Pourquoi distinguer entre conflit externe (un ennemi ne vous veut pas que du bien) et le conflit interne tel qu’il se présente dans un dilemme entre deux maux par exemple.
Si vous voulez vous soulager, considérez plutôt qu’il n’existe dans une fiction que des conflits intérieurs, c’est-à-dire personnels.
En fait, ce n’est pas la situation qui crée un conflit, c’est la réaction des personnages dans ces circonstances singulières. Le mot est lâché : circonstance. Une circonstance n’est pas une situation conflictuelle en soi. Vous venez de recevoir un héritage ; le partage n’est pas équitable ; est-ce un conflit ? Nullement. C’est un événement.
Par contre, les individus concernés manifesteront leur désapprobation. Maintenant, il y a un conflit. Et comme dans une situation quelconque, les réactions seront différentes, la diversité des conflits sera assurée. Cela complique un peu la tâche de l’autrice et de l’auteur mais c’est mieux pour l’intrigue. Little Miss Sunshine (2006) de Valérie Faris et Jonathan Dayton propose une situation particulièrement neutre : toute la famille accompagne Olive à son concours de beauté.
Face à cette situation, chaque personnage a une perspective différente. Olive est enthousiasmée et aveugle sur les réalités de ce concours. Le père y voit une opportunité de réussite dans son activité professionnelle qui accumule les échecs. L’oncle, quant à lui, est entraîné malgré lui dans cette aventure alors qu’il ne cherche qu’à s’éloigner des obligations familiales et pour le grand-père toujours autant rebelle vis-à-vis des normes, ce sera la dernière aventure.
Et toute l’intrigue se construit autour de ces points de vue en conflits personnels et interpersonnels. Et puis la perception est aussi de la partie car ce qui est conflit pour l’un ne l’est pas forcément pour l’autre.
Nature des réactions
Les désirs, nos anxiétés et nos propres terreurs, nos valeurs aussi décident de ce que nous jugeons comme conflictuel. Donc un conflit ne prend sens que lorsque les personnages y réagissent émotionnellement.
States of Grace (2013) de Destin Daniel Cretton décrit une situation pour tous les personnages : la vie en foyer. Alors chaque personnage autant les adolescents que Grace possède ses propres conflits. Et chacun d’entre eux réagit différemment aux circonstances singulières que la situation provoque.
Cretton s’est fortement inspiré de sa propre expérience en foyer. Néanmoins, l’authenticité peut être atteinte sans cette expérience. Cela exige une recherche documentaire sur son sujet : lectures ou témoignages… S’immerger dans le milieu qu’on souhaite décrire et écrire apporte aussi l’expérience qui manque à l’autrice et à l’auteur s’ils n’ont pas vécu eux-mêmes les circonstances dans lesquelles ils jettent leurs personnages.
Certes, l’empathie et l’imagination s’uniront pour dépeindre des émotions que l’on n’a pas vécues personnellement. Mais les émotions ont cette caractéristique essentielle : elles sont universelles.
Cretton utilise le mécanisme de la mise en abîme pour montrer le parallèle entre les combats personnels de Grace et ceux des adolescents dont elle s’occupe. Cet effet de miroir amplifie ce qu’il se passe à l’intérieur des adolescents qui nous serait difficilement accessible autrement. Cette structure narrative soutient le thème thérapeutique de l’apaisement chez ces jeunes en difficulté.
The Spectacular Now (2013) de James Ponsoldt nous démontre comment deux adolescents réagissent différemment à leurs situations familiales et à cet amour qui commence à naître entre eux. La vie, l’amour, l’avenir sont des préoccupations quotidiennes surtout chez les jeunes. Et nos deux adolescents du The Spectacular Now ont des points de vue très divergents sur ces questions.
C’est ainsi que se construit les arcs dramatiques de ces deux personnages mais aussi celui de leur relation. C’est bien de trois mouvements dont il s’agit : l’évolution des deux personnages concernés dans une relation mais aussi le développement de cette relation indépendamment des deux personnages qui la constituent.