TUER LE DRAGON

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Les héroïnes et les héros qu’ils soient mythiques, littéraires ou dans la vraie vie suivent une marche héroïque, confrontent des dragons (c’est-à-dire des problèmes) et découvre le trésor de leur véritable nature. Bien qu’ils puissent se sentir très seuls pendant la quête ou la traversée, à la fin, leur récompense est un sentiment d’unité, de communauté, d’appartenance : avec eux-mêmes, avec d’autres et avec le monde.

Des dragons

Puisqu’il y a la vie, il existe la mort. En occident, le dragon se situe souvent dans un contexte psychologique ou philosophique et l’idée de mort qu’il véhicule s’apparente souvent à un sentiment de vide, de désespoir et exprime souvent un manque.
En effet, nous sommes des êtres de besoins : privation (sans air, sans se nourrir, alors nous dépérissons), l’absence de l’autre qui devient souffrance ; le manque appartient en propre à l’expérience de la vie.

Dans la pensée existentialiste, la mort métaphorique peut être considérée comme une condition dans laquelle un individu vit sans but ni sens. Il reflète une sorte de vide existentiel ou un sentiment d’être déconnecté de son moi authentique. Des existentialistes comme Jean-Paul Sartre et Albert Camus ont exploré le concept d’absurdité et de recherche de sens dans un univers apparemment indifférent, qui pourrait être lié à cette représentation du dragon non pas comme une personnification de la mort qui nous apparaît, plutôt comme une réalité intérieure.

Nous fabriquons notre propre vide, l’absence de l’autre s’efface et le manque seul nous consume. D’un point de vue psychologique, ce dragon pourrait représenter un état d’aliénation ou à l’inverse de détachement. Cela peut se produire lorsqu’une personne se sent séparée de ses propres émotions, de ses relations ou du monde qui l’entoure. Le dragon en nous peut résulter de divers facteurs tels qu’un traumatisme, une dépression ou un manque d’épanouissement dans sa vie personnelle ou professionnelle.

Certaines traditions philosophiques et spirituelles interprètent le dragon qui porte en lui, c’est-à-dire en nous, de si funestes desseins en termes de vide spirituel ou d’un lien véritable à une réalité transcendante plus profonde. Cela pourrait impliquer un état de mort spirituelle ou un sentiment d’être spirituellement insatisfait en dépit d’être physiquement vivant. En état de manque, nous ne sommes pas dans la vie. La vie est une incessante création et découvrir qui nous sommes vraiment en combattant le dragon nous ouvre une nouvelle vitalité.

Je ne sais si l’on peut admettre que des choses sont innées en nous mais la nécessité du parcours héroïque ne peut être négligée. Si nous ne prenons pas de risque, si nous jouons des rôles sociaux prescrits plutôt que de suivre ce à quoi nous aspirons vraiment sans même parfois oser se l’avouer, nous nous endormons et éprouvons un sentiment d’aliénation et de vide, un vide intérieur.
Ne pas trouver le courage d’affronter le dragon est une métaphore souvent utilisée pour décrire comment nous faisons face et pourquoi nous devons vaincre des défis ou des démons personnels. Il pourrait s’agir de s’attaquer à des aspects difficiles ou intimidants de la vie. Au lieu de faire face à ces défis ou ces problèmes qui nous tombent dessus de l’extérieur, nous intériorisons le désir ou le besoin de surmonter l’obstacle.

Nous pourrions insister sur le langage métaphorique en affirmant que, plutôt que de faire face à des défis externes, les individus retournent ce besoin intériorisé contre eux-mêmes. Ils déclarent une espèce de guerre contre des aspects d’eux-mêmes qu’ils jugent, à tort ou à raison, déplaisants tels que leurs corps ou leurs façons de voir les choses ou bien encore leur propre sentiment d’égoïsme. En un verbe, ils s’accusent.
Ces attributs représentent des aspects de soi qu’on peut percevoir comme indésirables, une réalité personnelle qu’on souhaite changer. Une guerre métaphorique contre ces attributs pourrait impliquer une autocritique, une pression auto-imposée ou des efforts extrêmes pour changer ces aspects. Encore faut-il en avoir le courage. En termes plus simples, ce manque de courage suggère que lorsqu’on est abattu face à l’idée de faire face à des défis externes ou de poursuivre nos objectifs (c’est-à-dire tuer le dragon), nous prenons le risque d’intérioriser et de perdre un désir de croissance personnelle, non pas un besoin plutôt une satisfaction furtive d’avoir quelque peu progressé.

Au lieu de diriger cette force, ce pouvoir, cette énergie que nous possédons tous vers l’extérieur, nous la renversons vers l’intérieur et commencons alors à critiquer ou à essayer de changer des aspects de nous-mêmes que nous considérons comme négatifs.
Mais cette guerre intime peut être nuisible, conduisant à l’autocritique et aux tentatives de surmonter les défauts perçus, souvent motivés par des attentes sociétales ou des pressions extérieures. Nous devenons des machines en refoulant nos sentiments. Nous devenons ce que les autres attendent de nous, ce que Sartre nomme la mauvaise foi et qui ne sert qu’une image de nous-mêmes pour nous garantir une espèce de réussite sociale ou une sécurité bien mal avisée.

Tuer le dragon

C’est notre âme qui est en jeu. En fuyant la quête, nous faisons l’expérience non pas de la vie mais d’une non existence, d’un vécu gaspillé, ruiné. C’est l’expérience du désert, de l’ennui.

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