ECRIRE L’HORREUR – 2

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Nos angoisses sont le pain béni du cinéma d’horreur. Nous sommes certes en société mais nos instincts primitifs de survie n’ont pas disparu. L’horreur convoque des créatures étranges dont on sent davantage la présence que leurs manifestations. Les environnements sont obscurs ou brumeux semblant receler en leur sein des entités dont nous ignorons tout et c’est précisément cette peur de l’inconnu qui nous terrorisent.

Et lorsque des phénomènes que nous ne pouvons expliquer, qui nous semblent surnaturels, se manifestent, nous sommes paralysés. Dans The Blair Witch project, la menace n’est jamais montrée et dans Alien, elle est toujours partiellement dévoilée.

Un autre instinct s’accommode fort bien de l’horreur, c’est celui de la conservation et partant d’une angoisse existentielle. L’angoisse existentielle est un malaise qu’on ressent quand soudain certaines vérités sur notre condition humaine s’éclairent. Qui ne connaît pas une incertitude quand il pense à sa propre existence, quand il ressent que ses actions sont vaines et que tout est vide de sens ?

Et les choix que nous sommes amenés à faire ne provoquent-ils pas en nous des moments d’anxiété ?

Alors l’horreur s’imbibe dans sa trame et ses chaînes d’une impression omniprésente de mort. On commence par mettre en place des lieux qui symbolisent la mort : un cimetière, un hôpital ou un asile désaffecté, une vieille maison abandonnée… Ce qu’il faut évoquer, c’est la décomposition, le déclin ou même la stagnation tandis que le corps dépérit, l’esprit est déjà mort.

Les personnages aussi sont concernés. Ils ont ce lien avec l’idée de mort : un deuil récent, un personnage condamné par la maladie ou autre, ou bien encore une obsession morbide, un individu fasciné par la mort, par exemple.
Cette présence constante de la mort qui les accompagne comme leur ombre interfère sur leurs décisions et sur leurs relations. C’est un peu comme si la mort écrivait pour vous votre scénario d’horreur.

L’au-delà, la vie après la mort ont toujours été une quête pour l’humanité. Notre conscience, notre identité, notre existence, tout est en jeu dans cette recherche. Lorsqu’ils transgressent la limite entre la vie et la mort, l’autrice et l’auteur d’horreur examinent nos croyances, nos peurs mais surtout nos espoirs.
Évidemment que nous sommes conscients de notre propre mortalité et il est naturel de vouloir s’en purger : l’horreur nous y aide. Ils ne sont pas nombreux ceux qui aiment souffrir.

L’isolement : voilà bien quelque chose qui nous concerne tous, nous, qui sommes si impatients de nouer des relations et d’appartenir à une communauté. C’est pour cette raison que l’horreur dépeint la solitude avec une telle puissance.
L’horreur nous isole des autres par n’importe quel moyen dont l’ostracisme. L’Overlook Hotel est la condition même du Shining de King et Kubrick.

Notre vérité

Les peurs appartiennent à notre nature humaine si finie, si vulnérable. L’écriture de l’horreur ne fait que dépeindre cette vérité. Elle nous fait prendre conscience à la fois dans notre corps et dans notre intellect de notre mortalité.

Nous vivons dans un monde que nous essayons de comprendre à chaque instant de l’expérience de notre interaction avec lui. Ainsi nous distinguons entre ce qui est vivant et ce qui ne l’est pas ; nous possédons le sens du temps et de l’espace ; notre entendement est capable de logique : nous connaissons les causes et les effets, l’identité et l’altérité… que l’horreur aime interpeller dans son écriture ; nous classons le monde en animal, végétal et minéral ; et, bien sûr, nos sociétés instillent en nous les catégories morales du bien et du mal.

Le récit d’horreur aime à bousculer ces catégories. Sans elles, nous sommes dans un état d’inquiétante étrangeté. Un sentiment de malaise dont l’horreur raffole en bousculant ce qui nous est familier, c’est-à-dire que d’introduire dans nos habitudes par exemple une quelconque perturbation provoque en nous peut-être une perte de contrôle : rencontrer un double de soi-même, un lieu familier qui devient menaçant peut l’être réellement ou parce que la perception du personnage le croit menaçant, créent une tension dramatique car c’est notre sens de la réalité et de la normalité qui est dérangé par l’horreur.

L’altérité présente dans l’horreur telle que des entités aux traits familiers qui nous servent de points de référence pour mieux percevoir la différence ; nous pouvons aussi éprouver envers elles une empathie qui, malgré la différence et l’acceptation, nous la fait reconnaître comme autre ; cette altérité donc, lorsqu’elle est présente dans l’horreur, provoque en effet en nous un fort sentiment d’étrangeté.

Bien imbéciles ceux qui dénigrent le récit d’horreur car il est à juste titre un révélateur d’humanité. La transgression des limites dont use l’horreur peut être à la fois bénéfique et néfaste. Elle nous est utile lorsqu’elle permet l’innovation qu’elle soit scientifique, artistique ou sociale. Mais en contrepartie, il y a des risques éthiques au progrès (technologique surtout).

Nous pouvons admettre que dépasser ses limites est un épanouissement. Mais l’aveuglement, tout comme dans la passion, aura des conséquences inattendues.

Ce que fait l’horreur, c’est qu’elle prend ce qui nous est normal et insuffle en cela de l’anormal, dans le réel de l’irréel et dans le vivant, la mort. Ce qu’elle questionne, ce sont les limites de notre raison, de nos connaissances car nous ne pouvons pas tout connaître du monde qui recèle des mystères décidément hors de notre portée.

Une délivrance

Lorsque nos peurs s’exposent dans l’horreur, nous les régurgitons. C’est un exorcisme de nos angoisses. Et nous y prenons du plaisir.

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