L’auteur est maître des événement qui se produisent au cours de l’intrigue. En cela, il est un peu comme un conspirateur qui organise les choses pour qu’elles soient conformes à sa volonté.
L’intrigue est aussi ce qui va intéresser le lecteur ou du moins l’attirer dans l’histoire. Ensuite, la qualité des personnages qui peuplent l’univers décrit dans la fiction le retiendra ou non jusqu’à la fin de l’histoire.
Mais les événements les plus à même de retenir l’attention d’un lecteur sont ceux qui compliquent les choses, qui embrouillent les situations ou les rendent tragiques. Personne n’est véritablement intéressé par des choses qui se contentent de bourdonner tranquillement dans le monde environnant.
Dans une fiction, il faut que les choses tournent mal. Et de plus en plus mal au fur et à mesure que l’intrigue se déroule. Les personnages doivent se retrouver dans des situations qui les tourmentent physiquement ou moralement.
C’est ce tourment qui crée l’intrigue et c’est ce que le lecteur recherche.
Du conflit
Le conflit est le maître mot de l’intrigue. C’est un concept qui permet aux personnages et à l’intrigue de se rejoindre.
Le conflit est subjectif. Différents individus ne verront pas dans une même situation si elle est conflictuelle ou non. Elle peut l’être pour certains et tout à fait normale pour d’autres. Des clefs que l’on ne retrouve pas peuvent mener à un débat sans fin entre deux personnages et se jouer dans une indifférence paisible pour d’autres.
Il est donc important de bien choisir les personnages qui doivent intervenir dans une scène pour que le conflit se fasse ressentir. Pour qu’il y ait confrontation, pour que des décisions soient prises… en un mot pour donner un aspect dramatique à une scène, ce sont d’abord les personnages dont il faut se préoccuper et non pas de la mise en place d’action pure.
Une crise est nécessairement une affaire d’intersubjectivité. C’est de la dynamique de la mise en présence d’au moins deux personnages que peut être généré le conflit.
Une question personnelle
Ce qui constitue un conflit (ou une crise) pour un personnage dépend de ses valeurs, de ses croyances, de ce pour quoi il se bat, de ce qui est important pour lui individuellement.
Par exemple, un personnage qui doit quitter son foyer peut être un moment de crise majeure pour lui. Pour un autre personnage, ce ne peut être que banal. Imaginez que ces deux personnages sont mariés et vous aurez nécessairement un débat conflictuel autour de cet événement.
Puisque deux systèmes de valeurs vont s’opposer.
Il existe de nombreuses sources potentielles de conflit. Parmi les plus usitées, on trouve :
– La négation du problème. Le problème existe mais le personnage se refuse à le voir. Que ce soit pour préserver sa sécurité ou pour que cesse son angoisse, il va dénier la réalité de la chose.
– Il va tenter de résoudre le problème de manière rationnelle. Ce qui peut causer des troubles avec un autre personnage beaucoup plus émotif, plus enclin à suivre ses passions et moins réceptif à une explication rationnelle des choses.
– Le personnage ne saura pas gérer le problème. Il développera alors une anxiété qui ne peut que nuire à sa relation aux autres.
– Si le déni est trop violent pour le personnage, il peut s’en remettre à la foi ou s’accrocher à n’importe quelle forme d’espoir à sa portée. Cela crée une passivité qui peut venir heurter la sensibilité d’autres personnages mieux armé dans l’action que dans la contemplation.
– Si le déni est inacceptable et les croyances du personnage insuffisantes, il peut alors détourner son regard du problème et se consacrer à des activités créatives. Si un personnage possède quelques talents artistiques, c’est dans l’adversité que sa créativité ou son génie se manifesteront le mieux.
Cet élan créateur va isoler le personnage et créer une distance difficile avec son entourage. En quelque sorte, il va se refermer sur lui-même pour échapper au problème.
– Devant les difficultés, le personnage peut se mettre à la recherche d’alliés. Cela implique qu’il risque de blesser quelques susceptibilités puisqu’il va devoir se séparer de ceux qu’il juge ne pas pouvoir l’aider. Et ses nouveaux amis, le sont-ils réellement ?
– Pour résoudre son problème, un personnage peut aussi se tourner vers des gens qu’il estime compétent. Supposons qu’une femme trahie par son mari cherche à se venger en tuant la maîtresse de celui-ci. Elle fera certainement appel à un professionnel de la chose. Par la suite, elle peut aussi regretter son geste mais la machine est dorénavant lancée.
– Face à un problème, il est aussi facile d’en blâmer quelqu’un d’autre. Une mauvaise foi source de conflits. Peut-être un manque de courage ou de confiance en soi.
– Refuser de confronter un problème peut mener aussi à l’addiction. C’est un moyen de détourner son regard de la réalité. Mais le personnage n’est pas le seul à souffrir. Gardez à l’esprit qu’un conflit est protéiforme. La douleur est une de ces formes. Tout ce qui peut conférer un aspect dramatique à une scène est du conflit.
– Ce qui fait que la folie peut être le seul recours contre l’impossibilité apparente de trouver des réponses.
