L’authenticité dans votre écriture est ce qui en constitue la fraîcheur, l’individualité et la personnalité. Imiter autrui parce que leur écriture fut un succès, c’est vous donner le faux espoir que vous connaîtrez un même succès.
De nombreuses séries ont connu une première saison… mais ne furent jamais reconduites sur d’autres saisons. Pourquoi cette forme d’échec à perdurer alors que l’autrice et l’auteur ont encore des choses à dire ? Parce que lorsque le pilote d’une série a été présenté à des décideurs, ils y ont vu quelque chose de nouveau. Seulement, des promesses n’ont pas été tenues.
Une sincérité
En tant que lecteur/spectateur, pour que votre écriture m’accroche, il faut que je sente intuitivement qu’elle vous touche personnellement. Ce seront des personnages ou des situations, c’est-à-dire des dilemmes et des expériences vécues que je comprends non pas forcément parce que je les ai éprouvées moi-même, mais parce que je reconnais en ces personnages et ces situations des êtres et de la vie et que le contexte soit extraordinaire ou le reflet du quotidien ne change rien à l’alchimie qui m’agrège à votre récit.
Parce que si vous hésitez à écrire des choses banales ou intimes, pensant à tort que cela n’intéressera pas, peut-être manquerez-vous que votre discours est en fait assez universel pour toucher au cœur un grand nombre de lectrices et de lecteurs.
Dans notre écriture, cherchons l’émotion. Certes, les émotions sont universelles et peuvent provoquer un sentiment de déjà vu. Pour contourner cet écueil, demandons-nous ce qui nous passionne vraiment, les idées que nous aimerions développer parce qu’elles nous fascinent : un questionnement moral, une expérience personnelle sont nos passions que nous mettons au jour pour qu’elles fassent écho avec le lecteur/spectateur qui ressentira notre engagement et notre conviction dans la moindre des scènes.
Depuis au moins 3 000 ans de fictions, tout a déjà été raconté. Alors, quel que soit le genre dans lequel s’inscrit votre récit, demandez-vous quelle perspective personnelle apporter à ce genre, quelle est votre propre vision sur les thèmes convoqués dans votre récit. Deadwood (2004-2006) de David Milch se situe au moment de la Ruée vers l’or. Ce qui distingue cette ruée de toutes les autres est la manière de David Milch de démontrer comment une société se construit sur le chaos et la brutalité : nous rencontrons des personnages corrompus, égoïstes, pour ainsi dire, trop humains.
Milch a refusé le romantisme habituel du genre western pour le réalisme. En somme, comme Milch, prenons un risque, exposons une partie de nous-mêmes et invitons notre lectrice et notre lecteur à voir le monde sous un autre angle.
Des personnages
Les personnages de Deadwood ne sont ni stéréotypés, ni archétypaux. Ou plutôt, ils sont archétypaux parce que leur fonction dans le récit nous les désigne comme tels. Cependant, chacun d’entre eux se noient sous des problèmes et des désirs très personnels. C’est notre condition humaine qui est mise en question dans ce récit. Le shérif Bullock, par exemple, est déterminé à mettre de l’ordre. J’ose l’image de la colère de Dieu qui frappe les pécheurs et Bullock use d’une violence qu’il peine à maîtriser pour appliquer ses principes. Et la tentation de se laisser emporter par cet aspect obscur de lui-même est bien ce qui nous fascine et nous retient chez lui.
Nous savons donc ce que nous devons faire pour élaborer un personnage : lui donner un objectif clair et concret au vu et su de tout un chacun (c’est-à-dire les autres et nous) qu’on comprend immédiatement et le doter de conflits personnels qui gênent, voire contredisent, son objectif et que nous, le lecteur/spectateur, découvrirons au fil de l’intrigue.
Tout comme David Milch, ne cherchons pas à simplifier nos personnages dans des catégories morales : c’est ennuyeux. Tout comme dans la vie réelle, nous avons en nous autant de positifs que de négatifs ou même parfois l’un de ces deux aspects prévaut sur l’autre : ce n’en est que plus enrichissant.
Pensez aux relations aussi. Bullock est en conflit ouvert avec Swearengen ; pourtant, ils trouveront des compromis non pas dans un but de réconciliation, ce qui aurait pour effet de mettre un terme au développement de la relation, mais parce que Bullock a besoin de Swearengen pour réaliser son objectif. Ainsi s’ouvrent de nouveaux horizons dramatiques.
Pour que l’alchimie prenne cependant, le pilote posera les bases d’un univers suffisamment vaste laissant entrevoir déjà des intrigues futures.