Lorsqu’il s’agit de planifier les grands lignes de son scénario, il est important de trouver une méthode qui corresponde à l’individu, car si certains peuvent tirer profit de plans détaillés, d’autres peuvent trouver qu’une approche plus souple est plus propice à leur créativité.
Il faut donc expérimenter. L’autrice et l’auteur ont souvent l’impression d’être dépassés par les événements au début d’un nouveau projet. L’écriture est un long voyage et il est conseillé aux auteurs d’avancer pas à pas et d’utiliser les outils et les ressources disponibles pour s’orienter dans le processus.
Une structure en quatre parties
La structure en quatre parties décrite ici comprend une introduction, deux sections médianes avec un moment charnière, et une conclusion en apothéose suivie d’une résolution : un cadre solide pour la rédaction d’histoires convaincantes.
L’introduction, ou la mise en place, est la pierre angulaire de la structure d’un récit. C’est là que l’histoire commence, que les personnages sont présentés et que le cadre est établi. Cette phase donne le ton et pose les bases du cheminement narratif. Elle est essentielle pour capter l’intérêt du lecteur/spectateur et fournir le contexte nécessaire au déroulement de l’histoire à venir.
À ce stade, l’autrice et l’auteur doivent équilibrer habilement l’exposition et l’action, en veillant à ce que l’histoire progresse tout en brossant un tableau vivant du monde dans lequel elle s’inscrit. L’introduction ne se contente pas de présenter les personnages et les lieux, l’environnement ; elle laisse entrevoir les conflits et les thèmes qui seront explorés tout au long de l’intrigue.
Les parties médianes du récit, divisées par un point médian significatif, sont celles où le cœur de l’histoire bat le plus fort. Ces sections se caractérisent par le développement de l’intrigue et des personnages, l’approfondissement des conflits et l’exploration des préoccupations thématiques du texte.
Avant le point médian, l’intrigue gagne en tension et en complexité. C’est à ce moment-là que les conflits initiaux introduits dans l’exposition commencent à s’intensifier. Les personnages sont mis à l’épreuve, leurs objectifs et leurs motivations sont remis en question et les enjeux deviennent plus clairs.
L’impulsion narrative de cette section progresse vers le futur, propulsant les personnages vers le point médian. Cette partie de la structure est fondamentale pour développer la profondeur du récit et permettre au lecteur et à la lectrice de s’investir émotionnellement dans les personnages et leur parcours.
Le point médian agit ensuite comme un pivot décisif dans le récit, un moment de changement significatif ou de révélation qui modifie le cours de la narration. Il s’agit d’un événement transformateur ou d’une prise de conscience qui modifie la compréhension qu’a le protagoniste de sa situation, de lui-même ou de ses objectifs. Ce moment redynamise le récit, en veillant à ce que l’élan narratif ne s’essouffle pas.
Le point médian sert de pont entre la mise en place initiale et l’apogée de l’intrigue, en redéfinissant la direction du récit et en augmentant la pression. Après le point médian, l’intrigue s’intensifie au fur et à mesure que les conséquences de l’événement du point médian se déploient. Les défis deviennent plus intimidants et les obstacles plus insurmontables.
Cette seconde section approfondit le conflit et teste les personnages jusqu’à leurs limites, préparant ainsi le terrain pour le dénouement. C’est ici que les thèmes du projet sont explorés plus en profondeur et que les fils narratifs commencent à converger vers le point culminant de l’histoire (le climax). Cette seconde moitié de l’acte Deux est marquée par un sentiment d’urgence et d’inéluctabilité, alors que l’histoire s’achemine vers sa résolution.
Le climax est l’apogée de l’histoire, le moment où la tension et le drame sont les plus forts. C’est la confrontation ou la bataille finale où le protagoniste affronte son principal conflit ou antagoniste. C’est le dénouement de tous les fils narratifs et de tous les arcs dramatiques des personnages qui se sont développés tout au long du récit. Il doit être à la fois inévitable compte tenu de la progression de l’histoire, et surprenant par la manière dont il résout les conflits.
