David Trottier n’est pas le seul à avoir proposé des conseils pour la construction des scènes. Mais il est bon de passer en revue ses points de vue sur la question.
Pas de tête à tête
Ou du moins pas tel qu’on les rencontre dans la vraie vie où chacun parle et écoute à son tour. Un tête à tête doit être mis en scène. Une dispute, par exemple, peut commencer au moment du petit déjeuner dans la cuisine familiale.
Puis se continuer dans la voiture lorsque le couple se rend à son travail et se conclure lors d’un match de tennis en fin de journée.
Bien que l’unité de temps et de lieu ne semble pas respectée, il n’en s’agit pas moins de la même scène. Elle a seulement été découpée et redistribuée par le biais du montage.
Cette technique narrative a l’avantage de renforcer les dialogues et elle vous permet de travailler sur la caractérisation de vos personnages comme par exemple comment ils conduisent ou ce qu’ils conduisent ce qui donne des informations sur leur statut social, par exemple.
Avant de continuer, nous tenons à signaler que David Trottier insiste sur le fait que ses conseils ne sont que des conseils et non des règles à suivre aveuglément.
Un début, un commencement et une fin
Chaque unité dramatique devrait avoir un commencement, un milieu et une fin. Pour vous en assurer, demandez-vous : Que veulent chacun de mes personnages présents dans la scène ? Non ce qu’ils veulent dans le récit, mais ce qu’ils veulent à ce moment précis du récit.
Plus précisément, une unité dramatique doit posséder un personnage central qui a un but, un désir, un besoin ou une intention spécifique dans la scène où il intervient. De même, du point de vue de la séquence, vous devez identifier quel en est le personnage central, celui sur lequel la séquence se concentre.
L’art du rebondissement
Si une scène s’articule en trois parties (tout comme toutes les fictions selon un angle minimal), il est intéressant de se demander si elle peut contenir un nœud dramatique ou un renversement de situation.
L’idée est de créer une attente puis de subvertir cette attente, en d’autres mots, vous prenez à contre-pied le lecteur/spectateur. Vous trompez son expectation.
Lire à ce sujet :
RIRE ET COMEDIE : POURQUOI RIONS-NOUS ? (1)
Dans Marathon Man, Janeway sauve Babe des griffes de Szell qui le torturait pour obtenir une réponse à une énigmatique question. Croyant faussement que Janeway est quelqu’un de bien, Babe se confie librement à lui. Après tout, il vient de lui sauver la vie.
Puis c’est le retournement de la situation : Janeway ramène directement Babe au nazi Szell. Il s’avère que Janeway est un homme de main de Szell. Janeway confirme à Szell sa certitude que Babe ne détient aucune information ce qui rassure Babe et entraîne le lecteur/spectateur dans le même espoir.
Mais il se produit un nouveau rebondissement. Szell n’est pas convaincu et il continue à torturer Babe.
Commencez la scène le plus tard possible
En d’autres termes, concentrez-vous sur l’essence de votre scène. Ce qui revient à supprimer tout ce qui n’est pas nécessaire.
Considérons l’exemple donné par David Trottier :
- Un cow-boy solitaire sur son cheval remonte la prairie vers une cabane en bois.
- Il descend de cheval, s’empare de son fusil et prudemment s’approche de la cabane.
- Le cow-boy jette un œil à travers l’une des fenêtres et aperçoit cette fille : elle est jeune, elle est belle et elle est seule.
- Il ouvre brutalement la porte et avance dans la pièce. Il veut récupérer l’argent et cette jeune femme lui inspire clairement des idées.
- Elle s’empare d’un couteau et le lance sur le cow-boy.
Les points 1 à 3 de cette séquence sont manifestement de trop. Seuls les points 4 & 5 sont significatifs de la scène et ils devraient être les seuls à être retenus. Parce qu’ils sont les moments les plus proches de la fin de la scène, ils en traduisent l’essence.
Quant à la durée d’une scène, elle peut être courte ou longue sans nuire au récit. Seulement, une scène longue doit attirer votre attention. N’y a t-il pas un moyen de l’améliorer et donc de la raccourcir ?
D’ailleurs, une durée plus condensée améliore le rythme. Et vous pourriez même trouver que certaines de vos scènes pourraient être allongées sans que cela nuise non plus à l’histoire.
