Vous devriez pouvoir écrire l’idée fondamentale de votre histoire en une ou deux phrases mettant en avant le personnage principal, ce qu’il veut, ce qu’il est obligé de faire pour l’avoir et ce qui lui arrive.
Il s’agit de votre prémisse.
Voici quelques exemples.
Braveheart de Randal Wallace
William Wallace aspire à une vie tranquille de fermier mais après que sa femme ait été assassiné, il parvient à unifier l’Ecosse divisée pour bouter l’anglais hors de son territoire.
Une prémisse telle que celle-ci est nécessaire dans un marché où l’offre dépasse la demande. La prémisse est un des tous premiers outils de décision pour d’éventuels investisseurs. La première étape pour un auteur qui souhaite donner un devenir à son projet est donc d’attirer l’attention d’un décideur et de le convaincre à lire son scénario.
Un pîtch
Ce terme consiste à présenter son projet d’une manière compacte et suffisamment intrigante pour créer chez celui qui l’entend le désir de découvrir l’histoire qu’il résume.
Il faut parvenir à présenter efficacement l’histoire en insufflant dans la prémisse le développement possible de celle-ci et à communiquer son cœur dramatique sans que l’interlocuteur ne soit confus et sans que cela provoque de l’ennui chez lui.
Une prémisse va donc communiquer une histoire dramatique de la manière la plus abrégée possible. Elle se fonde sur la ligne dramatique principale de l’histoire sans toutes les complexités relationnelles des personnages, sans les éventuelles intrigues secondaires.
C’est véritablement un résumé de l’histoire. Tout le développement possible de celle-ci ne doit apparaître qu’en filigrane, suggéré par la prémisse mais surtout pas écrit.
La plupart des prémisses tiennent en une ligne. Il faut vraiment que l’histoire soit compliquée pour nécessiter l’usage de deux voire plus lignes. Tentez toujours de résumer en une ligne votre histoire avant d’en faire plus.
Il est important que la prémisse soit dramatique.
Que signifie dramatique ? Qu’elle soit porteuse d’un conflit. Le conflit est au cœur de la fiction. On dit souvent que sans conflit, il n’y a pas d’histoire.
Rassurez-vous : le conflit s’exprime en une infinité de manières.
La création de la prémisse
Cela pourrait sembler simple au premier regard mais extraire le cœur de son histoire n’est pas une chose aisée.
Un auteur est lié à chaque aspect de son histoire et il lui est difficile de distinguer parmi tous les éléments dramatiques ceux qui sont cruciaux pour une prémisse et ceux qui peuvent en être écartés.
Evidemment, la pratique permet de faciliter les choses mais c’est surtout la compréhension des fondements d’une structure dramatique qui importe le plus.
Par ailleurs, n’hésitez pas à tester plusieurs prémisses afin de concevoir la plus efficace.
Une structure narrative
La prémisse doit contenir :
- A propos de qui est l’histoire. C’est-à-dire le personnage principal, le protagoniste.
- Ce vers quoi tous ses efforts vont être tournés. Autrement dit, son objectif dans l’histoire.
- Ce qui va se mettre en travers de son chemin (dans l’obtention de son objectif). C’est une force antagoniste. Celle-ci est protéiforme. Ce peut être un vrai méchant de l’histoire ou une entité comme la nature.
Vous pouvez parfois mentionner le contexte. Néanmoins, une prémisse ne raconte pas l’histoire. Elle opte pour trois ou quatre éléments dramatiques afin de décrire le récit d’une manière ordonnée et claire : un protagoniste, un objectif, un antagoniste.
Le magicien d’Oz
Après qu’une tornade ait frappé sa ferme, une petite fille solitaire se retrouve dans un pays magique. Elle entreprend alors un dangereux voyage pour trouver le magicien qui a le pouvoir de la renvoyer chez elle.
Le protagoniste
Ne nommez pas le protagoniste dans la prémisse. Cela n’ajoute rien pour le lecteur et cela l’encombre inutilement avec des données qui ne sont pas pertinentes avec une prémisse.
