L’Opening Image (ou la première scène de votre scénario) est souvent l’image pré-générique. Elle est d’une importance capitale car elle définit toute votre histoire.
Il ne faut pas confondre cette Opening Image avec une éventuelle séquence d’ouverture. La séquence d’ouverture n’est nullement une obligation, tout au plus un désir de l’auteur ou de format. Les séries ont souvent eu recours à une séquence d’ouverture avant l’Opening Image (ou première scène).
Aristote dans sa grande réflexion a établi qu’une structure dramatique doit avoir un début, un milieu et une fin. Le début doit spécifiquement porter sur le thème de l’histoire, ce qui mène logiquement à l’action dramatique et aux événements du milieu. Puis la fiction apporte une conclusion à l’énoncé du thème à la fin.
C’est donc une structure en 3 actes que l’on utilise encore plus de 2000 ans plus tard.
L’acte Un définit vos personnages et en particulier le personnage principal dont nous nous apprêtons à suivre le voyage (ou parcours).
Il est naturel alors que l’Opening Image porte sur le personnage principal. C’est notre premier aperçu sur son monde, ses valeurs, ses caractéristiques et tout ce que l’auteur juge important de nous communiquer.
Personnage principal et thème
Dans l’Opening Image de The Social Network de David Fincher écrit par Aaron Sorkin, Mark Zuckerberg est à un rencard avec sa petite amie. Le rendez-vous tourne au désastre lorsque Mark donne son opinion sans ambages sur tout sans aucune considération pour les sentiments d’autrui.
Il finit par dire de vilaines choses à sa petite amie qui rompt aussitôt leur relation.
Non seulement cette scène, relativement simple, est le début de l’intrigue et le point de départ qui mènera à la création de Facebook mais c’est aussi un excellent exemple de comment présenter un personnage, ses défauts, son problème et le thème du film.
Ironiquement, The Social Network est l’histoire d’un homme qui n’a aucune aptitude sociale. Le sujet est un besoin désespéré d’amitiés et de camaraderie. Et pour tenter de résoudre son problème (il se sent seul), Mark prendra la décision de créer un monde virtuel de relations sociales.
Son monde virtuel deviendra finalement une sorte de monstre qui détruira le peu de relations qu’il possède déjà.
Et tout cela est dans l’Opening Image, dans cette première scène. La coupure d’avec ses semblables, son incapacité à se créer des relations ou à les garder et son génie pour la création de software, tout est indiqué en quelques minutes.
Cette scène d’ouverture attire aussitôt notre attention. On est accroché.
Un conseil de lecture :
L’ACCROCHE
Une double Opening Image
Star Wars Episode IV (1977) présente une particularité intéressante. Il possède deux Opening Images.
La première nous introduit l’univers de Star Wars. Il s’agit d’un petit navire des rebelles qui tente de fuir un gigantesque vaisseau de l’Empire. Nous sommes instantanément dans le bain et nous comprenons confusément que nous assistons à la lutte du bien contre le mal et manifestement le mal à l’avantage. C’est le concept du pot de fer contre le pot de terre que nous saisissons dès que le vaisseau géant de l’Empire entre dans le cadre.
Cette Opening Image nous donne aussi une mesure des enjeux et nous devinons rien qu’à la taille du vaisseau impérial que les enjeux sont grands. Quelque soit votre histoire, les enjeux (même les plus insignifiants) doivent être grands. Ici, ils sont de la taille de la galaxie.
Les 23 premières minutes sont le prologue de l’histoire qui va nous être contée.
Les droïdes se crashent. Les soldats impériaux sont envoyés à leur recherche. Les droïdes sont récupérés par Luke et sa famille ce qui les met tous en danger. Et ils ne le savent même pas. C’est à ce moment que l’on rencontre Luke pour la première fois.
Cette seconde Opening Image nous introduit Luke. Son oncle Owen lui demande de vérifier les droïdes. Ils ont une courte conversation et Luke emmène les droïdes dans la salle de maintenance.
On a tout de suite l’impression que c’est un garçon qui a vécu une vie plutôt simple. il n’y a rien de spécial le concernant mais de la conversation qu’il a avec son oncle, on apprend qu’il est orphelin (ce qui crée de la compassion envers lui tout en posant la question du destin de ses parents) et qu’il n’est pas très satisfait de sa vie actuelle. Il aspire à autre chose comme n’importe quel garçon de son âge.
La façon presque désinvolte de son introduction nous dit tout. On apprécie le personnage et il ressemble beaucoup à n’importe quel gamin de son âge dans la vie réelle du moins jusqu’à ce que Obi Wan nous laisse envisager qu’il y a en Luke plus que nous ne savons encore.
Le thème
Star Wars est au sujet d’un jeune homme seul, qui vit dans le désert et qui trouve de nouveaux amis, une nouvelle famille grâce à son courage. C’est le thème et par conséquent l’histoire doit commencer à un point approprié qui correspond au thème c’est-à-dire au moment où Luke s’apprêtre à entrer dans un nouveau monde, à perdre ce qu’il lui reste de famille et à se faire de nouveaux amis.
Si l’histoire avait débuté plus tôt, il n’y aurait pas eu grand chose à raconter pendant un bon moment.
Et si elle avait commencé alors que Luke a déjà fait la connaissance de Obi Wan et de Han, il aurait été difficile de comprendre la situation de Luke et du coup de quoi parle exactement le scénario puisqu’il a déjà de nouveaux compagnons.
Le recours aux analepses (c’est-à-dire une réminiscence du passé) et une exposition alourdie auraient alors été nécessaires pour exposer le thème.
