Vous pourriez vous être décidé pour un protagoniste qui ne présente pas de prime abord des aspects positifs. Il pourrait même offrir aux regards ses côtés les plus négatifs.
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Le problème à contourner est que le lecteur recherche ardemment à être captivés par les personnages. Et concernant le personnage principal d’une fiction, il est nécessaire que l’empathie s’installe entre lui et le lecteur.
Parce que si le lecteur est repoussé par le personnage principal et sa situation personnelle, il n’aura pas envie de continuer à lire. Donc il faut trouver un équilibre entre ce qui révulse le lecteur dans la situation du protagoniste et ce qui le fascine dans ce même protagoniste.
L’auteur aime son protagoniste
Et cet amour se ressent dans son écriture. Pratiquement, c’est dans le monde intérieur du protagoniste et dans son passé que l’auteur peut faire accepter par le lecteur les actions immorales dont est coutumier son personnage (pour les besoins de l’histoire, s’entend).
L’auteur doit faire monter à la surface les pensées et les désirs les plus rebutants et déconcertants de son personnage principal. Lorsque ce dernier agit selon des préceptes réprouvés par le bien, d’autres scènes expliciteront le pourquoi de ces actes pour le moins critiquables.
Ces explications facilitent la compréhension du personnage et peuvent rencontrer son acceptation par le lecteur ainsi informé des motivations du personnage.
On entend un peu partout qu’il est crucial que le lecteur s’implique émotionnellement avec le héros d’une histoire. Qu’il trouve en ce personnage des traits qu’il reconnaît plus ou moins. Cela permet de créer une sorte d’intimité.
Cela signifie t-il qu’un héros doit toujours être sympathique et se conformer à la morale ? Bien sûr que non. L’auteur doit aimer son personnage principal même s’il lui fait commettre des choses pas très belles.
On peut essayer de dépasser le dualisme du héros et du méchant de l’histoire. Pourquoi d’ailleurs serait-ce un dualisme ? Ni héros, ni méchant permet d’explorer des personnages fascinants. Personne n’est absolument un vaurien pas plus que l’on est excellemment parfait.
Un personnage imparfait est tout aussi intéressant (si ce n’est plus)qu’un héros sans peur ni reproche. Il suffit que le personnage que l’on souhaite explorer montre suffisamment de présence dans le monde dans lequel il est jeté afin d’attirer et de retenir l’attention du lecteur. Sans se soucier si cette attention sera positive ou négative dans un premier temps. Elle sera nuancée lorsque des informations nouvelles seront données au lecteur (si tel est le souhait de l’auteur).
Le passé à la rescousse
Que ses actes soient ignobles ou qu’il agisse pour le bien, ce qui compte est que le protagoniste soit à la source des conflits. C’est par lui que le scandale arrive en quelque sorte. Et comme le conflit personnel, ce qui hante le héros d’une histoire, a sa raison dans son passé, il suffit que l’auteur se soit penché sur la vie d’avant l’histoire de ses personnages.
C’est ainsi qu’il peut capter l’attention du lecteur lorsque des indices apparemment contradictoires avec les actes de son protagoniste se manifesteront dans une scène. Cela éveillera la curiosité du lecteur.
Le protagoniste doit être furieusement attaché a sa fonction : il est l’artisan de sa propre histoire. C’est par lui que l’intrigue avance. Et en tant que personnage principal, c’est sur lui que l’empathie portera.
Les actes immoraux seront la manifestation du conflit interne qui se source dans les événements du passé. Lorsqu’il se présente dans l’histoire, le personnage principal est déjà équipé de cette lutte en-dedans de lui. S’il se montre ignoble dans un premier temps, c’est parce que cet aspect du personnage doit être démontré.
On peut vouloir aussi montrer que l’arc dramatique du personnage suivra un chemin vers la rédemption tout au long de l’intrigue. Mais avant tout, il importe de porter à la connaissance du lecteur le problème inhérent au personnage.
Le véritable problème n’est pas qu’un protagoniste antipathique ne rencontrera pas l’approbation d’un lecteur. L’antipathie ou l’extrême sympathie d’un personnage n’emporteront pas plus l’un que l’autre l’adhésion du lecteur si ce personnage laisse le monde décider pour lui et que cela ne l’influence pas à changer. Un personnage constamment passif oblitère l’intérêt que l’on peut éprouver envers lui.
Voir le personnage évoluer intérieurement quoiqu’il fasse est ce qui fascine le lecteur. Celui-ci ne juge pas les actes du protagoniste. D’autant plus si vous parvenez à expliquer à votre lecteur pourquoi votre personnage paraît aussi antipathique.
Le héros ruine sa vie
Pourquoi un protagoniste qui agit contre ses propres intérêts serait moins intéressant qu’un personnage qui cherche à améliorer sa vie ? Le lecteur se passionne à le voir ainsi anéantir ce qu’il est. Il y a une sorte de magnétisme à l’œuvre à non plus observer mais participer (par personnage interposé) à la destruction d’un être.
Le lecteur suivra un personnage immoral si ses pensées et motivations sont correctement exprimées et compréhensibles. Il le suivra aussi si les conflits le retiennent dans l’histoire, si les situations dans lesquelles le héros est jeté semblent inextricables.
Pour permettre à cette alchimie dramatique de fonctionner, il est nécessaire que les autres personnages contrastent avec les traits de caractère et les actions du protagoniste.
A travers les dilemmes et les circonstances, il doit être évident que le protagoniste est vulnérable. Et cette fragilité du personnage (qui anticipe l’empathie envers lui) est le fait même de ses méfaits ou actes immoraux.
Considérez David Lurie dans Disgrâce (adapté par Ana-Maria Monticelli d’après le roman de J.M. Coetzee), s’il n’avait pas couché avec cette jeune étudiante, il n’aurait pas perdu son emploi et cet événement a initié toute la chaîne des événements qui s’ensuivirent.
Des protagonistes se jettent d’eux-mêmes dans les problèmes et même si le lecteur n’acceptent pas toujours leurs actes ou leurs façons de voir le monde, il peut néanmoins se sentir concerné par le chaos qu’ils ont fait de leurs vies.
Nous avons tous connu de nombreuses expériences dans nos vies et il est tout à fait normal que nous éprouvions une certaine compassion envers des personnes que nous devinons vulnérables ou bien parce que nous semblons reconnaître dans leurs situations des choses que nous avons nous-mêmes vécues. C’est ainsi que l’on a envie de continuer à lire une histoire pour voir justement comment les choses vont évoluer.