Les intrigues secondaires enrichissent. Que sont-elles exactement ? Ce sont des récits dans le récit. Elles sont liées aux thèmes et aux développements des personnages. En un mot, aux relations qui existent entre eux. Dans Le Seigneur des Anneaux : la communauté de l’Anneau (2001), la relation entre Aragorn et Arwen ne concerne point la quête de l’Anneau. Néanmoins, elle précise le dilemme de Aragorn et le choix que doit faire Arwen ; cette relation humanise les personnages, ils ne sont plus pour nous d’étranges êtres d’un monde qui nous est totalement étranger.
La relation entre Lucilla et Maximus dans Gladiator (2000) n’est pas seulement celle d’une sœur qui cherche un bras armé contre son frère. Lucilla est l’ancien amour de Maximus et en eux, il existe encore des sédiments de cet amour passé. Cette relation renforce le thème de la liberté que Marc-Aurèle voulait pour Rome.
Humaniser les personnages
Le personnage principal, par exemple, s’est fixé une mission, un objectif au vu et au su de chacun (personnages et lecteur/spectateur). Cette vue objective des actions qu’il entreprend ne permet pas de connaître sa réalité quotidienne dans laquelle ses fragilités résident. Or, par celles-ci, puisque nous sommes humains, nous nous rapprochons intérieurement du personnage ; nous éprouvons de la compassion.
Alors l’autrice et l’auteur imaginent des intrigues secondaires pour que nous ayons accès à cette vie intérieure du personnage, c’est-à-dire d’humain à humain : on oublie la dimension fictive du personnage. C’est ainsi que dans Le Mépris (1963) de Jean-Luc Godard, la relation conflictuelle entre Paul et Camille expose leurs insécurités : Paul a des doutes sur lui-même et Camille, blessée par son comportement, se referme sur elle-même. Elle renvoie à des expériences universelles sur l’amour et la désillusion que nous avons à portée d’esprit. Cette intrigue secondaire se mêle à l’intrigue principale qui décrit la production d’une adaptation de L’Odyssée de Homère.
Les thèmes
Les thèmes sont des choses abstraites. Pour les expliquer, on a recours au contraste comme en rhétorique. Pour compenser l’abstraction du thème de l’intrigue principale, l’intrigue secondaire décrit quelque chose de concret. Docteur Folamour (1963) de Stanley Kubrick a pour thème le risque nucléaire.
En contraste, les discussions de Turgidson sur sa relation personnelle avec sa secrétaire montrent que la banalité d’un geste entre dans des décisions qui impliquent le sort de l’humanité toute entière. Dans Chinatown (1974) de Roman Polanski, le thème de l’intrigue principale parle de corruption. Une des intrigues secondaires est la relation entre Jack et Evelyn. En s’impliquant dans la souffrance de Evelyn, cette intrigue secondaire expose le prix personnel que ces personnages devront payer par contraste avec la corruption contre laquelle ils luttent dans l’intrigue principale.
Les interactions, les conflits et les décisions des intrigues secondaires ne bloquent pas l’élan de l’intrigue principale. Elles sont certes des coupures mais c’est pour mieux nous renvoyer dans l’action lorsque celle-ci devient quelque peu obscure.
Une intrigue a un début, un milieu et une fin. Elle possède des tensions. Alors quelle qu’elle soit, en alternant les différentes tensions, nous maintenons un rythme. Nous avons donc une relation entre deux personnages sur laquelle agit concrètement les conséquences d’événements généraux qui nous paraissent souvent très lointains. Cette relation nous rapproche des personnages que nous comprenons et envers lesquelles nous éprouvons une empathie qui est impossible envers un événement distant : comment pourrions-nous comprendre le changement climatique s’il ne nous est pas montré concrètement dans le quotidien ?
Les enjeux personnels de l’intrigue secondaire et les enjeux globaux de l’intrigue principale se répondent l’un l’autre et font sens. Jerry dans Jerry Maguire (1996) cherche à se redéfinir professionnellement et dans le même coup se découvrir. Cela est ce que nous voyons de l’extérieur en simple observateur. Parallèlement, il y a la relation entre Jerry et Dorothy. C’est un contraste entre un univers hyper compétitif et par là-même inhumain et les aspects vulnérables d’un être humain.
Cette relation intime renvoie les valeurs que Jerry cherche à défendre professionnellement.