FADE IN
INT. SALON – NUIT
Une pièce faiblement éclairée avec un personnage solitaire, ANNE, assise sur un canapé usé, absorbé dans une vidéo YouTube intitulée « Vengeance & Intrigue ». Sans plus vraiment entendre le commentaire de la vidéo, Anne contemple la notion de vengeance.
ANNE
(se murmurant à elle-même)
Intrinsèquement mauvais…?
CUT TO:
EXT. CINÉMA – JOUR (FLASHBACK)
Une scène du film Princess Bride se déroule sur grand écran, mettant en vedette le personnage emblématique INIGO MONTOYA.
INIGO MONTOYA
Buenos dias, je m’appelle Inigo Montoya, tu as tué mon père, prépare-toi à mourir.
ANNE
(souriant)
La quête d’Inigo semble justifier. Elle est proportionnelle à la faute, poétique même.
CUT TO:
EXT. CHÂTEAU – NUIT (FLASHBACK)
Une scène du film Le Duel d’Hamlet de Clément Maurice avec Sarah Bernhardt
ANNE
(fronçant les sourcils)
La vengeance d’Hamlet est sans mesure. Moins satisfaisante. Plus…ignoble?
CUT TO:
INT. MONDE D’UN JEU VIDÉO – NUIT (FLASHBACK)
Un monde virtuel, où CORVO, personnage d’un jeu vidéo, cherche à se venger avec des méthodes létales et non létales, brouillant les frontières entre justice et cruauté.
ANNE
(confuse)
Le caractère non létal de la vengeance peut être pire ? Quelle est la moralité ?
CUT TO:
EXT. UN MOMENT CATHARTIQUE – JOUR (FLASHBACK)
Des scènes de films comme « Carrie » et de jeux vidéo qui dépeignent la vengeance comme cathartique pour ceux qui ont enduré le tourment, ce qui incite à l’empathie pour les personnages embrassant leurs côtés les plus sombres.
ANNE
(dans un éclair de compréhension)
La vengeance est-elle une forme perverse de justice, une catharsis pour les tourmentés ?
CUT TO:
INT. SALON – NUIT
Anne, perdue dans ses pensées, contemple les dernières remarques du commentaire sur la fine séparation entre justice et vengeance.
ANNE
(à elle-même)
Peut-être que la vengeance n’est pas intrinsèquement mauvaise. Ce sont les choix que nous faisons en la cherchant qui définissent sa moralité.
FADE OUT
Le concept de vengeance, une émotion humaine profondément enracinée, a captivé l’imagination des conteurs pendant des millénaires. Des épopées antiques de Gilgamesh et Beowulf aux blockbusters modernes de Quentin Tarantino et Christopher Nolan, les complots de vengeance ont constamment prouvé leur capacité à engager le lecteur/spectateur, à provoquer la réflexion et à explorer les complexités de la condition humaine.
Cependant, l’attrait de la vengeance n’est pas sans ses dilemmes moraux. La poursuite de la vengeance fait-elle de quelqu’un un être intrinsèquement mauvais ? Ou la vengeance, dans certains cas, peut-elle être motivée par un noble désir de justice et de rétribution ? Ces questions ont longtemps suscité des débats parmi les chercheurs, les philosophes et le grand public, et elles continuent de résonner dans le domaine de l’écriture scénaristique.
Un thème très humain
Le thème de la vengeance est profondément ancré dans les récits humains, couvrant toutes les cultures et les temps. Sa présence dans la littérature, la mythologie et le folklore témoigne d’un désir universel de justice et de rétribution face aux préjudices perçus. Bien que la vengeance soit souvent décrite comme une force négative, elle sert également d’outil puissant pour examiner les dilemmes moraux complexes et les conséquences des actions humaines.
Dans de nombreux récits, la vengeance sert de moyen pour les individus d’affirmer leur autonomie et de reprendre le contrôle de leur vie. Lorsque des personnes se sentent impuissantes face à l’injustice ou aux mauvais traitements, la poursuite de la vengeance devient un moyen de retrouver une puissance d’agir et d’affirmer une dignité. Cela est évident dans les récits de héros et d’héroïnes lésés qui cherchent à se venger des méchants, à récupérer leur honneur perdu ou à demander justice pour ceux qui leur sont chers.
La vengeance est souvent décrite comme une forme de justice auto-administrée, un moyen de rétablir l’équilibre dans un monde qui a été perturbé par des actes répréhensibles. Cela est particulièrement évident dans les cultures avec de fortes notions d’honneur et une croyance dans l’équilibre des forces cosmiques. Dans de tels contextes, la vengeance devient un moyen de corriger un déséquilibre moral et de rétablir l’équilibre de l’univers.
