ÉCRIRE LA S.F. – 7

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Dans l’univers impitoyable de l’écriture de scénarios, la planification d’une histoire n’est pas seulement une étape essentielle, elle est la pierre angulaire de toute création cinématographique digne de ce nom. Elle exige une construction méticuleuse de structures narratives ambitieuses, d’arcs dramatiques puissants pour l’intrigue et pour les personnages, et le tissage subtil des éléments thématiques qui élèveront le récit au rang d’œuvre d’art.
Cette phase de développement, loin d’être une simple formalité, est une entreprise cruciale qui orchestre toutes les décisions créatives futures, offrant une carte de navigation précise pour les auteurs et les autrices de talent.

Cependant, dans ce domaine où les enjeux sont élevés, la planification de l’histoire est souvent obscurcie par des mythes persistants qui peuvent entraver tant les novices que les vétérans, les empêchant de saisir pleinement les avantages qu’elle offre. Il est temps de lever le voile sur ces idées reçues, de fournir une vision claire et éclairée de la dynamique complexe qui régit la planification d’un scénario. Abordons cette tâche avec le sérieux et la grandeur qu’elle mérite, pour sculpter des histoires qui résisteront à l’épreuve du temps.

Idée reçue 1 : Rigidité des plans

Une idée reçue courante est que, une fois qu’un plan est créé, il doit être suivi de manière rigide. Cette croyance peut piéger l’auteur et l’autrice dans l’adhésion à des idées fixes sans permettre l’évolution naturelle que les développements des personnages et de l’intrigue pourraient inspirer. En réalité, les plans doivent être traités comme des guides flexibles qui peuvent s’adapter aux besoins évolutifs de l’histoire. Ils ne sont pas gravés dans la pierre mais sont des cadres fluides qui devraient accommoder les changements de direction à mesure que le récit se déroule. Par exemple, un auteur peut initialement prévoir qu’un personnage en trahisse un autre, mais à mesure que les personnages se développent, une résolution différente et plus marquante peut devenir apparente.

Permettre aux plans d’évoluer peut conduire à une narration plus riche.

Idée reçue 2 : La planification détaillée tue la créativité

De nombreux auteurs et autrices craignent qu’une planification détaillée puisse étouffer leur créativité, les confinant dans un chemin prédéterminé. Cependant, le contraire est souvent vrai. Une planification efficace fournit une structure qui peut en fait améliorer la créativité en établissant un cadre narratif clair dans lequel les idées créatives peuvent s’épanouir.

Cela ne signifie pas de planifier chaque scène de manière excessive, mais plutôt d’établir une compréhension claire des jalons majeurs du récit et des trajectoires des personnages. Des écrivains renommés comme J.K. Rowling et John Grisham ont discuté de la manière dont ils utilisent des plans de base pour gérer des intrigues complexes tout en laissant de la place pour des intuitions créatives spontanées qui rendent leurs histoires vibrantes et engageantes.

Idée reçue 3 : Tous les éléments doivent être planifiés avant que l’écriture ne commence

Un mythe tenace affirme qu’un scénario doit être ciselé dans ses moindres détails avant même que l’encre ne touche le papier. Cette vue, aussi rigide qu’un cadre en fer, peut s’avérer paralysante et dénuée de tout réalisme. Certes, il est essentiel d’esquisser les grandes lignes de l’intrigue et les contours des personnages, mais l’essence même de l’écriture réside dans l’aventure de la découverte. En écrivant, on invite souvent des développements inattendus qui viennent enrichir et complexifier le récit de manière fascinante.

À l’image des grands maîtres du cinéma, nombreux sont les scénaristes couronnés de succès qui débutent leur œuvre avec une structure ébauchée, pour ensuite peindre les détails au gré de leur plume. Cette méthode leur permet d’embrasser différentes trajectoires, explorant des chemins narratifs variés tout en se forgeant une relation intime avec leurs personnages.
La grandeur se trouve souvent dans la capacité de laisser l’histoire se déployer avec majesté, permettant aux personnages de prendre vie sous nos yeux, et transformant ainsi chaque scénario en une fresque vivante et mémorable.