Après le point culminant, la résolution permet de régler les derniers détails, de répondre aux questions en suspens et de clore l’histoire. C’est l’occasion de réfléchir au périple, de voir comment les personnages ont changé et de laisser au lecteur/spectateur une impression durable des thèmes et du noyau émotionnel du récit.
Brainstorming
Il peut être utile d’aborder le brainstorming d’une histoire en devenir en considérant tout d’abord le personnage principal, la prémisse et le conflit. Ces éléments sont essentiels à l’élaboration d’un récit convaincant, car ils constituent la base sur laquelle sont construits les éléments spécifiques de la structure de l’histoire.
L’élaboration d’une histoire commence souvent par le personnage principal. Ce personnage n’est pas seulement une figure à travers laquelle l’histoire est racontée, il est l’essence même de cette histoire. Lorsque vous réfléchissez au personnage principal, tenez compte de ses désirs, de ses peurs, de ses forces et de ses faiblesses. Ces caractéristiques rendent non seulement le personnage sympathique, mais font également avancer le récit.
Le personnage principal doit être quelqu’un qui subit des changements importants, reflétant l’archétype du héros qui passe du monde ordinaire au royaume de l’aventure et vice-versa, transformé par ses expériences.
La prémisse est l’idée sous-jacente qui façonne le récit. Il s’agit d’une déclaration qui capture l’essence de l’histoire, reflétant souvent un thème universel ou une question morale. La prémisse doit intriguer et promettre un voyage qui en vaut la peine. Elle sert de boussole au récit, guidant le développement de l’intrigue et les arcs dramatiques des personnages.
Lorsque vous réfléchissez à la prémisse, demandez-vous quel message ou quelle exploration vous souhaitez transmettre à travers votre récit. Comment cette prémisse met-elle le personnage principal au défi et le pousse-t-elle à évoluer ?
Le conflit est l’élément vital de l’art dramatique. C’est la force qui fait avancer le récit et qui met à l’épreuve notre personnage principal. Le conflit peut provenir de sources externes, telles que des forces antagonistes ou des environnements hostiles, ou de l’intérieur du personnage, reflétant des luttes internes et des dilemmes moraux. Le brainstorming du conflit consiste à identifier les obstacles qui se dressent sur la route des objectifs du personnage principal. Ce processus nécessite de réfléchir à la manière dont ces défis s’intensifieront au cours de l’intrigue, obligeant le personnage à affronter ses peurs les plus profondes et, en fin de compte, à devenir mâture.
Après le brainstorming
Une fois le personnage principal, la prémisse et le conflit établis, nous pouvons nous pencher sur les spécificités de la structure de l’histoire. La structure d’un récit peut être envisagée comme une série d’actes ou d’étapes que le personnage principal franchit au cours de son voyage.
Il s’agit d’un appel à l’aventure (Call to Adventure) où le personnage est invité à participer au conflit de l’histoire ; du Crossing of the First Threshold où il s’engage dans son périple ; de l’Ordeal (les épreuves qui l’attendent au cours de son périple) et du Return (le retour), où il revient transformé dans son monde ordinaire : la structure classique du Hero’s Journey.
Chaque partie de la structure est influencée par le brainstorming initial. Les désirs et les craintes du personnage principal déterminent ses réactions à l’appel de l’aventure et les défis qu’il doit relever en cours de route. La prémisse fournit une ligne directrice thématique qui guide le développement de l’intrigue et l’arc du personnage. Le conflit introduit de la tension et des enjeux, poussant le récit vers son apogée.
L’arc dramatique
L’autrice et l’auteur osent insuffler la vie à un patchwork de pièces disparates tout comme Mary Shelley et son Frankenstein et ils sont très conscients de la dynamique qui existe entre les personnages et l’intrigue, entre la maturation d’un personnage et le développement d’un récit.
Dire que l’un alimente l’autre n’est qu’une simplification. Il s’agit d’une danse symbiotique, d’une tessiture où chacun informe et façonne l’autre, créant une tapisserie plus riche et plus résonnante que ce que l’un ou l’autre pourrait réaliser seul.
