Le plus important consiste probablement à établir une forte connexion entre le lecteur et le personnage. De quoi cette connexion est-elle faite ?
Elle est la révélation d’une vérité plus profonde à propos de nous-mêmes et du monde qui nous entoure.
Comment cette révélation se concrétise t-elle ?
En décrivant le point de vue (c’est-à-dire en racontant l’histoire à travers les yeux d’un personnage, de la perception qu’il a des événements).
Trois éléments dramatiques entrent alors en jeu : la conscience d’elle-même du personnage, sa transformation interne (et progressive) et aussi une maturité que le personnage acquiert parallèlement à son changement de personnalité.
Le lecteur ne fait pas seulement l’expérience des événements décrits dans une histoire. Il partage aussi l’expérience que les personnages eux-mêmes font de l’événement. C’est une empathie : nous désirons ce que le personnage désire, nous souffrons lorsqu’il souffre.
Une recherche de sens
Qu’est-ce qui nous attire autant chez un personnage ? Pourquoi leur quête de sens résonne-t-elle autant en nous ?
Parce que nous sommes nous-mêmes en recherche de sens. Nous avons besoin de comprendre qui nous sommes réellement et c’est ce besoin exact qu’un personnage doit combler au début de l’histoire.
Tout comme lui, nous avons des désirs, des besoins, des peurs et des espoirs. Nous nous interrogeons plus ou moins directement sur notre place dans le monde et sur ce que nous devons accomplir pour que tout ne soit pas un immense gâchis.
Nos personnages de fiction ont besoin de réponses et nous sommes tout comme eux. En quelque sorte, eux et nous, faisons le même voyage.
La route que nous suivons (et celle de nos personnages) dépend largement de notre individualité, de notre personnalité. Nos attitudes, nos idées, nos pensées, nos comportements sont fortement imprégnés de nos besoins, de nos croyances, de nos mœurs et de nos valeurs.
Les émotions, les sentiments, les opinions sont par définition changeants mais nos traits de personnalité sont consistants et déterminent pour une grande part nos actions.
Tout comme nous, un personnage est une combinaison d’attributs positifs et négatifs. C’est un modèle récurrent : nous avons tous des qualités et des failles dans notre personnalité.
Ce qui nous distingue et ce qui distingue nos personnages est l’assemblage particulier et unique des valeurs positives et négatives de ces attributs. Ces traits émergent lentement au fil de nos expériences bonnes ou mauvaises.
Comprendre ses personnages
Il est important avant le processus d’écriture de comprendre qui sont nos personnages et ce qui les motive. Il serait bon d’établir une biographie de qui ils sont même si la plus grande part de ces informations ne se retrouvera pas dans l’histoire.
Les failles dans leur personnalité sont un élément dramatique critique de leurs définitions car ce sont les blessures d’un personnage qui nous parlent le plus émotionnellement et ce sont les imperfections de sa personnalité qui nous permettent d’établir un lien émotionnel avec lui.
Il existe plusieurs écoles que nous dirons de pensée lorsqu’il s’agit de personnalité et de traits de caractères comme par exemple l’ennéagramme :
L’ENNEAGRAMME POUR VOTRE PERSONNAGE – PART 1
L’ENNEAGRAMME POUR VOTRE PERSONNAGE – PART 2
L’ENNEAGRAMME POUR VOTRE PERSONNAGE – PART 3
L’ENNEAGRAMME POUR VOTRE PERSONNAGE – PART 4
Chaque personnage est un ensemble ordonné en fin de compte de désirs (et de volonté) ainsi que de besoins à dimension davantage psychologique et le tout s’accordant à un code moral.
Par exemple, pour certains de ses désirs (comme de réussir l’objectif qu’il s’est fixé dans une histoire), un personnage pourrait faire preuve de détermination, de dévouement et de persévérance. Ce sont des traits de sa personnalité.
A côté de ces traits, il pourrait posséder d’autres valeurs telles que le sens de l’équité et le sens du labeur.
Toutes ces valeurs (ici positives) arrangées selon leur prégnance chez ce personnage peuvent une fois combinées expliquer certains de ses comportements en fonction des situations (sachant qu’elles seront toujours orientées vers la réussite de l’objectif).
Pour s’y retrouver un peu lors de la création des personnages, il peut être utile de penser les traits de caractère par paire : positif/négatif.