Idée reçue 4 : La planification de l’histoire est uniquement pour les novices

Il existe une notion selon laquelle seuls les autrices et les auteurs inexpérimentés doivent s’appuyer sur une planification extensive, ceux plus expérimentés étant supposément capables de contourner cette étape en raison de leur expérience. Cependant, la planification de l’histoire est inestimable à tous les niveaux d’écriture. Elle aide à gérer des intrigues complexes et assure la cohérence et le rythme, qui sont cruciaux dans l’écriture de scénarios professionnels.

Les auteurs et les autrices expérimentés s’appuient souvent sur des techniques de planification sophistiquées pour gérer plusieurs fils narratifs et s’assurer que tous les éléments convergent en douceur vers une fin cohérente.

Idée reçue 5 : La planification doit se concentrer uniquement sur l’intrigue

Se focaliser uniquement sur les fils de l’intrigue lors de la conception d’un récit est une vision étriquée qui sous-estime grandement la profondeur que peuvent apporter le développement des personnages et l’intégration thématique. Une œuvre digne de ce nom ne se limite pas à une simple succession d’événements, mais puise sa puissance dans les motivations complexes de ses personnages et les thèmes universels qui résonnent à travers chaque scène.

Une planification digne de ce nom embrasse cette vision holistique, donnant vie à des personnages dont les actions dictent le cours de l’histoire et des thèmes qui imprègnent chaque page de leur essence. Tel l’artisan-potier, l’autrice et l’auteur bâtissent leur récit avec minutie, façonnant chaque personnage et chaque thème pour qu’ils s’intègrent harmonieusement dans le tissu narratif. Dans cette approche, chaque mot, chaque geste, chaque thème est méticuleusement ciselé pour offrir une expérience de lecture ou de visionnage immersive et profondément enrichissante.

La planification
Création d’un plan

La création d’un plan fonctionne comme l’ossature de votre histoire, établissant un itinéraire précis pour le récit. Elle ordonne les points saillants de l’intrigue dans l’ordre où ils se déploieront au fil du récit. Cette démarche est essentielle, car elle permet aux scénaristes de percevoir l’arc narratif dans sa globalité, de repérer les possibles vides ou les déséquilibres dans le rythme et la structure.

Un plan minutieux englobe tout, des scènes clés aux moments charnières et aux points de retournement de l’intrigue, y compris les interactions subtiles mais porteuses de sens dont se repaît le développement des personnages et la dynamique de l’intrigue.
En structurant ces composants avant de se lancer dans la rédaction détaillée du scénario, l’autrice et l’auteur peuvent non seulement économiser un temps précieux mais aussi minimiser la nécessité de révisions conséquentes plus tard dans le processus.

Développement des personnages

Le développement des personnages va au-delà de la simple définition des attributs physiques et du passé des personnages ; il s’agit de comprendre leurs fondements psychologiques et leurs réponses émotionnelles. Ce processus implique de décider comment les personnages réagissent dans différentes situations, leurs arcs dramatiques et la dynamique des relations entre les divers personnages.

Un développement efficace pour ces êtres de fiction garantit que les actions et les décisions qu’ils font sont crédibles et cohérentes avec leur évolution. Le plan explore aussi les relations entre les personnages, comment ces relations évoluent et comment elles influencent l’intrigue puisqu’une relation possède aussi son propre arc dramatique.
Les personnages doivent avoir des objectifs clairs, faire face à des défis significatifs et subir des conséquences réalistes en résultat de leurs actions.

Structuration de l’intrigue

L’organisation de l’intrigue peut être comparée à l’édification d’un pont narratif qui s’étire du début à la fin de l’histoire, où chaque section soutient la suivante avec une élégance presque poétique. L’ouverture doit capturer l’essence de l’introspection, agissant comme un crochet émotionnel qui invite à la réflexion profonde.

Le développement intermédiaire, quant à lui, monte en tension et en intrigue à travers un enchaînement de complications et d’obstacles, souvent plus sous-entendus qu’explicitement démontrés, reflétant la complexité des relations humaines et les conflits internes des personnages.

