Une idée de scénario, c’est déjà très bien. Maintenant, il faut la développer. Une façon de faire assez efficace est de se concentrer sur un des éléments les plus importants de la dramaturgie : les personnages.
Et en particulier sur ce qui définit le comportement humain, sur ce qui donne de l’énergie à toutes nos actions, à travers le temps et les cultures.
C’est-à-dire les motivations qui se ressourcent perpétuellement dans ces émotions humaines les plus puissantes que nous disposons dans notre arsenal, à savoir nos peurs et nos amours.
Ces deux émotions sont à la gouverne de la plupart de nos comportements et conduites. Du point de vue narratif, elles peuvent tisser personnages et intrigue ensemble dans une cohérence pleine de sens.
Des peurs acquises
Nous pouvons tabler sur le fait que la plupart de nos peurs ne sont pas innées. Issues de prises de conscience, nous développons avec l’âge la peur de l’échec, le manque de reconnaissance, la peur d’être hors des normes morales et sociales, la peur du double (de ne pas être unique), la peur qu’on ne puisse être aimé et bien sûr, l’angoisse existentielle de la crainte de la mort.
Habituellement, nous ne faisons pas face aux peurs directement. Nous utilisons des symboles en lieu et place des anxiétés que ces peurs provoquent. En fin de compte, nous en venons à tout craindre pour d’obscures raisons de se protéger soi-même.
Et nous manifestons des peurs étranges comme celles des araignées, du tonnerre ou de quitter son foyer ou d’étouffer.
Et quel rapport avec l’intrigue ?
Connaître les peurs enfouies des personnages permet de générer des idées pour l’intrigue et d’apporter une résolution à l’histoire car surmonter ses peurs est une des conditions du dénouement d’une histoire.
Ce qu’un personnage craint le fera probablement agir d’une certaine manière. La peur oriente l’action. Les terreurs inconscientes d’un personnage lui permettent de modifier sa situation actuelle.
Parce qu’une situation n’est pas figée, n’est pas déterminée. Le personnage est jeté dans une situation mais ses choix qui dictent ses actions créent constamment une nouvelle situation.
Et lorsqu’un personnage réagit émotionnellement (ce qui est dramatiquement l’idéal), ce sont bien souvent ses peurs inconscientes qui lui dictent sa conduite.
La peur, source de conflits
Un jeune couple vient d’avoir son premier enfant. C’est l’heure de choisir un prénom. La jeune femme a une peur dont elle n’a jamais vraiment pris la mesure : la peur de l’abandon.
Cette terreur qui l’habite a façonné sa manière d’être avec autrui. Elle a toujours cherché à se rendre sympathique, à céder devant les exigences des autres au point que ceux-ci en sont même arrivés à abuser de ce qu’ils considéraient comme de la gentillesse et de l’amabilité.
Comme elle ne veut déplaire à personne, elle se refuse à choisir un prénom et un dilemme se crée alors en elle. Qui doit-elle suivre afin que sa peur ne remonte soudain à la surface ? Son mari qui veut lui imposer un prénom ou plutôt quelqu’un de la famille qui ont leurs propres raisons pour que l’enfant soit affublé de tel prénom et non d’un autre ?
Le mari, quant à lui, possède aussi ses propres peurs enfouies. Son problème est que s’il ne contrôle pas une situation, il entre en panique. C’est d’ailleurs une des raisons qui lui ont fait aimer cette femme (si l’amour peut être expliqué ainsi).
N’ayant aucune contrainte à suivre son mari, celui-ci y a vu un moyen d’apaiser son propre effroi. C’est pour cela qu’il insiste pour choisir lui-même le prénom de l’enfant. C’est sa peur qui le fait agir ainsi, d’une manière quasi irrationnelle.
Dans cette situation particulière, l’on ressent bien le potentiel conflictuelle qui se fonde sur des problèmes de famille, d’identité et de pouvoir. Et la force qui anime ce conflit puise dans les peurs des personnages.
Bien sûr, si l’intrigue s’y prête, vous pouvez tenter d’expliquer les causes de ces peurs. Chercher, par exemple, dans l’enfance des personnages un trauma à l’origine de ce qui est maintenant devenu une conduite.
Et à moins aussi que l’intrigue l’exige, il est inutile de sombrer dans un psychologisme de mauvais aloi pour l’histoire.
Il suffit de comprendre comment et pourquoi un personnage réagit spécifiquement dans certaines situations (une réaction liée à ses peurs profondes) même si cela n’est pas clairement explicité dans le scénario. Et comme il s’agit d’un scénario, il faut le montrer à travers l’action et les dialogues.
L’amour, un pouvoir immense
L’être humain est une espèce sociale. Nous sommes fortement attachés aux autres et pas seulement aux autres. Une idée, un concept, un objet, un symbole peuvent susciter en nous de l’amour.
Nous pouvons aimer un être humain ou un animal, être loyal envers un ami, se sacrifier volontiers pour ses enfants et nous pouvons aimer un pays ou une collection de timbres…
L’esprit humain est en fait capable d’aimer à peu près tout.
Et lorsque nous aimons, nous agissons soit pour obtenir la chose ou l’être aimés, soit pour les conserver. Ceci peut générer toutes sortes d’idées pour une intrigue.
Il suffit de s’interroger :
Qui ou quoi votre personnage aime ?
Qu’est-il prêt à faire pour l’obtenir ou le conserver ?
Jusqu’où est-il prêt à aller ?
Est-il capable de briser certaines limites ?
Comment va t-il réagir si quelqu’un ou quelque chose vient interférer entre lui et l’être ou la chose aimés ?
L’amour quel que soit sa forme est un sentiment qui atteint très souvent le lecteur à un point vulnérable. Et les peurs aussi car même s’il n’a jamais fait l’expérience de la peur décrite dans la fiction, celle-ci trouve son chemin en lui et forme comme une résonance.
Peur & amour : un écheveau complexe mais efficace
Ce sont des émotions étroitement liées. Lorsque l’on aime quelque chose, on craint toujours de le perdre.
Mais cela peut se manifester autrement. Par exemple, un chirurgien fera tout pour sauver la vie qu’il tient entre ses mains. Est-il motivé par l’amour de l’humanité ou par la peur d’un échec personnel s’il ne sauve pas son patient ?
Ou peut-être les deux à la fois ?
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