Malgré son attrait en tant que moyen de justice, la vengeance est souvent dépeinte comme une arme à double tranchant, porteuse du potentiel d’autodestruction et perpétuant des cycles de violence. La poursuite de la vengeance peut consommer les individus, les conduisant sur des chemins obscurs de compromis moral et, finalement, sapant leur propre bien-être.
Un thème moral
Le thème de la vengeance a été largement exploré dans la littérature, offrant un large éventail de récits qui plongent dans les complexités des émotions humaines, la moralité et les conséquences de nos actions. Des tragédies shakespeariennes aux drames criminels modernes, la vengeance a servi de puissant dispositif d’intrigue, poussant les personnages à faire des choix difficiles et à affronter leurs démons intérieurs.
La question de savoir si la vengeance est jamais justifiée reste un thème central dans la littérature et la philosophie. Alors que certains soutiennent que la vengeance est un mal nécessaire pour rétablir la justice et protéger des vies innocentes, d’autres la considèrent comme une force destructrice qui perpétue la souffrance et sape les principes du pardon et de la miséricorde. Bien que la vengeance puisse offrir une satisfaction temporaire, elle laisse souvent les individus piégés dans un cycle de colère et de ressentiment. Le pardon, d’autre part, a le potentiel de libérer les individus du fardeau de l’amertume et de leur permettre d’avancer dans leur vie.
Dans le fond, la vengeance est une émotion réactive, née d’un sentiment de douleur, d’injustice ou de perte. C’est le désir d’infliger de la douleur à ceux qui nous ont fait du tort afin de rétablir l’équilibre et d’atteindre un sens de justice karmique.
Cependant, la poursuite de la vengeance mène souvent sur une pente glissante, piégeant l’individu dans un cycle de violence et de destruction. Elle peut dévorer ses pensées et ses actions, le conduisant à prendre des décisions moralement douteuses qui peuvent finalement lui nuire et à ceux qui l’entourent.
Dans le monde du cinéma, l’attrait séduisant de la vengeance a été exploré dans d’innombrables scénarios, des classiques Westerns de John Ford aux thrillers d’espionnage modernes de James Bond. Ces récits dépeignent souvent le protagoniste comme un individu vertueux poussé à chercher vengeance contre un système corrompu ou un ennemi personnel.
Alors que le lecteur/spectateur peut initialement sympathiser avec la cause de ce personnage, le chemin de la vengeance conduit souvent à une descente dans les ténèbres et le compromis moral. Le protagoniste peut être consumé par sa quête, ayant recours à la violence et à la tromperie pour atteindre son but. Il peut perdre de vue son humanité et les valeurs qui l’ont définis.
Edmond Dantès cherche à se venger de ceux qui lui ont injustement portés atteinte, menant à un récit complexe et dramatique de trahison et de châtiment. Hamlet est poussé par un désir de vengeance contre son oncle, qui a assassiné son père. La pièce de Shakespeare explore le coût psychologique de la quête de vengeance. La protagoniste de Kill Bill, Beatrix Kiddo, cherche à se venger de ceux qui l’ont trahie, menant à un récit très singulier par Quentin Tarantino et, bien sûr, bourré d’action. The Revenant suit Hugh Glass, qui cherche à se venger après avoir été laissé pour mort par des membres de son expédition. Plusieurs personnages de Game of Thrones, comme Arya Stark et Oberyn Martell, poursuivent inlassablement une vengeance pour des raisons personnelles ou familiales dans le paysage complexe et politique de Westeros.
Justifié ?
Pourtant, malgré les risques inhérents à la vengeance, il y a des cas dans lesquels elle peut être soutenue comme un acte moral justifiable. Face à une injustice écrasante ou à la violation des droits humains fondamentaux, la poursuite de la vengeance peut être considérée comme un acte nécessaire de préservation de soi ou de protection d’autrui. Dans de tels cas, la vengeance peut être motivée par un désir de justice plutôt que par une simple gratification personnelle.
L’ambiguïté morale de la vengeance est encore plus compliquée par la nature subjective de la justice. Qu’est-ce qui constitue une réponse juste à un acte répréhensible ? Est-ce proportionnel au préjudice causé ? Ou devrait-on l’atténuer avec compassion et miséricorde ? Ces questions n’ont pas de réponses faciles et dépendent souvent du contexte spécifique de la situation.
