LE CADRE IMMÉDIAT

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Le cadre immédiat d’une scène concerne les détails dans lesquels les personnages et l’action évoluent. Ces éléments peuvent être matériels (des immeubles, des accessoires, des lumières…) mais aussi moins concrets pour participer de l’ambiance de la scène, des émotions et des relations entre les personnages.

Illustrons par un exemple : Eternal Sunshine of the Spotless Mind (2004) de Michel Gondry et plus précisément de la rencontre entre Jo et Clementine. Cette scène prend place dans un train, un cadre forcément limité, mais dont les limites explosent par le mouvement même du train dont on peut s’autoriser, si on veut, à penser que ce mouvement est une métaphore du temps qui entraînera ces deux êtres inexorablement dans un destin et non une destinée.
En effet, alors que la destinée se crée au fil de nos choix et de nos décisions, Joel et Clementine ne sauraient échapper à un trajet déjà déterminé qu’ils ne peuvent retenir.

La nécessité du huis clos de la scène vient du partage que ces deux êtres dissemblables font d’un même espace. Ce qu’on comprendra par la suite, c’est que cette rencontre est une reconstruction de leur amour qu’ils ont volontairement effacé. Je ne saurais dire si cela est vrai, mais j’aimerais néanmoins croire que le destin, s’il se présente comme l’éternel retour de l’amour, nous prédétermine, comme poussés par une force extérieure, vers l’être que nous sommes destinés à aimer.
Certes, je pose des mots sur une impression. Esthétique, qui plus est. Chacun appose ses propres mots sur une impression qu’il tire de l’intention, peut-être, qu’une autrice ou un auteur ont mis en images et en scène afin d’y construire un cadre. Et cette intention ne se formule pas en mots humains.

Transcendance

Ce que je cherche à démontrer est qu’une scène dépasse son cadre immédiat pour entrer en résonance avec le lecteur/spectateur auquel elle s’adresse. Ce qui s’y déroule dans le moment actuel et quelle que soit sa fonction dans l’intrigue ou dans l’évolution des personnages, ce qu’elle contient fera écho avec nous, en tant que lecteur/spectateur, parce qu’au-delà d’elle-même, elle interroge la condition humaine. Par exemple, s’il nous arrive de prendre conscience que nous vieillissons, c’est-à-dire selon moi, ce n’est pas tant notre corps qui se corrompt, mais le ressac incessant du passé et l’absence, jamais autant présente quand disparaisse ceux que nous aimions.
Comment transcrire cela en une mise en scène (comme une mise en mots) : un regard dans un miroir et le voilà transcendé.

Une dernière note : je distingue le contexte dramatique de celui existentiel. Le contexte dramatique annonce la situation actuelle : un duel par exemple. C’est le cadre immédiat et les objectifs de chacun des personnages impliqués dans la scène. En somme, c’est ce qui se montre. Le contexte existentiel, en revanche, est une interrogation : ce duel est-il une fatalité ? Est-ce une question de dignité ou est-il simplement absurde ?
Donc, interrogeons-nous sur le sens que nous cherchons à donner à la scène (et accessoirement à transmettre). Que dit notre scène sur la nature humaine ? Sur le temps ? Sur notre vérité ? Certes, nous ne pouvons soumettre toutes nos scènes à ce régime. Assurons-nous néanmoins qu’elles ne pourraient pas s’y conforter.

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