Dans une scène, c’est certain qu’il y a une dynamique. Les personnages qui s’y trouvent ne sont pas figés dans une attitude ; ils connaissent un glissement d’un état psychologique (c’est-à-dire leurs pensées, leurs sentiments, leurs sensations même) vers un autre état, influencés qu’ils sont par l’action qui advient. Ou bien, dit autrement, les forces en présence dans une scène se transforment par ce qu’il se passe en temps réel dans la scène.
Et qu’est-ce qui fait basculer la situation actuelle : l’action.
Un espace instable
Un sujet, à savoir un personnage ou une entité quelconque (tant qu’elle peut dire d’une manière ou d’une autre, Je, n’importe quelle entité peut être un sujet), n’est jamais pétrifié. Ne serait-ce que par rapport à ce qui a initié la scène et qui en a pris en quelque sorte le commandement, un sujet qui participe à cette scène peut vouloir en prendre l’initiative et ainsi sa position dans la scène change. Illustrons mon propos qui pourrait paraître abscons avec un moment de Parasite (2019) de Bong Joon-ho. Les Kim qui ont investi la maison des Parks pensent contrôler la situation. Ils sont donc le sujet de cette séquence. Seulement voilà : nous avons un premier point de bascule lorsque la gouvernante renvoyée revient et révèle qu’elle cache son mari dans le sous-sol. À ce moment, les Kim perdent le contrôle et la gouvernante devient le sujet de la séquence. Les Kim, pris au piège par ce retournement de situation, passent alors de sujet à opposant.
Il se produit ensuite une seconde bascule lorsque Mme Kim (la mère de famille, position hiérarchique) reprend l’initiative par le moyen de l’intimidation. Mme Kim essaie de redevenir celle qui dicte les règles.
Dans cette séquence, chaque personnage veut être celui qui dit, Je décide.
Dans le modèle actanciel, nous avons un sujet et nous avons aussi un objet, c’est-à-dire ce que veut le sujet. De même, pourquoi vouloir que l’objet ne change pas de nature ? Il pourrait être aussi un McGuffin (à savoir qu’il est sans importance, il permet l’intrigue, mais n’y a aucun rôle).
Ce qui est important dans une scène ou une séquence, et pour le dire clairement, c’est la prise d’initiative. Quand un personnage se présente comme adjuvant (dans le vocabulaire actanciel, c’est quelque chose ou quelqu’un qui aide le sujet) ou bien comme opposant ; s’il commence à prendre des initiatives, il change de rôle. Mme Kim de sujet devient opposant lors du retour de la gouvernante et quand elle tente de reprendre le dessus sur celle-ci, elle redevient le sujet.
Alors l’action ? Précisément, lorsque l’équilibre des forces à un moment de la scène ou de la séquence est rompu ou même perturbé, c’est une transition vers une nouvelle situation. Schématiquement, une prise d’initiative est égale à une action qui provoque une nouvelle situation parce que les fonctions des personnages à un moment donné de la scène ou de la séquence changent.