Les récits de vengeance, en particulier ceux impliquant des meurtres et des manipulations, soulèvent souvent des questions éthiques complexes sur la nature de la justice, les conséquences de la violence et les limites de l’empathie humaine. Ces récits mettent le lecteur/spectateur au défi de confronter le côté sombre de la nature humaine et de s’attaquer aux implications morales de la recherche du châtiment. Au cœur de nombreux récits de vengeance se trouve une question fondamentale : est-il jamais justifié de prendre la loi en ses propres mains ? La poursuite de la vengeance brouille souvent les frontières entre le bien et le mal, car la vengeresse et le vengeur deviennent consumés par un désir de châtiment qui dépasse les considérations éthiques.
Le recours à la violence, même contre ceux qui ont commis des infractions graves, soulève des préoccupations au sujet de la perte de l’innocence, du risque de dommages collatéraux et de la descente possible dans un cycle de violence.
Les complots de vengeance impliquent souvent de la manipulation et de la tromperie, car le vengeur et la vengeresse utilisent la ruse pour atteindre leurs objectifs. Cela peut impliquer d’exploiter les vulnérabilités d’autrui, en utilisant leur confiance et leur loyauté pour un gain personnel. L’utilisation de la manipulation soulève des questions sur la violation de l’autonomie et l’érosion de la confiance, soulignant le potentiel destructeur d’une vengeance incontrôlée, irraisonnable. Les intrigues fondées sur la vengeance remettent souvent en question la compréhension de la justice par le lecteur et la lectrice. Celle ou celui qui se venge peut croire qu’il ou elle défend la justice en prenant les choses en main, mais leurs actes contredisent souvent les principes de l’application régulière de la loi et d’un procès équitable. L’utilisation de la violence et de la manipulation peut saper les fondements mêmes de la justice, suggérant que la vengeance n’est pas un substitut viable à un système juridique juste.
Le cas Inigo Montoya
Dans le classique Princess Bride, la poursuite incessante de vengeance d’Inigo Montoya contre l’homme à six doigts qui a tué son père, le comte Rugen, résonne avec le lecteur/spectateur en raison de plusieurs facteurs clés qui établissent sa justification morale. La motivation d’Inigo pour se venger provient d’un profond sentiment de perte et d’injustice. Le meurtre de son père, un habile épéiste et mentor, a laissé Inigo émotionnellement infirme et physiquement marqué. L’acte de l’homme à six doigts a brisé sa vie et lui a volé un avenir avec son père, créant un désir profond de châtiment.
La quête de vengeance d’Inigo est motivée par l’échec du système judiciaire à rendre justice. Le comte Rugen, une figure puissante et influente, a échappé à la punition pour son crime, laissant Inigo sans autre recours que de chercher sa propre forme de justice. Ce manque de responsabilité alimente la détermination d’Inigo à faire payer le comte Rugen pour ses actions. Car la quête de vengeance d’Inigo ne consiste pas seulement à infliger de la souffrance ou de l’affliction, mais à parvenir à une fin, à un aboutissement et d’en finir avec cette hantise qu’est le souvenir du meurtre de son père et la promesse non tenue de préserver l’héritage de sa famille.
Traduire le comte Rugen en cette justice personnelle serait un acte cathartique, permettant à Inigo de passer à autre chose et de récupérer sa vie. Les moyens de la vengeance d’Inigo, bien qu’impitoyables, sont proportionnelles à la gravité du crime. Inigo cherche à vaincre le comte Rugen dans un duel. Cette approche s’aligne sur l’idée de rétribution proportionnelle, en veillant à ce que la punition corresponde au crime.
Dans le domaine de l’écriture de scénarios, l’exploration habile de ces complexités morales peut élever les complots de vengeance au-delà de simples conventions de genre. En explorant les motivations psychologiques des personnages, leurs dilemmes moraux et les conséquences involontaires de leurs actions, les scénaristes peuvent créer des histoires qui résonnent avec le lecteur/spectateur à un niveau plus profond, l’obligeant à confronter ses propres croyances sur la justice, la vengeance et la condition humaine.
Le concept de vengeance est multiforme et souvent paradoxal, avec le potentiel d’éclairer les ténèbres de la nature humaine et d’inspirer des actes de courage et de justice. Bien qu’il soit tentant de rejeter la vengeance comme un acte intrinsèquement mauvais, son exploration dans le contexte de l’écriture de scénarios peut conduire à une compréhension profonde de la psyché humaine et des complexités de la prise de décision morale.
Alors que les scénaristes continuent à exploiter les riches veines des récits de vengeance, ils ont l’occasion de défier nos perceptions, de provoquer la pensée et, finalement, de laisser un impact durable sur la compréhension de la lectrice et du lecteur sur le monde et sur eux-mêmes.
Une réaction cosmique proportionnelle
Le concept d’une réaction cosmique proportionnelle joue un rôle important dans les complots de vengeance, ajoutant une couche de complexité morale et de profondeur thématique à ces récits. Les récits de vengeance explorent souvent les conséquences des actions, explorant comment la poursuite de la vengeance peut conduire à un cycle de violence et de destruction.