Seulement, comment juger qu’une valeur est positive ou non ? Comment définir une certaine qualité comme étant un avantage pour le personnage et non une faille de sa personnalité ?
Des traits distinctifs
Il faut d’abord retenir qu’un trait de caractère est un élément distinctif entre deux personnages. Choisir un comportement, une attitude, une posture, une action ou une réaction (jugés négativement ou positivement) implique qu’une certaine personnalité est à l’œuvre chez un personnage.
Un attribut positif permet d’implanter chez le personnage une possibilité pour une évolution personnelle (ce qui lui permet d’avoir un arc dramatique) ou bien encore de l’aider à résoudre son problème en trouvant en lui les bons moyens pour y parvenir.
Un aspect important aussi de toute écriture scénaristique est d’ordre relationnel. C’est une évidence que la personnalité influe sur les relations. Supposons qu’un personnage chérisse tout particulièrement l’honneur. Cette valeur définitivement positive l’incitera à aider de manière désintéressée autrui et renforcera ses relations (si la nature des relations que vous mettrez en place est utile à l’intrigue car tout élément dramatique doit avoir une finalité sinon en vue de l’intrigue du moins dans l’atteinte de l’objectif).
Par contraste, une faille aura tendance à minimiser les relations, à ne pas se préoccuper des autres. C’est une forme d’égocentrisme, de repli sur soi. La jalousie, par exemple, resserre le personnage sur ses propres désirs et incertitudes. Son ressentiment et son amertume nuit à la relation à l’autre et ne la construit pas.
L’origine de la faille
Un personnage est en quête de soi, cherchant du sens à son existence et accomplissant un but. Un personnage a toujours une finalité (autrement dit une fonction) dans l’histoire.
Le protagoniste par exemple est le personnage dont la fonction est de faire avancer l’intrigue en étant à la poursuite d’un objectif. C’est ainsi que l’on peut considérer qu’il est déterminé en ceci.
Dans le même mouvement, il se perfectionne quel que soit le domaine : professionnel, relations personnelles, le spirituel…
Le personnage évolue en un être meilleur.
Mais la faille dans sa personnalité l’empêche de s’accomplir pleinement. C’est un blocage psychologique qui l’empêche d’obtenir ce qu’il veut et ce dont il a besoin donc à la fois sur un plan conscient et inconscient.
Tant que le personnage ne saura pas qui il est vraiment, il lui sera très difficile de réussir. Ce qui est intéressant ainsi avec la faille, c’est qu’elle laisse au personnage une liberté de choix que sa fonction lui a retirée.
Le passé
Lorsque vous écrirez la biographie de vos personnages, il y a de fortes chances que le problème se situe dans le passé du personnage qui ne nous est pas montré dans l’histoire. Beaucoup d’éléments peuvent participer à la création d’une faiblesse (l’éducation reçue, les modèles sur lesquels votre personnage a pris appui, l’environnement, l’hérédité…).
Un événement spécifique peut avoir créer un trauma favorisé et entretenu par des idées malsaines, des modèles comportementaux inadaptés et même par un système relationnel bloquant.
Il existe donc une lésion émotive, une déficience dans la personnalité du personnage qui mine intérieurement sa capacité à atteindre son véritable potentiel.
Le trauma émotionnel est effectivement sur quoi l’auteur doit travailler. Une vieille blessure qui ne se referme pas peut avoir un impact énorme sur le comportement d’un personnage. Ce sont des forces qui agissent de l’intérieur, profondément enfouies (le personnage en a rarement conscience).
Cette expérience émotionnelle inaugurale définit le personnage lorsque nous le rencontrons pour la toute première fois. Elle le paralyse ou le diminue à un point qu’il est prêt à tout pour ne pas connaître de nouveau la même souffrance.
Cette blessure bien ancrée dans le passé biaise la perception du monde et agit comme un prisme sur ce que le personnage perçoit de lui-même et des autres. Cette expérience traumatique passée instille chez le personnage une profonde peur, un profond malaise et il se protège de cette menace irrationnelle.
Cette réponse qui consiste à durcir le personnage afin qu’il ait l’illusion d’être émotionnellement hors d’atteinte est ce qui permet aux traits négatifs de sa personnalité de se mettre au jour.
La blessure est souvent cachée.
Elle ne se manifeste qu’au-travers du comportement et peut parfois expliquer certains actes immoraux qui blessent les autres personnages sans que ceux-ci ne parviennent à justifier ces actes.