…
La manière qu’un personnage et en particulier le héros d’une histoire réagit au conflit que l’auteur lui jette à la face dépend de sa personnalité. Et ses réactions détermineront alors les événements de l’intrigue.
Comment un personnage peut-il résoudre le conflit ?
Parfois, il ne le peut pas. C’est l’auteur qui décide selon son message. Cependant, le protagoniste trouvera bien souvent en lui des aspects qu’il ignorait de lui-même.
Ce sont ses tribulations et ses pérégrinations au cours de l’intrigue qui lui permettront cette révélation.
Considérez Mitch McDeere par exemple (La Firme). Il se retrouve dans une situation très risquée entre la mafia et le FBI. Ce n’est pas de lui-même qu’il s’est jeté dans ces complications où il risque sa propre vie. Ce sont les autres qui ont créé cette situation.
Pourtant, il se montrera plus malin que les bons et les méchants de cette histoire parce qu’il va faire appel à certains aspects de sa personnalité : son intelligence, une audace dont il ne se savait pas capable, son ambition aussi et puis un certain mépris pour la loi (paradoxal pour un homme de loi mais dont les pérégrinations lui ont permis de porter une perspective autre sur le système).
Question de thème
L’approche prise par le protagoniste pour résoudre son problème véhicule le message que tente de communiquer l’auteur. Autrement dit, le thème.
Cette approche, cependant, n’est pas tant une manière de faire mais plutôt la quête d’un état d’esprit. Ce à quoi aboutit le protagoniste permet d’en induire le thème.
En somme, le thème est le point de vue de l’auteur sur un aspect du monde.
Mais par quoi commencer pour qu’une histoire devienne une histoire ?
On a souvent en tête une idée ou bien tout un univers (peut-être seulement quelques morceaux) ou bien l’esquisse d’un personnage ou simplement une image qui taraude l’esprit.
Quoi que vous ayez en tête, rapportez-le à un personnage. Une fiction comme dans la vie réelle est faite d’individus. Interrogez-vous sur les personnages qui viendront peupler votre univers fictionnel. Par le questionnement, vos personnages surgiront du néant.
Quelques exemples de ce brainstorming :
Qui vit dans votre monde ? Si, par exemple, votre héros est un être timoré, qui manque d’assurance, entourez-le par des personnages sûrs d’eux, qui ont réussi socialement parlant… afin de permettre le contraste avec votre personnage principal.
Que veut votre personnage principal ? Et pourquoi a t-il ce désir ? En tant que protagoniste de l’histoire, il a besoin qu’il lui soit fixé un objectif.
L’objectif sera t-il difficile à atteindre ? Et il faut qu’il le soit. En fait, il doit apparaître comme inatteignable. Compliquez-le si nécessaire.
Qui pourrait contrecarrer les plans du héros ? Un protagoniste n’est légitime que s’il est face à un antagonisme. Considérez l’antagonisme comme une négation du héros. Si ce dernier ne peut le vaincre, alors il sera anéanti.
En somme, le méchant de l’histoire n’est que le reflet obscur du héros.
Si vous avez une idée de scénario, commencez par lister tous les personnages dont vous pensez avoir besoin pour l’exprimer. Et parmi ceux-ci, déterminez ceux qui ont le plus à perdre dans cette histoire. Vous cernerez ainsi les quelques personnages dont l’un deux pourrait être votre protagoniste.
Le protagoniste est le personnage le plus impliqué dans une histoire. C’est en quelque sorte celui par qui le scandale arrive. Interrogez-vous sur les raisons de cet engagement. Si, par exemple, votre idée est de revisiter le mythe d’Icare dans un contexte contemporain, quel personnage serait le plus à même d’exprimer votre interprétation du mythe ?
Recherchez les causes possibles de son désir. Autrement dit, demandez-vous pourquoi il a cette volonté.
Lorsque vous posez une idée pour une fiction sur une page blanche, même en seulement quelques lignes, elle doit contenir en germe des situations conflictuelles. Si elles ne vous paraissent pas évidentes, recherchez ces possibilités de conflit. Une fiction, ce sont des choses qui vont de travers. Des personnages commettent des erreurs.
Une fiction, c’est aussi des personnages qui réagissent aux événements qu’ils leur arrivent. Une idée, c’est aussi en filigrane une série d’événements (c’est-à-dire une intrigue). Lorsque vous posez un personnage, comment va t-il réagir aux événements ? Imaginez les situations les plus pertinentes avec votre idée. C’est-à-dire celles qui construisent brique par brique votre argument, votre point de vue (en gardant à l’esprit que vous ne pouvez pas imposer au lecteur seulement votre point de vue. Vous devez aussi exposer celui du camp adverse).
Un personnage, c’est un être pétri d’émotions, de sentiments, de passions. Si vous avez les contours flous d’un personnage en tête, essayez de lui donner de la profondeur, du relief en imaginant l’état d’esprit dans lequel il pourrait se trouver.
Qu’est-ce qui émotionnellement le pousse à agir de la sorte ? S’il a un désir dans cette histoire, quel est le besoin qui sous-tend ce désir ? Pourquoi veut-il accomplir son objectif ?