L’idée que les actions ont des réactions proportionnées suggère que ceux qui commettent des actes d’injustice finiront par en subir les conséquences, tandis que ceux qui cherchent justice par des moyens vengeurs peuvent également se retrouver enlisés dans une série de dommages et ce, même si la fin justifie les moyens.
Dans les récits de vengeance, la poursuite de la vengeance perturbe souvent l’ordre naturel des choses, mettant en mouvement une chaîne d’événements qui peuvent avoir des conséquences profondes. Le désir de rétribution peut aveugler les personnages sur la raison et la moralité, les conduisant à prendre des décisions imprudentes qui ont des impacts néfastes sur eux-mêmes et sur les autres. Cette perturbation de l’ordre cosmique peut se manifester de diverses manières, telles qu’une rupture des relations, l’escalade du conflit et la descente dans le chaos et la violence ou dit autrement, dans l’enfer.
Alors que la vengeance peut initialement offrir un sentiment de satisfaction ou de conclusion pour l’individu lésé, la poursuite de la vengeance peut également avoir des conséquences néfastes pour celui-là même qui cherche à se venger. Le poids de la colère et du ressentiment peut dévorer sa vie, conduisant à l’obsession, l’isolement et une perte de perspective. L’être qui se venge peut s’empêtrer dans un cycle de violence, perpétuant le mal qu’il cherche à éliminer.
De plus, l’acte de vengeance peut éroder le sens de la moralité et de l’humanité du vengeur, conduisant à une descente dans les ténèbres. Les récits de vengeance explorent souvent la nature illusoire d’un sentiment d’aboutissement. Alors que le vengeur et la vengeresse peuvent d’abord chercher une satisfaction ou une catharsis par leurs actions, la poursuite de la vengeance conduit rarement à une vraie guérison de l’âme ou la paix de l’esprit. Le poids de la culpabilité, la peur des représailles et le cycle infernal de la violence peuvent perpétuer le cycle du mal, les empêchant de dépasser le moment présent et de s’ouvrir à de nouveaux horizons.
Contrairement à la voie destructrice de la vengeance, les intrigues qui mettent l’accent sur l’empathie et le pardon offrent une approche plus optimiste et réparatrice pour faire face à l’injustice. Ces récits explorent le pouvoir de la compréhension, de la compassion et de la capacité de s’éloigner du ressentiment. Ils suggèrent que la vraie guérison et la réconciliation avec soi-même davantage qu’avec l’autre peuvent résider non pas dans le châtiment, mais dans le pardon et le rétablissement des liens humains.
Le concept d’une réaction cosmique proportionnelle suggère que l’univers a sa propre façon de défendre la justice, même s’il ne s’aligne pas sur les attentes humaines. Bien que le vengeur puisse rechercher un châtiment immédiat, l’univers peut fonctionner selon un temps différent, garantissant que ceux qui commettent des actes répréhensibles finiront par en subir les conséquences. Cela peut fournir un sentiment d’équilibre, même si cela n’implique pas l’intervention directe du vengeur ou de la vengeresse.
La littérature et la mythologie regorgent d’exemples de complots de vengeance qui explorent les thèmes de la justice cosmique et des réactions proportionnelles. Dans la tragédie shakespearienne, la quête de vengeance d’Hamlet contre le meurtrier de son père conduit à une spirale tragique de violence et d’autodestruction, démontrant le pouvoir destructeur d’une vengeance déraisonnée. Le mythe grec d’Orestes, qui venge le meurtre de son père en tuant sa mère, met en évidence le cycle de la violence et la futilité de chercher justice par la vengeance.
Un dilemme moral
La question de savoir s’il faut pardonner et oublier ou chercher vengeance est complexe. Il y a de puissants arguments pour chacun des points de vue.
Le pardon peut nous libérer du fardeau de la colère et du ressentiment. Garder des émotions négatives peut être toxique pour notre santé émotionnelle et psychologique, le pardon nous permet alors de laisser aller ces sentiments néfastes et d’avancer dans notre vie. Lorsque nous pardonnons à quelqu’un, ce n’est pas que nous fermons les yeux sur ses actions, nous choisissons de confronter nos propes sentiments négatifs et tentons de reconstruire une relation avec cette personne. Cela peut aider à guérir les blessures du passé et à créer un avenir plus positif.
Comme au contraire, lorsque nous sommes lésés, il peut être difficile de s’apercevoir que justice a été rendue. La vengeance peut offrir un sentiment de justification et nous aider à accepter une expérience douloureuse.
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