Evidemment, si vous tentez une biographie, il est préférable d’indiquer de qui il s’agit. Sinon, pointez sur une occupation ou un statut social comme un politicien par exemple ou un vagabond…
Ou bien décrivez votre personnage comme un adolescent ou une petite fille…
Complétez cette première définition de votre personnage principal avec un adjectif qui va le qualifier. Par exemple, un politicien véreux ou un adolescent angoissé…
Dorothée est qualifiée de petite fille solitaire. Cela suggère qu’elle vit plutôt mal son enfance et pourtant la mention de son objectif (la renvoyer chez elle) pointe sur une ironie qui ajoute à l’efficacité de la prémisse.
L’objectif
L’objectif du protagoniste est le moteur du scénario. Il doit donc être présent dans la prémisse. Dorothée a de nombreux objectifs dans Le Magicien d’Oz : elle doit protéger les souliers de rubis, elle doit rencontrer le sorcier, elle doit voler le balai de la méchante sorcière.
Néanmoins, son objectif majeur est de rentrer chez elle. Toute l’histoire s’articule sur ce but. Ce retour chez elle dans le Kansas est le cœur dramatique de toute l’histoire.
Habituellement, dans une structure narrative classique, l’objectif du protagoniste est établi à la fin du premier acte. C’est à ce moment que le personnage principal prend définitivement en charge son problème (c’est-à-dire le problème de l’histoire).
Ce point d’articulation structurel indique le passage dans l’acte Deux. C’est donc ce moment que vous devez mentionner dans la prémisse.
Si vous avez encore quelques doutes sur le contenu de cet objectif, reportez-vous à ce que vous avez prévu dans le climax. Normalement, vous devriez savoir comment finira votre histoire.
Comme le climax est ce moment de l’histoire où le protagoniste réussit ou échoue, l’examen de ce climax devrait renforcer votre idée quant à l’objectif du héros.
Partez du principe que de retarder l’introduction claire et distincte de l’objectif du personnage principal est une erreur fatale pour votre scénario. Mais il y a toujours des exceptions. Ce sont les exigences de votre histoire qui doivent dicter vos décisions.
Le cas de La vie est belle de Frances Goodrich, Albert Hackett, Frank Capra et Jo Swerling, d’après la nouvelle de Philip Van Doren Stern The Greatest Gift
De prime abord, la prémisse pourrait être :
Un père de famille suicidaire a l’opportunité de voir ce que le monde serait devenu s’il n’était pas né.
C’est on ne peut plus inexact car cet élément dramatique n’est proposé au lecteur qu’au cours du troisième acte. Ce n’est donc pas ce que l’histoire nous conte.
Ce qu’elle nous conte, c’est un homme qui vit dans une petite ville et qui n’aspire qu’à connaître le succès dans une grande ville. Son objectif est interne. C’est un homme ambitieux qui rêve de grandes choses et qui étouffe littéralement dans la petite ville où il vit.
Evidemment, l’accroche de ce troisième acte est plus fascinante et la tendance bien naturelle de la rappeler dans la prémisse. Cependant, l’investisseur à qui est destiné la prémisse ci-dessus s’attend à la voir développée au plus tard à la fin du premier acte.
Sa frustration sera grande de la voir apparaître au cours du troisième acte.
Pour nous résumer, nous dirons qu’une prémisse ne peut tout simplement pas ignorer le contenu des actes Un et Deux.
La prémisse exacte de La vie est belle pourrait alors être :
Un père de famille lutte pour s’échapper de la petite ville où il végète pour rencontrer le succès dans une grande ville. Lorsqu’il comprend que tous ses efforts sont vains, il envisage le suicide mais son ange gardien lui paie une visite et notre homme expérimente ce qu’aurait été le monde s’il n’était pas né.
Ainsi la prémisse est une image plus précise de ce qu’est véritablement l’histoire.
La force antagoniste et les enjeux
La prémisse doit présenter l’élément dramatique conçu pour empêcher le protagoniste d’atteindre son but. Ne vous étendez pas trop sur les détails au risque d’alourdir la prémisse.
La méchante sorcière du Magicien d’Oz est de toute évidence l’ennemie déclarée de Dorothée. Et bien sûr que sémantiquement l’expression Méchante sorcière est chargée d’une connotation universelle.
