecteur afin de renforcer l’empathie que ce dernier devrait éprouver envers lui.
Néanmoins, le passé mis en avant a tendance à ralentir toute l’histoire. Il doit donc être utilisé parcimonieusement. il vient diluer l’attention du lecteur qui risque de ressentir une certaine confusion dans la narration.
S’il est vraiment nécessaire de faire appel au passé des personnages lors de leur introduction (donc dans l’acte Un), il est préférable alors que ces scènes descriptives soient courtes et au rythme rapide.
Et l’auteur doit s’assurer de leur pertinence avec l’intrigue. Ils peuvent permettre de renforcer la tension dramatique dans les scènes de suspense mais cela est toujours délicat à manier.
Une transition vers le passé
Lorsque le passé importe, il faut savoir s’y rendre mais aussi en revenir. Pour le lecteur du scénario, habitué à lire au présent, l’emploi des verbes au passé dans la didascalie vient lui dire que la scène a glissé temporellement.
Pour le spectateur du film possible que porte en lui un scénario, la scène sera vue et entendue au présent. Et même si vous le prévenez qu’elle se situe à une époque différente de celle de l’intrigue.
Il est même possible de pénétrer la tête d’un personnage en plein milieu d’une scène actuelle pour montrer une réminiscence qui explique justement la scène ou l’attitude présente d’un personnage (si cette conduite doit être expliquée pour le lecteur).
L’événement passé devrait être clairement identifié par le lecteur. Quelques lignes de dialogue peuvent alors faire référence à cet événement ou bien à une date dont on comprend implicitement qu’il ne s’agit pas de maintenant. Il faut trouver le moyen de signaler au lecteur que le personnage agit dans le passé et non plus dans le présent de l’histoire.
Si une scène se situant dans le passé s’avère trop lourde et risque de paralyser l’action, les dialogues comme nous venons de le dire seront alors utilisés pour indiquer le passé. Un débat entre deux personnages peut faire référence à un événement passé sans que celui-ci soit effectivement mis en images.
Il est bon de s’interroger pour s’assurer que les dialogues peuvent suffire à indiquer le passé. Car mettre en scène celui-ci présente toujours un risque pour l’auteur qui risque de perturber son lecteur.
L’aspect pratique du flashback
Pour être maniable, une scène faisant référence au passé devrait être courte. Elle a une intention précise. Elle décrit une action (un événement ou une décision). Le flashback doit donner une information vitale pour la compréhension de ce qui se passe maintenant dans l’histoire ou pour expliquer une conduite ou une attitude.
Il peut servir aussi à donner les détails d’une relation (par exemple comment ces deux-là en sont arrivés à poursuivre un objectif commun alors que rien ne les prédestinait à cette commune action).
Un flashback se construit comme n’importe quelle scène. Mais il lui faut une raison pour exister.
Ce retour dans le passé doit être directement responsable pour la situation présente. Si celle-ci se source directement dans quelque chose qui s’est produit antérieurement, peut-être qu’il faut rouvrir ce quelque chose afin que le lecteur comprenne la situation actuelle.
Par exemple, votre protagoniste est une jeune femme qui vient rendre visite à son père mourant. Vous pourriez avoir besoin d’expliciter la relation qui existe entre eux deux. La jeune femme interrogera alors son père sur sa rencontre avec sa mère.
Votre héroïne veut comprendre des choses sur elle-même parce que sa vie est un vrai chaos et qu’elle ne sait pas pourquoi. Elle a besoin de réponses et celles-ci lui seront alors fournies par son père à l’aide de flashbacks.
Gardez surtout en tête qu’une scène du passé doit être pertinente avec la ligne dramatique actuelle de votre histoire. On ne peut poser des événements passés sans que ceux-ci expliquent le présent.
Le passé intervient dans le présent
Peut-être serait-il bon d’avoir en tête de constamment tisser le passé et le présent ensemble. Partant, de ne pas créer deux lignes dramatiques mais une seule où le présent et le passé se fondent l’un dans l’autre.
Par exemple, la femme de votre héros disparaît soudainement et il ne sait pas pourquoi. La vérité est que cette femme a un passé dont elle n’a jamais parlé à son mari. Lorsqu’il va se mettre à la recherche de sa femme, c’est en fait vers la découverte d’un mystère qui existe bien avant l’histoire vers lequel le héros va se diriger.