Le climax se présente comme un sommet discret, cherchant moins à étonner qu’à résoudre, offrant une catharsis pour l’engagement émotionnel intime du lecteur/spectateur. Le dénouement, avec son ralentissement de l’activité, propose une conclusion qui reste ouverte, laissant résonner les thèmes et les conflits dans l’esprit du lecteur/spectateur, en accord avec le message général de l’œuvre.

Chaque segment est conçu pour non seulement faire avancer le récit mais aussi pour enrichir la complexité des personnages et affiner l’expression de thèmes tels que l’amour, la perte et le passage du temps.

Intégration du thème

L’incorporation d’un thème n’est pas simplement un ajout superficiel, mais une fusion profonde de significations et de messages au cœur même du texte, résonnant avec le lecteur/spectateur sur des niveaux émotionnels ou intellectuels multiples. Les thèmes d’une œuvre littéraire ou artistique sont exprimés à travers des éléments tels que des motifs qui reviennent régulièrement, des symboles forts, des dialogues percutants et les décisions conscientes des personnages.

Cette fusion doit sembler organique, émergent naturellement de la trame de l’histoire, et renforçant le propos de manière subtile sans pour autant dominer le récit. Une intégration de thème réussie est celle qui bouscule les perspectives, stimule la réflexion et peut même redéfinir la vision du monde du lecteur/spectateur, tout en soutenant une narration qui à la fois captive et divertit.

Création du cadre et du monde

La construction de l’environnement de votre histoire représente la toile de fond essentielle sur laquelle se déroule votre récit. Cette dimension est particulièrement cruciale dans des genres tels que la science-fiction, la fantasy, ou les drames historiques, où le cadre influence directement l’intrigue et le comportement des personnages.

La création de cet univers ne se résume pas à dresser des décors ; elle requiert une élaboration détaillée des paysages, la mise en place de systèmes politiques et sociaux, ainsi que l’établissement des normes culturelles qui définissent ce monde. Ce processus pourrait être envisagé à travers un prisme de réalisme poignant, mettant en lumière des interactions humaines authentiques et des conflits socio-culturels concrets.
Il est impératif que chaque composante de cet univers résonne avec une vérité profonde, mettant au défi nos perceptions habituelles et enrichissant notre immersion narrative dans un monde à la fois reconnaissable et novateur. Cette tâche exige une attention minutieuse aux détails pour assurer la crédibilité et l’immersion du lecteur/spectateur, allant au-delà de la simple amélioration des aspects visuels pour soutenir l’évolution de l’intrigue et les motivations des personnages dans le monde que vous avez façonné.

Planification du dialogue

La planification du dialogue implique de concevoir des répliques qui reflètent la voix unique de chaque personnage et font avancer l’intrigue. Le dialogue doit être intentionnel, transmettant les informations nécessaires au lecteur/spectateur et révélant des aperçus plus profonds des pensées et des émotions des personnages. Il s’agit de trouver un équilibre entre réalisme et économie, en s’assurant que chaque mot prononcé fait progresser l’histoire ou approfondit la relation du lecteur/spectateur avec les personnages.

Un dialogue efficace inclut souvent une signification latente, permettant aux personnages de communiquer plus que ce qui est dit en surface, ce qui peut ajouter du sens et de la complexité aux interactions.

Recherche

La rigueur de la recherche constitue le pilier de l’authenticité narrative, offrant un terreau fertile à l’élaboration des événements et des contextes de votre histoire. Pour les œuvres historiques, cela implique une immersion dans le contexte socio-politique, les dialectes et les coutumes de l’époque en question. Quant aux récits nécessitant des connaissances pointues, tels que les drames judiciaires, les thrillers médicaux ou les sagas scientifiques, une fidélité scrupuleuse aux détails est essentielle pour préserver la crédibilité de l’ensemble.

Cette exploration méticuleuse peut également révéler des aspects inattendus qui enrichissent le récit, tels que des éléments de l’intrigue ou des traits de caractères qui ajoutent une couche supplémentaire d’originalité et de profondeur. L’engagement envers une recherche approfondie n’est pas seulement un gage d’authenticité, mais aussi une source d’inspiration créative, guidant la plume dans un tissage de réalités historiques ou techniques avec les subtilités de la condition humaine, rendant ainsi chaque histoire non seulement instructive mais vibrante de vérités humaines.

