Tout est relations. Dans la vie comme dans une fiction. En latin, nexus signifie lien ou connexion. C’est un point nodal, un nœud, qui crée du lien. Il relie des lignes dramatiques ou bien des enjeux et, évidemment, les personnages.
L’action du nexus est nécessaire à l’intrigue. Par elle, elle se déroule et dans l’espace et dans le temps. Ainsi, l’action, l’espace et le temps sont intimement dépendants les uns des autres. Dans Les Infiltrés (2006) de Martin Scorsese, Billy est précisément ce nexus entre la police et la mafia. Nous avons deux lignes parallèles, celle de Billy et celle de Colin Sullivan. Et le personnage de Billy met en tension les logiques contradictoires de ces deux univers.
Le nexus est aussi celui par qui le scandale arrive. Et le scandale est un torrent violent, créateur et artisan de l’intrigue. Laura (Autopsie d’un meurtre (1959) d’Otto Preminger) est le nexus autour duquel toute l’intrigue se construit. Dit-elle la vérité ? On ne le saura jamais vraiment. Ce qui importe, c’est que sa parole (faite de silences et de contradictions) maintient le récit sur ses rails et insuffle de la tension. Le nexus nous retient dans le récit.
Le nexus émotionnel
Je l’apprécie celui-là. Il concerne le pathos des personnages, c’est-à-dire ce qui les meut de l’intérieur. Quand un personnage est un nexus, il lie les personnages avec des affections assez simples comme l’amitié, la loyauté ou la famille. Cependant, il sera bien plus passionnant à écrire lorsqu’il est au cœur de passions blessées et mieux encore quand celles-ci sont violentes.
Comme une présence n’a de sens que dans le regard de l’autre, la présence d’un nexus a ce pouvoir non seulement de percevoir, mais aussi d’aider à révéler chez l’autre ses émotions, qu’il ne saurait dire autrement. Par cette empathie, l’autre accueille ce nexus, sa simple présence, sa parole silencieuse lève toute résistance de l’autre et par là, l’influence. Alors, l’intrigue oblique dans une autre direction.
Parce que la présence du nexus met au jour la fragilité de l’autre. Dissimulée pour s’en protéger, l’autre s’était figé comme mort. Le nexus n’a pas d’intention particulière, c’est seulement cet état qui fait qu’il libère l’autre de ses chaînes, volontaires ou non, et l’autorise à poursuivre sa propre ligne dramatique. Ree, par exemple (Winter’s Bone (2010) de Debra Granik) possède cette force, cette détermination qui est un appel à nous dire même si nous ne pouvions pas le formuler.
Postulons qu’une présence affecte toujours l’autre. Je me promène et au détour du chemin, je rencontre un visage qui m’est agréable comme un ami de longue date, j’en éprouve aussitôt du plaisir. Je poursuis ma route et me voici face à un autre visage. Cette fois, celle-ci m’est singulièrement déplaisante. La présence soudaine de cet autre a totalement détruit ce qui m’affectait auparavant comme joie et remplacé ce sentiment par de la peine.
Le nexus est donc un instrument de relations humaines. Comprenons néanmoins que c’est l’autre qui projette ses attentes, ses manques ou ses obsessions sur le nexus. Celui-ci ne prend aucune responsabilité sur les effets que sa présence ou son action a sur l’autre. Le nexus fonctionne par aimantation. Il attire à lui l’admiration ou la répulsion, mais, dans un cas comme dans l’autre, il incite au dévoilement.
Si votre personnage est un nexus, l’autre se confiera à lui dans la joie ou la souffrance. Nous sommes en déroute face au nexus. Notez aussi que pour celui-ci, qui n’aspire pas généralement à recevoir la vérité de l’autre, cela peut devenir émotionnellement compliqué.
Dans Midnight in Paris (2011) de Woody Allen, Gil apparaît comme le nexus parce que ses interactions avec le passé sont transformatrices. Cependant, si l’on y prête une seconde pensée, on s’aperçoit que c’est Inès le nexus puisque, par elle, Gil prend la mesure de ses désillusions. Par elle, il comprend que son existence est déplacée.