Au cours de votre travail d’écriture ou de réécriture, si vous sentez le besoin d’ajouter des analepses (on dit aussi flash-back) ou bien la voix d’un narrateur (en voice over) pour démontrer et expliquer ce qui se passe émotionnellement chez votre personnage principal, pour expliquer ses comportements, partez du principe que vous avez un problème.
Les analepses et dans une moindre mesure les narrateurs ralentissent le rythme de votre fiction sans ajouter de nouveaux éléments dramatiques. Usez de ces outils narratifs sachant ce que vous faites. Concernant le narrateur, il y a cependant des exceptions notables telles que American Beauty.
A ce sujet :
AMERICAN BEAUTY : ANALYSE DU SCRIPT
Le passé du personnage à la rescousse
Si vous avez un tel problème, il se peut que vous débutiez votre récit trop tard. Reculez dans la toile de fond qui a servi à la création de votre personnage, c’est-à-dire remonter dans son passé et faites débuter l’histoire à un moment antérieur. Vous devez trouver un moyen de communiquer les mêmes informations sans utiliser forcément une analepse (mais celles-ci s’avèrent souvent utiles, ne jetons pas inutilement l’opprobre sur cet outil dont l’importance n’est pas à démontrer).
C’est peut-être la raison du prologue de Star Wars. Si l’histoire avait commencé avec Luke sur Tatooine, comment aurions-nous eu une idée de ce qui était en jeu ?
Comment aurions-nous su qu’il s’agit d’une aventure galactique ? Luke ne met pas les pieds dans l’espace intersidéral avant la moitié de son aventure ! Comment la tension aurait-elle pu se créer si nous n’avions pas fait connaissance de Darth Vador avant Luke ? Toutes ces informations doivent avoir été communiquées avant que Luke ne commence son voyage.
Les analepses dans ce cas n’auraient pas été très convaincantes et esthétiquement laides et ennuyeuses dit Michael Hauge.
L’Opening Image permet la différence
Le Roi Lion est pour le moins shakespearien. C’est une variation de Hamlet. En effet, dans les deux histoires, le personnage principal est le prince dont le père a été assassiné par son frère, l’oncle du prince. Maintenant, l’oncle est Roi et le prince doit récupérer son trône et faire sa rédemption. Bien que les deux histoires partagent des éléments et des idées similaires, ce sont deux récits complètement différents.
Analysons les Opening Images pour chacun d’entre eux.
Dans Hamlet, l’histoire commence lorsque Hamlet voit le fantôme de son père qui lui apprend qu’il a été empoisonné par son frère, l’oncle de Hamlet, pour épouser sa mère, la Reine et s’accaparer le trône.
Hamlet fait le vœu de vengeance. C’est l’élément moteur de l’intrigue. C’est une histoire de vengeance et de ses conséquences.
Le Roi Lion est très différent. L’Opening Image est la naissance de Simba, le futur roi. Cette première scène est importante car elle met en place toute l’histoire.
Nous savons immédiatement qui est le Roi, qui est Simba, l’enjeu, l’innocence de Simba (qui sera bientôt mise au défi lorsque son père mourra), le royaume des animaux et l’idée du Cercle de Vie, un motif récurrent de l’histoire.
Tandis que dans Hamlet, le vieux Roi est mort déjà depuis quelques temps, dans Le Roi Lion, on voit l’erreur de Simba et la trahison de Scar (le frère du roi) qui conduisent à la mort du père de Simba. Le thème n’est pas la vengeance. Simba ne recherche la vengeance à aucun moment.
C’est l’histoire d’un jeune homme qui avait le pouvoir de changer le monde et qui l’a perdu. En le perdant, il a perdu aussi de vue ses responsabilités.
Simba doit récupérer et son sens des responsabilités et le trône de son royaume. Ce n’est pas le cas de Hamlet car ce n’est pas le thème de son histoire.
Une autre raison de montrer la naissance de Simba est que nous éprouvons aussitôt de la sympathie envers ce personnage. C’est un bébé. C’est un prince. Il est encore innocent.
Il est plus difficile d’éprouver de la compassion envers Hamlet. En effet, il envisage tout de même une vengeance brutale sur un des membres de sa famille en utilisant des moyens pour le moins discutables.
Cependant, Shakespeare parvient à instiller une sympathie envers Hamlet en décrivant la profondeur de son désespoir. Non seulement un meurtrier est assis sur son trône mais il a épousé aussi Gertrude, la mère de Hamlet, à laquelle Hamlet est très attaché. Sans compter sa rupture d’avec Ophélie.
Si l’on compare l’innocence de Simba mais aussi le coup terrible que fût la mort de son père en essayant de le sauver et Hamlet, on se rend compte à quel point les histoires sont différentes et l’on mesure toute l’importance des Opening Images.
Pour conclure,
L’acte Un définit les limites de l’histoire. Il installe l’univers dans lequel la fiction prendra place, les personnages principaux et le thème de l’histoire.
Afin de rendre cet acte Un aussi puissant que possible, il doit commencer à un moment très spécifique de la vie du personnage principal. Comme le dit Aristote, ce moment est le commencement absolu, c’est-à-dire qu’avant lui, il n’y avait rien. Autrement dit, toutes les informations communiquées au cours de l’acte Un devront être essentielles à l’histoire.
L’Opening Image (la première scène généralement pré-générique) doit apporter le plus possible d’informations relatives au thème.
Il doit être fourni au lecteur les éléments clefs du personnage principal et à la fois la vie telle qu’elle est avant que le personnage ne soit jeté hors de son vieux monde dans l’inconnu.
Choisissez judicieusement vos Opening Images.
Conseils de lecture :
LE PREMIER ACTE
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