La perspective narrative, c’est-à-dire d’où nous est conté le récit, sera considérée parce qu’elle renvoie le regard par lequel nous voyons, nous savons et nous ressentons le récit. Il nous faut donc choisir un narrateur. Pourquoi ? Parce qu’il rend le texte intelligible. Il insiste sur des éléments plus que sur d’autres (ce qui est mis en avant, ce qui est laissé sous silence) ; il crée ainsi une hiérarchie des informations qui nous parviennent concernant l’intrigue, une émotion particulière, une motivation.
Le point de vue facilite notre compréhension des relations entre les personnages : tantôt, nous les observons de l’extérieur, tantôt nous les vivons de l’intérieur.
Distance & intimité
C’est le problème de la perception. Avons-nous besoin que le lecteur/spectateur soit proche d’un personnage ou d’un événement ? Dans une scène, jusqu’où souhaitons-nous qu’il s’implique avec son cœur en elle plutôt qu’avec sa raison ? Dans Slumdog Millionnaire (2008) de Danny Boyle, nous accompagnons les émotions et les pensées de Jamal sous couvert d’analepses. Ainsi, il nous est révélé ses expériences traumatisantes, son espoir de retrouver Latika, son amour perdu, et ses peurs quant à la violence et à l’incertitude de son milieu de vie.
Par l’intimité de ce point de vue, nous partageons les défis et les aspirations de Jamal.
Pour lutter contre ce mal social qu’est l’indifférence qui érode le lien social le laissant sans réaction collective face aux injustices et aux souffrances individuelles, l’autrice et l’auteur d’un personnage de fiction tenteront de solliciter une empathie envers lui. Dans la vraie vie, ce n’est pas tant qu’un individu refuse de se livrer corps et âme à autrui. Face à cet interlocuteur, il y a d’abord nous. Notre vécu est un arbitre avec ses propres règles, préjugés et idées préconçues…, qui nous décrit l’autre tel qu’il nous apparaît, non tel qu’il est.
Alors nous avons un accès direct aux sentiments et aux perceptions du personnage. En revanche, nous avons besoin aussi de comprendre ce qu’il se passe d’en haut. Ce sera la ligne dramatique globale, celle d’un observateur des événements. Dans Moonlight (2016) de Barry Jenkins, nous sommes auprès de Chiron pour expliquer les détails de son enfance et de son adolescence, mais Jenkins réserve aussi des moments externes à Chiron pour décrire le contexte et les influences. Ainsi, nous avons des informations générales que le personnage principal pourrait ignorer comme dans l’ironie dramatique, toujours utile pour créer de la tension.
Donc, choisissons notre point de vue (objectif ou subjectif) en fonction de l’effet que nous cherchons à produire sur notre lecteur/spectateur.
Assurons-nous qu’entre le point de vue global qui conte les événements et le point de vue intime d’un personnage qui perçoit ces mêmes événements à travers un regard singulier qu’il y ait un rapport. Moonlight par exemple lie le contexte et les influences à Chiron, c’est-à-dire qu’une influence aura une visée qui sera interprétée autrement par le personnage principal si cela est exigé par l’intrigue. En un mot, vérifiez que vos points de vue soient logiques.
A propos de perceptions
Un point de vue décide non seulement de ce qui est montré mais aussi comment cela sera ressenti par la lectrice ou le lecteur. En montrant ou en dissimulant, le point de vue influence les émotions, les jugements et les conclusions que le lecteur/spectateur tire de la scène ou de la séquence.