Pourtant cette valeur reflète bien mal la spécificité de cette histoire. Blanche Neige contient aussi une méchante sorcière.
Au contraire, l’expression dangereux voyage suggère bien mieux l’antagonisme. Cet assemblage particulier de mots est comme une ouverture pour l’imaginaire du lecteur alors que la désignation précise de l’antagonisme est déjà une contrainte.
Ecrire une prémisse succincte ne signifie pas de poser des éléments disparates dans l’espoir de traduire le tout que représente son histoire. Ainsi dans la prémisse de La vie est belle, il n’est fait aucune mention de Potter.
Parce que la véritable force antagoniste, c’est George Bailey lui-même. C’est cette vision de lui-même (ce qu’il croit être ses échecs) qui entrave son bonheur.
Il doit être clair que l’antagonisme est un obstacle au but principal du héros. Cela implique un conflit potentiel et celui-ci induit qu’il y a un enjeu. Le lecteur de la prémisse doit comprendre que la mort (littérale ou symbolique) est un risque.
Le contexte
Le contexte n’est pas nécessaire dans une prémisse mais certaines histoires cependant peuvent l’exiger. En particulier celles qui décrivent un monde dont l’interaction avec les personnages ou les situations est le fondement de ces éléments dramatiques.
Ainsi dans Minority Report, le concept de « précrime » est absolument nécessaire pour la compréhension de toute l’histoire.
Dans un futur où les criminels sont arrêtés avant qu’ils ne commettent un crime, un policier désabusé s’enfuit pour prouver son innocence d’un meurtre qu’il n’a pas encore commis.
Notez que le verbe s’enfuir suggère qu’il sera pourchassé et partant, la force antagoniste qui sera à l’œuvre pour contrer sa volonté de prouver son innocence.
Notez aussi que le terme précrime expliqué dans l’histoire n’est pas mentionné dans la prémisse. Cela aurait alourdi celle-ci d’un détail qui ne convient pas à sa finalité.
Par ailleurs, si ce contexte n’était pas explicite dans la prémisse, celle-ci aurait porté sur une histoire totalement différente. C’est ainsi que le passé du héros ou une blessure qui le caractérise peut être indiqué.
Concision de la prémisse
Les informations nécessaires pour comprendre une histoire comme un tout (celui-ci se révélant dans le dénouement) ne sont pas obligatoires pour que la prémisse fasse sens efficacement dans l’esprit de son lecteur.
Ne confondez pas prémisse et synopsis. Celui-ci décrit, certes grossièrement, les événements qui se produisent dans l’histoire et l’ordre dans lequel ils surviennent. C’est un résumé de votre histoire.
Une prémisse est une petite histoire en soi qui porte déjà en germes les conflits et émotions. C’est pour cela qu’elle est dramatique.
La question dramatique
Une histoire soulève des questions dramatiques tout au long de son déroulement. La principale d’entre elles est de savoir si le héros réussira ou non.
Une séquence pose aussi une question dramatique et y compris chaque scène. Et toutes ces questions sont différentes les unes des autres.
Cela permet de créer de la tension, du suspense et incite le lecteur à vouloir savoir ce qui va se passer ensuite. La prémisse n’échappe pas à ce processus. Elle pose une question dramatique qui va exciter la curiosité du lecteur et induire un potentiel (un développement possible).
Le dangereux voyage que va entreprendre Dorothée confère à la prémisse une sorte de mystère qui va interpeller le lecteur. L’esprit humain est ainsi fait qu’il recherche des explications rationnelles.
En créant un doute, une incertitude sur le devenir de l’histoire, la prémisse accroche l’esprit du lecteur.
Ainsi, lorsqu’il est indiqué dans la prémisse de Braveheart que William Wallace parvient à unifier l’Ecosse divisée pour bouter l’anglais hors de son territoire, on se demande comment il va s’y prendre. La question dramatique est posée.
Mais la prémisse doit se garder d’y répondre. Que William Wallace réalise qu’il doive mourir pour que son rêve de liberté puisse s’accomplir ne doit pas être révélé dans la prémisse.
Le but de celle-ci est d’inciter à la lecture du scénario. Il est inutile et dangereux d’en donner toutes les clefs sinon à quoi bon le lire ?