Le personnage qui souffre se ment à lui-même. Il ne peut voir sa véritable nature. Il la nie. Il peut croire qu’il mérite ce qu’il lui arrive, qu’il n’est pas digne d’affection, que l’amour et le bonheur ne sont pas pour lui. Des sentiments de culpabilité et de honte peuvent l’étreindre profondément suscitant une peur voire une frayeur irrationnelles.
C’est ce qui l’incite à changer son comportement ou à ne pas adopter le bon comportement dans certaines situations afin de ne pas éprouver de nouveau cette souffrance tant redoutée.
Considérons que le personnage principal est un homme qui s’est persuadé qu’il ne pouvait aimer (c’est le mensonge qu’il se fait à lui-même) parce qu’il y a longtemps il n’a pu empêcher la femme qu’il aimait de se faire tuer (meurtre ou accident importe peu puisque cette perte est partie prenante de la blessure).
Depuis cet événement, il a adopté certaines attitudes, certaines habitudes de vie et il a laissé parler en lui la part la plus sombre de sa personnalité. Les conséquences est qu’il repousse toutes les femmes car il pense qu’elles ne peuvent l’aimer.
L’auto-flagellation pour atteindre à la rédemption ou à l’expiation est peut-être la voie la plus facile pour gérer sa propre culpabilité mais certainement pas pour sortir de l’enfer.
Dans Thelma et Louise, lorsque Louise tue Harlan sur le parking, on ne comprend son geste que plus tard lorsque sera très rapidement évoqué qu’il y a longtemps, Louise avait été violée et n’avait pas obtenu réparation pour ce crime odieux (c’est la blessure jamais refermée).
Le mensonge qu’elle s’est faite à elle-même a été de croire qu’elle avait pu intégrer cette blessure. Son geste en appuyant sur le détente du revolver prouve que la douleur est encore bien présente et son refus de se rendre au Texas est aussi un indice sur la souffrance bien réelle qu’elle éprouve encore (son viol a eu lieu dans cet état).
Un détournement
Bien sûr, d’autres failles ne sont pas aussi brutales et violentes. Elles peuvent avoir été enfantées par l’éducation, l’environnement social, la culture mais toutes cependant devraient être tracées jusqu’à une expérience sinon traumatisante au moins fermentant un trouble potentiel.
Cette faille psychologique va compromettre la voie que le personnage aurait dû normalement emprunter pour aller au bout de ses rêves, au bout de ses projets, accomplir sa destinée si vous voulez.
C’est cette faiblesse qu’il devra surmonter au cours de l’histoire en revenant vers son passé (en osant l’affronter plus précisément et en s’immergeant dans son passé, il en émergera une prise de conscience).
Parmi les mesures protectrices que l’on emploie pour se protéger contre nous-mêmes (comme de nous mentir pour éviter la souffrance), il y a le masque social (ou personæ).
Sur ce sujet :
Carl Gustav Jung a utilisé le mot personæ pour désigner la part de la personnalité qui organise le rapport de l’individu à la société.
Dans la définition d’un personnage de fiction, une femme, par exemple, pourrait apparaître aigre et acerbe dans son rapport à l’autre non pas comme s’il s’agissait de sa véritable nature mais plutôt pour cacher qu’elle est tout autant sinon plus vulnérable que n’importe qui d’autre.
Ce masque social ou personæ permet de cacher la part d’ombre en nous (le laid en nous : préjugés ou opinions toutes faites, des pensées honteuses, des désirs critiquables…) que nous ne souhaitons pas partager par honte ou culpabilité bien que ces qualités soient intrinsèques à notre personnalité.
Nous avons peur de montrer ce que nous sommes vraiment.
Cette apparence que nous donnons de nous est encore un mensonge. Nous mentons aux autres comme nous nous mentons à nous-mêmes.
Ce que l’on cache derrière la personæ, en fin de compte, c’est notre comportement faillible et notre esprit négatif. Cette personæ différencie les individus mais aussi nos personnages de fiction et elle s’enracine dans une lointaine blessure émotionnelle ou lésion affective.
Dans la phase préparatoire de votre scénario, il sera toujours utile de consacrer du temps à l’écriture d’une biographie de vos personnages et de découvrir en eux la clef du mensonge (dénoncer leur personæ) afin de mieux cibler et comprendre leurs blessures passées et comment celles-ci les motivent à agir dans le présent narratif.
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