John Austin dans How to Do Things with Words en 1962 démontre que certaines phrases ne se contentent pas de décrire le monde comme lorsque je constate qu’il pleut et que je dis : Il pleut ! Austin distingue deux types d’énoncés : les énoncés constatifs qui décrivent un état de fait alors que ces états pourraient être vrais comme faux : Cette poterie est en argile. Mais rien ne me prouve qu’elle soit réellement en argile. Et puis il y a les énoncés performatifs, ceux qui réalisent une action dans les conditions adéquates. Un maire dit : Je vous déclare mari et femme et le mariage est alors valide.
Ces types d’énoncés fonctionnent sur trois niveaux : ils sont d’abord un acte locutoire, c’est-à-dire qu’ils sont compréhensibles, on comprend ce que le locuteur déclare. À cela s’ajoute l’acte illocutoire qui recèle l’intention du locuteur (il peut promettre, ordonner, nommer…). Et pour finir, nous découvrons l’acte perlocutoire qui consiste en l’effet produit sur l’interlocuteur, car il peut s’agir dans cet acte de le convaincre, de l’effrayer, de l’émouvoir…
C’est alors que John Searle dans Les Actes de langage en 1969 décide d’approfondir les actes illocutoires et cela devient très intéressant pour nous, autrices et auteurs de scénarios. Afin de déterminer ce qui rend si efficace l’acte illocutoire, il l’analyse en cinq catégories : les actes assertifs qui décrivent ou affirment quelque chose sur le monde. Quand Harry Callahan affirme You’ve got to ask yourself one question: ‘Do I feel lucky?’ Well, do ya, punk? (Il faut se poser une question : Est-ce que je tente ma chance ? Alors, tu la tentes ou pas ?), il impose une situation à son interlocuteur. L’autre doit évaluer s’il prend ou non le risque face à l’assertion que lui fait Callahan, une assertion déguisée qui oblige l’autre à prendre position.
Nous pourrions aussi avoir affaire à des actes directifs qui cherchent à influencer l’action de l’autre. C’est précisément ce que Darth Vador dit à Luke : Join me, and together we can rule the galaxy as father and son! (Rejoins-moi, et ensemble, nous pourrons régner sur la galaxie en père et fils !). Manifestement, ce n’est pas un souhait, mais un ordre. L’acte illocutoire est bien plus qu’une invitation : il est de convaincre Luke de changer de camp, ni plus ni moins.
Le locuteur pourrait être aussi promissif et s’engager à une action future. Mais les promesses ne se valent pas toutes. Par exemple, Je vais lui faire une offre qu’il ne pourra pas refuser. On promet par là, néanmoins de manière implicite, que l’offre sera si convaincante qu’elle ne saurait être rejetée. L’acte expressif est, me semble-t-il, le plus fascinant : il traduit un état intérieur. Certes, quelques-uns considèrent que la psychologie n’a pas trop le droit de cité en fiction, néanmoins l’étude des caractères apportent des idées neuves à une scène.
C’est drôle, Amélie. On passe la moitié de sa vie à attendre ceux qu’on aime et l’autre moitié à quitter ceux qu’on aime. Cette réplique du Fabuleux Destin d’Amélie Poulain (2001) de Jean-Pierre Jeunet capture parfaitement un état intérieur de mélancolie et de réflexion sur la nature des relations humaines. Je ne joue pas. Le piano, c’est tout ce que j’ai. C’est ma vie (Le Pianiste (2002) de Roman Polanski) décrit comment la musique est un refuge dans un monde qui s’effondre.
C’est ainsi que ce soit dans notre vie au quotidien ou bien dans les scénarios que l’on écrit, le discours ne se contente pas de communiquer : il agit sur les autres et sur le monde. La parole agit et fait agir.