L’espace est indispensable dans l’écriture. On peut le voir sous deux aspects : soit nous le considérons comme un élément scénique avec une signification, c’est-à-dire une intention de l’autrice ou de l’auteur, soit on ne recherche que l’effet qu’il peut avoir sur le lecteur/spectateur à un moment du récit. Il peut aider aussi à décrire un état psychologique dans lequel se découvrent à un moment quelconque les personnages. To the Moon (2024) de Greg Berlanti a pour fond la course à l’espace des années 60. Il nous raconte une partie de la vie de Kelly Jones lorsqu’elle fut engagée par la NASA pour améliorer l’image de cette institution. L’espace comme espace y est utilisé de manière symbolique pour parler d’ambitions humaines, de défis et de la société.
Spaceman (2024) de Johan Renck possède quelques défauts qui ruinent un peu notre plaisir, mais il me sera utile pour démontrer que l’environnement spatial dans lequel se meut Jakub et cet étrange nuage cosmique qu’il suit servent comme moyen pour nous communiquer l’état psychologique dans lequel il se trouve alors que confronté à ses souvenirs, à ses remords, son errance aussi.
Et quand on écrit une scène, l’espace singulier devient la matière de la scène et la matière a des dimensions : elle a des limites, des contraintes, une profondeur. Une scène peut avoir besoin d’un espace moins concret : un espace dramatique qui évoque un contexte, une situation. Ce n’est pas une analepse (qui est une scène en elle-même qui parle du passé), ce que je veux dire, c’est que l’espace dramatique est celui invoqué par les personnages et pourquoi pas ? Par un élément du décor dans la scène actuelle, un détail qui se charge alors d’une signification unique.
Laurin (1989) de Robert Sigl nous propose l’espace scénique d’une forêt avec des arbres imposants, une brume épaisse et une étrange lumière ; c’est un espace sensible. Plus immatériel cependant est l’espace dramatique. Cet environnement reflète l’état psychologique de l’héroïne : sa confusion, ses peurs et laisse presque transparaître les mystères et les dangers qui menacent la petite communauté.
L’espace peut donc être symbolique : ne le craignons pas. Il peut être aussi un état psychologique comme les décors de Samuel Beckett censés décrire une intériorité. Dans un scénario, cependant, l’action est plus pratique comme révélateur des tensions internes qui animent de l’intérieur un personnage. Ainsi, entre 2016 et 2019, la série Fleabag de Phoebe Waller-Bridge met en scène une jeune femme en pleine crise, à la fois existentielle et émotionnelle. Comment Waller-Bridge parvient à nous faire entrer dans son univers intime ? Comme au théâtre, elle brise le quatrième mur en s’adressant directement à nous. Ou bien, dit autrement, soyons téméraire dans notre approche du lecteur/spectateur, car, en fin de compte, il est notre seul et véritable interlocuteur.
Une définition utile pour le scénariste
L’espace diégétique est la série des lieux qui interviennent dans le récit. Ils peuvent être concrets ou bien simplement suggérés par les personnages ; ils n’en constituent pas moins un espace singulier du récit, même s’ils ne sont que de paroles.