L’intrigue est de savoir s’il peut retrouver sa femme et accessoirement en vie. Mais le passé de celle-ci est intrinsèquement lié à la ligne dramatique du héros. Il y a une seule ligne dramatique dont le passé est le maître d’œuvre. Dans ce cas, le flashback est efficace et prépare le lecteur à des glissements temporels.
Parce que les événements du passé interviennent dans la vie du protagoniste maintenant dans l’intrigue.
Lorsque le flashback est utilisé dans l’acte Un afin d’approfondir la personnalité d’un personnage, le problème est que le rythme prend un sérieux coup de frein et l’intérêt du lecteur risque de s’émousser. Vous écrivez un scénario. Si c’est un roman, le risque est moins grand. Mais pour un scénario, la sensation du lecteur (c’est-à-dire sa réception et perception de l’histoire) sont toujours au présent.
Dans ce cas, si le flashback s’avère indispensable dans l’acte Un, attendez de dérouler plus d’actions avant de faire appel au passé pour expliquer ou le personnage ou la situation. Une autre possibilité (qui vaut ce qu’elle vaut mais peut être intéressante) est de situer le prologue (éventuel) de votre histoire au passé. La première scène (celle qui débute véritablement l’histoire) sera au présent.
Utile au suspense
Considérons un protagoniste que nous découvrons accusé d’avoir commis des crimes d’enfant. Seulement, votre héros ne peut ni affirmer, ni nier ces accusations parce qu’il n’a plus aucun souvenir. L’intrigue est son procès. Nous allons donc devoir remonter la chaîne des événements pour comprendre comment votre héros a pu être ainsi accusé de ces crimes.
Les a t-il vraiment commis ou est-ce une machination ?
Au cours du procès et des interrogatoires, des réminiscences surgiront. Elles seront autant d’indices pour résoudre le mystère. Et elles refléteront le point de vue de votre protagoniste. C’est-à-dire que l’information communiquée au lecteur le sera à travers le prisme subjectif de votre personnage.
Les flashbacks nous ramèneront dans le passé éclaircissant la vérité ou nous démontrant un héros incapable d’avoir commis de tels crimes. Mais souvenez-vous que ce flashback est subjectif.
Ce qui est important dans une telle situation est de distribuer l’information à petites doses. Car cette information est donnée par le flashback. Vous devez vous assurer que chaque flashback donne une nouvelle pièce d’information. Et le lecteur deviendra avide de ce passé qui peut lui donner la résolution du problème.
Et surtout, une distribution savamment calculée des informations garde le suspense jusqu’au bout. Parce que les événements du passé ont peut-être fait de votre héros un criminel. Nous ne le saurons vraiment qu’au dénouement. Donc, le lecteur continue de tourner les pages.
Vous pourriez avoir aussi dans votre histoire un personnage absent dont les autres personnages bien présents ne cessent de se référer. Le flashback s’avérera alors nécessaire pour expliquer à un moment donné qui est ce personnage dont tout le monde parle mais que personne ne rencontre jamais.
C’est un cas semblable si votre protagoniste affirme quelque chose à propos de ce personnage absent. Bien sûr, le lecteur aura tendance à croire les assertions du héros. C’est à l’auteur de les confirmer ou de prendre son lecteur à contre-pied en démontrant par un flashback que les dires de son héros sont faussés par une perspective très personnelle sur ce personnage absent.
La marque du flashback : sa brièveté
Ce qui est crucial dans cette technique d’écriture est sa longueur. Lorsque vous écrivez un flashback, efforcez-vous de le réduire à l’essentiel. Rappelez-vous qu’une page de scénario correctement formatée équivaut à une minute.
Et soixante secondes sont largement suffisantes pour perdre l’attention de votre lecteur. Une demi-page suffit amplement pour un aller-retour.
Néanmoins, vous aurez peut-être besoin de vous étendre davantage. Dans ce cas, pensez à accélérer le rythme comme un débat acrimonieux entre deux personnages.
Le flashback doit vous servir à approfondir un personnage. Plus votre lecteur comprendra ce qu’il lui est arrivé plus tôt dans sa vie, plus il est susceptible de développer de la compassion et de la sympathie envers lui.
Message personnel :
Ma démarche est heuristique et doxographique. Mon intention est de partager les opinions et les idées de nombreux théoriciens de l’écriture scénaristique et tout en y apportant mes commentaires personnels.
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