Préservez la surprise de la conclusion de votre histoire. Ainsi
Sixième Sens :
Un psychologue se bat pour soigner un enfant hanté par une étrange affliction : il voit les morts.
La prémisse devrait se suffire à elle-même et ne pas être dépendante de la conclusion de votre histoire. Elle met en avant une histoire potentielle (quelque chose qui va sous-entendre qu’il y a là du matériel à pétrir) et qui va susciter l’intérêt du lecteur, c’est-à-dire, dans le cas de la prémisse, celui d’un investisseur possible.
Un verbe d’action
Employer un verbe d’action dans la prémisse est important pour traduire un élan. Cet élan pointe sur du conflit, la base de toute fiction dramatique.
Se bat, s’enfuit, lutte, bouter, entreprendre… sont des verbes qui communique sur une opposition.
Des gens comme les autres :
Après un séjour en hôpital psychiatrique, un adolescent se bat pour retrouver sa santé mentale et un retour à la normale mais devra vaincre d’abord son plus grand adversaire : sa mère.
Par ailleurs, le sujet du verbe doit être le protagoniste car c’est lui qui a en charge de faire avancer l’intrigue.
Si la prémisse de Sixième Sens avait été
Un jeune garçon perturbé cherche l’aide d’un psychologue pour se libérer d’une étrange affliction : il voit les morts.
cela serait un mauvais portrait de l’histoire. Bien sûr que le problème de Cole est au cœur de l’histoire mais il n’est pas le protagoniste de celle-ci. C’est Malcolm, le psycholoque, qui fait avancer les choses. Le fardeau de son combat pour sauver Cole est précisément ce dont parle l’histoire. Il doit donc être le sujet du verbe d’action.
Un outil visuel
Tout comme le scénario, la prémisse est un outil au service d’un média visuel. Des verbes comme décider, réaliser, apprendre… connotent un processus interne.
Un scénario montre ce qui se passe dans la tête des personnages à travers leurs comportements, leurs réactions… leurs dialogues.
Si le critère ou le conflit principal d’une histoire se fonde sur un processus interne comme par exemple une décision qui résoudra un dilemme, la prémisse doit néanmoins insister sur le conflit interne d’une manière externe et dramatique.
Considérez Hamlet par exemple. Shakespeare utilise des monologues pour transcrire les pensées intimes de Hamlet (c’est du théatre).
Si nous devions écrire une prémisse pour un éventuel projet cinématographique, nous devrions concocter un concept qui soit visuel (externe) par nature :
Après avoir appris que son père a été assassiné, un prince lutte pour savoir s’il doit tuer le coupable : son oncle, le nouveau roi.
Tout y est :
- Le contexte : Après avoir appris que son père a été assassiné
- Un verbe d’action : lutte
- Le protagoniste : un prince (sujet du verbe). Notez ici qu’un qualificatif n’est pas nécessaire puisque le concept de prince suggère celui de futur roi.
- La mention de l’antagonisme : s‘il doit tuer car c’est bien un conflit interne dont la prémisse tente de faire l’illustration.
Le protagoniste a l’initiative
Certains verbes d’action comme s’enfuir ou fuir sont davantage des moyens de défense qui positionne le héros plutôt comme une victime de l’action.
Or un protagoniste ne subit pas l’action. Il est proactif par nature.
En tant que verbe d’action, ils ont pourtant droit de cité dans une prémisse. Il suffit simplement de faire attention à ce que le personnage soit l’initiateur de l’action essentielle de l’histoire.
Si la prémisse de Le Fugitif avait été :
Un médecin faussement accusé du meurtre de sa femme fuit un agent fédéral implacable.
Nous aurions posé ce médecin sur la défensive et non pas sur l’offensive.
Or ce qui anime Kimble est de retrouver l’assassin de sa femme. C’est cette volonté qui lui donne la force de se mouvoir à travers l’intrigue. Ce n’est pas de fuir qui compte.
Une prémisse plus adéquate avec l’histoire serait alors :
Un médecin, faussement accusé du meurtre de sa femme, s’enfuit pour retrouver désespérément l’assassin alors qu’un agent fédéral implacable le poursuit.