COMPLEXES RELATIONS

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Nous avons deux personnages qui partagent une vision utopique du monde. Dans leur relation, ils ont cette vision commune, ce qui explique pourquoi ils se comprennent, qu’ils s’aiment et aussi qu’ils se détestent cordialement. Ici, la similitude de leurs vues est ce qui justifie qu’il existe une relation entre eux. Bien sûr, la relation n’interdit nullement que chacun des personnages concernés a un comportement bien à lui. Les désirs, les peurs, des traits de personnalité qui sont partagés dans la relation est ce qui permet, entre eux et surtout aussi pour nous, le lecteur-spectateur, d’identifier la nature de leur relation.

Lorsque deux êtres entrent en relation, il intervient souvent à la source de leur relation la reconnaissance mutuelle d’un aspect que chacun possède, par exemple, tous deux ont connu une déficience affective durant leur enfance. Même s’ils ne se verbalisent pas entre eux cet aspect de leurs vies respectives, ce trait les rapproche.

relationsSur le plan dramatique, la relation fonctionne parfois malgré des différences flagrantes : on se demande pourquoi ces deux-là ne rompent pas une relation qu’ils semblent, l’un comme l’autre, vivre dans la souffrance. Parce qu’il existe entre eux une similarité qu’ils ont sciemment décidée d’ignorer. En fait, ils sont beaucoup plus proches qu’ils ne le laissent entrevoir et cette relation servira l’intrigue. La relation entre Harry et Stan dans Conversation secrète (1974) de Francis Ford Coppola apparaît comme toxique : on se demande vraiment pourquoi Stan continue de travailler avec Harry au vu de la manière dont celui-ci le considère. Malgré des attitudes très différentes (et qui peuvent dans d’autres œuvres être conflictuelles), Harry et Stan sont tous deux dévorés de l’intérieur par un vide affectif. Cette béance, bien qu’ils ne la formulent pas, justifie leur relation (nécessaire à l’intrigue).

MishimaDans Mishima (1985) de Paul Schrader, Mishima et Morita sont tous deux mus par un même besoin de transcendance dans un Japon qu’ils perçoivent dégénérés et dépourvus de valeurs. Et pourtant, l’action politique que tous deux professent ne saurait être plus aux antipodes chez l’un et l’autre.
MatewanLa relation qui unit Joe Kenehan, un intellectuel, et Few Clothes Johnson, un mineur afro-américain dans Matewan (1987) de John Sayles est improbable. Et néanmoins, une solidarité les unit dans un même combat.

Quand un traumatisme s’en mêle

Une relation sera biaisée lorsqu’un personnage projette sur l’autre des sentiments et des attentes qui concernent une autre personne. Celle-ci est habituellement issue du passé et liée à un traumatisme. Par exemple, un personnage dont le père et la mère ne lui ont pas donné d’amour, ce personnage projette alors sur l’autre, qui est là, ce besoin d’amour que cet autre ne peut lui offrir, car il ne le connaît pas.

On parle de schémas transférentiels, souvent inconscients et qui teintent la relation d’une intensité dramatique très intéressante à travailler. Penchons-nous sur la relation entre Marie et Samir dans Le Passé (2013) de Asghar Farhadi. Avec Ahmad, l’ex de Marie, celle-ci n’a jamais vraiment pu être comblée sur son besoin d’amour. Et elle a espéré trouver chez Samir cette sécurité dont le manque la fait terriblement souffrir.
Quant à Samir, il n’a pas encore fait le deuil de son ancienne vie. Il n’est pas prêt à vivre pleinement avec Marie. Tous deux projettent sur l’autre des attentes et des espoirs que ni l’un ni l’autre ne peut offrir parce que ces sentiments leur sont personnels et appartiennent à leurs passés. Ce ne sont pas des souvenirs de leur relation actuelle.

On jouera aussi avec un autre type de relation : lorsque l’autre devient un nous-mêmes, mais idéalisé. Ce n’est pas de l’orgueil, bien évidemment. On est simplement attiré par l’image que l’autre nous renvoie et cette image, c’est nous qui la projetons sur lui. Ce n’est pas une personnalité différente qui nous retient chez l’autre, mais parce que nous croyons y percevoir une image qui n’est autre que la nôtre.
The Eternal DaughterOn sent déjà poindre le moment de la désillusion. Julie et sa mère dans The Eternal Daughter (2022) de Joanna Hogg s’isolent dans un mystérieux hôtel tandis que Julie, en plein doute existentiel, cherche désespérément à se valoriser elle-même à travers le regard de sa mère. Ce que Julie ne réalise pas, c’est que dans ce regard, elle croit voir la fille attentionnée en phase avec les souvenirs et les besoins de Rosalind, sa mère.
Assurément, la désillusion s’installe progressivement. Ce que ressent Rosalind est à mille lieues de l’idéal de Julie qui ne trouvera pas les réponses qu’elle attendait. Une autre relation semblable est celle entre Eva et Kevin dans We Need to Talk About Kevin (2011) de Lynne Ramsay. Entre analepses et présent, nous apprenons à connaître la terrible relation entre une mère qui tente de se faire aimer de son enfant et que celui-ci rejette constamment.

Alors Eva projette sur Kevin une version de ce qu’elle a toujours voulu être en tant que mère. Mais Kevin n’y répond pas ; il ne le peut pas et l’idéal d’Eva se heurtera à une réalité dévastatrice.

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