C’est dans cette danse complexe que l’importance des arcs dramatiques des personnages prend tout son sens, car ils sont les nerfs de la transformation, les marqueurs de la façon dont nos protagonistes apprennent, évoluent et, en fin de compte, définissent l’âme d’une histoire. L’arc dramatique d’un personnage, dans son essence, n’est pas un simple changement de circonstances, mais une métamorphose de l’intérieur. C’est le passage de ce qu’il est à ce qu’il devient, forgé dans le creuset du feu implacable de l’intrigue.
Ce parcours est rarement linéaire, mais plutôt sinueux, marqué par des triomphes et des échecs, des révélations et des revers de fortune. L’intrigue devient alors l’architecte de ces épreuves, le chorégraphe d’expériences qui poussent, aiguillonnent et finissent par ouvrir le cœur du protagoniste, révélant de nouvelles facettes de son être.
Puisque je l’ai mentionné, considérons la créature de Mary Shelley. Dès le départ, Victor Frankenstein est mû par une ambition audacieuse, alimentée par une arrogance juvénile et une soif de connaissances interdites. L’intrigue, dans sa cruelle intelligence, exauce son vœu en donnant naissance à la Créature.
Cet événement agit comme un catalyseur, brisant la naïveté pleine d’assurance de Victor et le plongeant dans un tourbillon de culpabilité, de peur et de responsabilité. La poursuite de la Créature, l’analyse des conséquences de ses actes, deviennent les instruments de l’intrigue, forçant Victor à affronter ses imperfections, sa témérité et, en fin de compte, son humanité. Son parcours n’est pas une ascension harmonieuse, mais une descente déchirante dans les ténèbres, suivie d’une remontée hésitante et angoissante vers l’acceptation et la compréhension.
Mais les personnages ne sont pas des monolithes. Leur parcours est souvent reflété et compliqué par ceux qui les entourent. Dans Frankenstein, Elizabeth Lavenza sert de faire-valoir, incarnant la compassion et une loyauté inébranlable. Son parcours, bien que subtil, n’en est pas moins marquant. Témoin de la déchéance de Victor, elle grandit au-delà des limites de la dévotion juvénile, développant une compréhension nuancée de l’amour, du pardon et des complexités d’une ambition enténébrée.
Cette interaction entre les arcs individuels et le récit global crée une profondeur et une texture qui transcendent le simple spectacle. Elle permet à la lectrice et au lecteur non seulement d’être témoins du changement, mais aussi d’éprouver de l’empathie pour les luttes, les incertitudes et, en fin de compte, les triomphes qui s’ensuivent.
Nous soutenons Victor, aussi imparfait soit-il, parce que nous le voyons aux prises avec le fardeau de ses choix, s’efforçant d’atteindre un semblant de rédemption. Nous souffrons pour Elizabeth, qui voit son amour mis à l’épreuve et transformé par les ténèbres qui engloutissent Victor.
Prédétermination et libre-arbitre
L’intrigue, cependant, peut être une arme à double tranchant. Si elle fournit le souffle nécessaire à la transformation, elle peut aussi devenir un échafaudage rigide, dictant le changement selon des lignes prévisibles. Un récit bien conçu trouve un équilibre délicat, permettant à l’intrigue de lancer des défis et des épreuves, tout en laissant de la place à l’action des personnages, à leurs réponses uniques aux expériences qui leur sont imposées.
Cette danse entre prédétermination et libre arbitre insuffle de la vie aux personnages, faisant d’eux non pas de simples pions sur un chemin préétabli, mais des participants actifs à leur propre évolution.
La structure même de l’intrigue peut en outre amplifier l’impact de l’évolution des personnages. Prenons la structure classique en trois actes, avec son action ascendante, son point culminant et sa résolution. Chaque acte présente de nouveaux défis, obligeant le héros ou l’héroïne à s’adapter, à apprendre et à évoluer.
Le point culminant, creuset d’une tension accrue, devient souvent le point de la plus grande transformation, où le personnage affronte ses luttes fondamentales et fait des choix qui définissent son avenir. La résolution devient alors un testament de l’impact de ce voyage, mettant en scène l’individu transformé, marqué à jamais par les expériences qu’il a traversées.
