Qu’est-ce qu’un héros (ou une héroïne) ? D’abord, ils le sont par rapport à nous. Ce sont nos valeurs et nos croyances qui font que nous décidons de faire d’un être un être d’exception. À cela s’ajoutent notre culture et l’époque à laquelle nous vivons. Martin Luther King s’est montré héroïque pour la défense des droits civiques ; ses discours et son action non violente ont contribué très fortement à la fin apparente de la ségrégation raciale. Et ce qui en fait un héros encore maintenant, c’est que son œuvre continue d’inspirer des mouvements pour la justice sociale. Il me semble que vous comprendrez aussi si je vous suggère Nelson Mandela.
Toutes ces héroïnes et ces héros sont des modèles d’inspiration pour la communauté tout entière. Ce qu’il faut savoir, en tant que scénariste, est que l’existence d’un héros ou d’une héroïne sont des réalités reconstruites. Cette venue au monde se fonde sur des récits et des témoignages qui ne sont souvent que des perceptions ou dit autrement, ces témoins sont très subjectifs.
Donc, la relation que nous pourrions entretenir avec un héros ou une héroïne est un problème de reconnaissance imprégnée d’admiration. Seulement voilà : cette imprégnation, pas plus que la reconnaissance, sont suturées définitivement dans le temps. Vous voyez où je veux en venir ? Excaver des récits pour les libérer des scories de l’oubli. Ne laissez pas dormir ces héros et héroïnes.
Mais pourquoi choisissons-nous ce héros ou cette héroïne en particulier ? Je vous l’avoue, ils correspondent à mes préoccupations du moment, à la béance de mes blessures ; mes valeurs aussi interviennent dans le choix de mes personnages et comme habituellement, elles sont fluctuantes, il m’arrive de dessiner en mon esprit des personnages héroïques totalement contradictoires, peut-être est-ce en rapport avec mes désirs inconscients, qui sait ?
Parfois, ce sera un piège de s’identifier un peu trop facilement avec un personnage que l’on souhaite héroïque. Il est un avatar et, dans ce cas, cela revient à porter un masque, à nous dissimuler derrière plutôt. C’est aussi un moyen d’exorciser nos craintes parce que, s’il y a des peurs, il existe l’espoir, c’est lié.
Plus souvent néanmoins, le choix d’un héros est réglé par l’intrigue elle-même et les thèmes qu’elle convoque. Par exemple, si l’un de mes thèmes est l’intolérance intellectuelle, mon héros (ou mon héroïne) pourrait être un religieux, un philosophe, un scientifique, un militant : quelqu’un qui croit avec sincérité. Mais cette foi (idéologique ou spirituelle) devient l’outil de son aveuglement.
Il ou elle accuse ceux qui doutent de trahir la cause… jusqu’à ce qu’un événement (ou une personne) l’oblige à voir ce qu’il ou elle a refusé de voir. Le drame n’est pas qu’il ou elle ait tort, mais qu’il ou elle a utilisé sa croyance pour juger. Croyez-moi, on peut commettre une injustice en refusant d’écouter une pensée dissidente pourtant fondée.
Dans le choix d’un héros, il y a aussi son arc dramatique à prendre en compte. C’est un personnage voué au sacrifice par nature. Qu’il soit de rédemption ou d’effondrement, il y a un potentiel de transformation chez un personnage héroïque. Il doit changer d’une manière ou d’une autre. Votre héros ne saurait être figé.
En somme, le concept héroïque est une question de perception et d’interprétation.