Le rythme
Le rythme est une alternance de pics et de creux en matière d’émotions et de tension. C’est une succession de scènes d’action et de scènes dialoguées, de scènes dramatiquement lourdes en termes émotionnels et de scènes plus légères.
Notez que le rythme devrait s’accélérer à l’approche du climax (l’ultime confrontation) ou de moments de crise. Un peu comme si vous aviez besoin de chauffer la salle. Des scènes de préparation peuvent vous y aider.
Sur ce propos :
. LE GRAND HUIT DE LA TENSION
. NE NEGLIGEZ PAS LE SUSPENSE !
Et le rythme n’est pas seulement une question d’action et d’événements. Vous pouvez jouer avec le ressenti du lecteur en créant en lui des moments de tension et de relâchement.
Les scènes doivent culminer en quelque chose de dramatique
C’est-à-dire une décision ou l’imminence d’une décision. Ce peut être un retournement de situation, un cliffhanger (le suspense est total), une chute (utile dans les dialogues) ou une révélation.
En fait, la technique consiste à faire en sorte que le lecteur/spectateur soit curieux de connaître la suite. Une scène devrait se terminer avec une tension qui mène à une autre scène.
Dans Titanic, la mère de Rose lui interdit de revoir Jack (tout comme dans les contes : à l’absence ressentie et au désir de la combler succède un interdit). Tout du long de la scène, elle noue le corset autour du buste de Rose ce qui ajoute visuellement de la tension. C’est ce que l’on peut considérer comme un sous-texte visuel à l’information que communique la scène.
En effet, la pression morale à laquelle elle soumet Rose est renforcée par la pression physique à laquelle elle soumet son corps.
Lorsqu’elle se termine, une scène devrait créer une anticipation et le lecteur/spectateur s’attend à quelque chose d’encore plus intéressant. Pourquoi ? Parce qu’il faut bien que le récit se construise.
Créez des transitions entre les scènes
Tentez de trouver des moyens de lier les scènes ensembles hors de leur relation causale. Travaillez davantage sur un plan plus métaphorique ou symbolique.
Dans 2001 : L’odyssée de l’espace, un homme préhistorique jette un os en l’air. Cet os, l’un des tous premiers outils de l’homme, devient un navire spatial, l’un des touts derniers outils de l’homme.
Dans L’échelle de Jacob, après que Jacob ait été transpercé par une baïonnette, nous nous retrouvons dans un tunnel sombre avec au bout une brillante lumière. Mais ce n’est pas tout car en plus de cette description, la scène est imprégnée de mouvement : nous parcourons à vive allure ce tunnel qui s’avère être le métro de New York.
L’assemblage des différents éléments de cette scène contribue à sa signification symbolique : elle est le passage entre la vie et la mort.
Ce type de liaison n’est pas une obligation. Vous le faîtes lorsque vous sentez que c’est approprié ou que l’inspiration vous l’impose. Vous êtes dans l’ordre de la métaphore et elle peut être visuelle, verbale, thématique ou le moyen que vous estimez le plus adéquat.
Finalement, c’est dans ce type d’invention que l’écriture et le montage (réécriture ?) s’accorde le mieux. Vous pouvez ainsi contraster assez fortement deux scènes consécutives tant que votre idée fait avancer l’histoire. Ou simplement si cela ajoute à sa cohésion.
Créer une atmosphère
Il s’agit de se focaliser sur l’émotion en jeu dans la scène. Après s’être demandé quelle était l’intention du personnage central dans cette scène (ce qu’il cherche à obtenir), il faut se demander ce qu’il ressent.
Il faut définir son attitude. Vous pourrez ainsi vous déterminer sur la direction à prendre et ajoutez aux dialogues une dimension sous-jacente. Gardez à l’esprit que les dialogues sont bien meilleurs lorsqu’ils reflètent l’émotion du personnage qui les prononcent avec ses mots à lui.
Le conflit
Même dans les scènes où la tension dramatique n’est pas puissante, un conflit doit exister.
Deux personnages qui auraient un but semblable doivent trouver un désaccord sur la méthode pour parvenir à ce même but. Il doit y avoir du conflit. Il peut d’ailleurs être subtil mais n’ en doit pas moins exister. Y compris dans les scènes d’amour, il devrait y avoir une résistance du moins au début.
Le conflit est l’un des meilleurs outils à la disposition de l’autrice et de l’auteur pour créer du suspense.
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