Retour & révisions

La phase de planification bénéficie grandement d’un retour critique, qui éclaire l’auteur et l’autrice sur des aspects jusqu’alors non envisagés de leur œuvre. Quelle que soit la source du retour, qu’il s’agisse de collègues auteurs, de mentors ou de consultants professionnels, il est crucial pour affiner l’intrigue, approfondir les arcs narratifs et s’assurer que les dialogues et les thèmes sont exprimés avec clarté.
Le processus de révision est par nature itératif, nécessitant souvent de multiples cycles de retour et de réécritures. Cette étape est fondamentale pour polir l’histoire, garantir sa fluidité narrative et la préparer à entrer dans le monde de la publication ou de la mise en scène.

Cette phase de planification permet de tisser avec finesse les fils de l’intrigue et de s’assurer que chaque élément, aussi minime soit-il, contribue harmonieusement au tableau d’ensemble. Ce travail de précision, presque artisanal, transforme le texte en une œuvre prête à captiver le lecteur/spectateur avec la même attention au détail où chaque geste et chaque décor jouent un rôle clé dans la narration globale. Cette approche pragmatique assure non seulement la solidité de la structure narrative, mais enrichit également le contenu émotionnel et intellectuel de l’histoire, la rendant plus résonnante et significative pour le lecteur/spectateur.

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One thought on “ÉCRIRE LA S.F. – 7

  1. Tout est dit, cher Williams : votre article est très juste, et appliquer ces principes est d’une aide inestimable dans l’écriture d’un scénario, en particulier le temps d’écriture en est considérablement abrégé. Mais pourquoi Diable aller nous placer ça sous le titre « Ecrire la SF » ? Ces principes ont de toute évidence une portée générale. Vous êtes un théoricien exceptionnel, unique en son genre sur le Web par l’ampleur de vos sources, la synthèse de vos analyses et l’utilité pratique de vos conseils, à ce titre beaucoup de vos articles valent de l’or ; un praticien plutôt moyen (soit dit sans vous offenser, en me basant sur vos exemples scénaristiques, je veux parler de cette parfaite nunuche d’Anne qui explore les temples anciens^^, mais c’est assez courant : quasi impossible d’être à la fois théoricien et praticien, c’est souvent incompatible et Lavandier l’a démontré : intéressant théoricien -parmi d’autres, encore qu’un peu surfait car il fait des erreurs mais praticien très limité et bien trop didactique ; et enfin, vous faites un gourou absolument déplorable par vos titres totalement inadaptés à vos excellents contenus : si je construisais un cours Fémis en utilisant tout ce que je vous ai pompé depuis le début – un peu restructuré comme je l’ai fait dans ma bibliothèque scénaristique privée grâce à vos articles d’une profondeur rarement égalée et ceux de l’également excellent Scénariopole – qui ne semble hélas plus guère être mis à jour – , j’aurais bien autre chose à proposer – d’immédiatement utile – que les pâles copier-coller de Truby qu’on trouve dans ces cours Fémis que je me suis procurés par la bande via d’anciens étudiants…). Enfin, et comme je vous l’avais déjà signalé, si vos contenus sont pour la plupart excellents – en particulier ceux à vocation d’utilité pratique -, l’organisation en est réellement déficiente. Par exemple, en tant qu’utilisateur régulier, il a fallu que je me résigne à enregistrer toutes vos pages pour y mettre un peu d’ordre et construire mon propre mémo pratique scénaristique (à usage strictement privé, naturellement, je n’ai pas l’intention de vous pirater). Et je vous assure que se replonger entre deux scénarios dans ce corpus synthétisé et réorganisé – donc très facilement consultable – , est particulièrement utile pour revenir régulièrement aux sources (la pratique a tendance à déformer et on prend vite des tics nuisibles : c’est un peu comme les médecins, qui ont tout intérêt à se former en permanence)

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