Mais les récits ne sont pas confinés à des structures rigides. En tant qu’auteur et autrice, nous avons la liberté d’expérimenter, de tisser des intrigues qui défient les conventions et de créer des espaces uniques pour l’évolution des personnages. Les structures épisodiques, erratiques, par exemple, peuvent offrir un voyage plus fragmenté, reflétant les complexités de la vie réelle, avec ses hauts et ses bas, ses régressions et ses révélations inattendues.
Les récits qui s’attardent sur nos consciences peuvent plonger dans le paysage intérieur, explorant les nuances du changement émotionnel et de la découverte de soi. En fin de compte, l’importance des arcs dramatiques de nos personnages ne réside pas dans leur adhésion à des structures spécifiques, mais dans leur capacité à éclairer la condition humaine. Ils nous permettent d’explorer les complexités du changement, les défis d’une construction personnelle et le pouvoir durable de l’esprit humain.
À travers leur parcours, nous ne nous engageons pas seulement dans une histoire, mais aussi avec nous-mêmes, en trouvant des échos de nos propres luttes et triomphes dans la trame complexe d’une narration.
L’acte d’écrire
L’acte d’écrire n’est pas seulement une méthode de communication, mais un moyen de pénétrer profondément dans les sphères de la créativité et de la liberté. Au fond, la liberté de création dans l’écriture incarne la capacité illimitée de l’autrice et de l’auteur à explorer des idées, des émotions et des mondes au-delà des limites de la réalité. C’est la liberté de tisser des récits à partir de l’imagination, de peindre avec des mots et de sculpter des pensées dans des formes tangibles.
Cette liberté est à la fois un privilège et un pouvoir, car elle permet de s’évader dans des domaines où la seule limite est l’imagination de l’auteur et de l’autrice. La nature libératrice de l’écriture leur permet de parcourir un large éventail de genres, de thèmes et de styles. Des intrigues complexes des romans fantastiques aux vérités poignantes de la non-fiction, ils exploitent leur liberté créative pour produire des œuvres qui résonnent à un niveau universel. Ils écrivent des histoires qui reflètent la complexité de l’expérience humaine, plongeant dans les profondeurs de l’émotion, de la société et de la psyché humaine. Ce faisant, ils ne se contentent pas de divertir, mais éclairent, interpellent et réconfortent le lecteur/spectateur, démontrant ainsi le pouvoir transformateur de l’écrit.
La liberté de création favorise également l’innovation. Elle encourage auteurs et autrices à expérimenter avec les structures narratives, le développement des personnages et les éléments stylistiques, repoussant ainsi les limites de la narration traditionnelle. Cet esprit expérimental a donné naissance à des œuvres révolutionnaires qui défient toute catégorisation, mélangeant les genres et les styles de manière à captiver et à intriguer. Grâce à cette innovation, l’écriture continue d’évoluer, reflétant le paysage toujours changeant de la pensée et de la culture humaines.
L’acte d’écrire est une activité profondément personnelle, qui fait appel à la liberté de création. Il sert de miroir à l’âme de l’écrivain, un moyen d’exprimer ses pensées, ses peurs et ses rêves les plus profonds. Ce processus introspectif favorise non seulement la connaissance de soi, mais aussi la guérison et la maturité.
L’écriture devient un exutoire thérapeutique, un espace sûr où les émotions peuvent être explorées et comprises. Grâce à cette exploration intime, autrices et auteurs développent un lien plus profond avec leur propre identité et avec le monde qui les entoure. L’importance d’une liberté créative dans l’écriture est encore soulignée par son rôle dans l’évolution de la société. Les auteurs et les autrices utilisent depuis longtemps leur art pour lutter contre les injustices sociales, remettre en question les systèmes oppressifs et plaider en faveur du changement.
En donnant la parole aux sans-voix et en mettant en lumière des vérités cachées, l’écriture devient un puissant outil de sensibilisation et d’activisme. Par leurs mots, les autrices et auteurs ont la possibilité d’inspirer l’action, de favoriser l’empathie et de contribuer à l’amélioration de la société.
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