Il y a peu de temps dans un scénario pour créer un lien entre le lecteur/spectateur et le personnage principal, c’est-à-dire celui avec lequel on est censé partager les émotions. On dispose d’une dizaine de pages car au-delà, la tâche devient plus difficile.
Vous possédez la liberté d’introduire un prologue dans lequel votre héros ou votre héroïne, c’est-à-dire celle ou celui sur lesquels vous souhaitez que l’aspect émotionnel de votre discours transparaîsse le plus, au cours duquel ce personnage principal n’apparaît pas encore. Les thrillers, par exemple, s’ouvrent généralement sur le méchant commettant un crime ou une transgression quelconque. Bien que cette séquence d’ouverture retarde la scène où vous montrez que votre héroïne ou votre héros sont sympathiques ou fascinants, la dynamique continue de fonctionner. Car à moins que vous n’utilisiez intentionnellement (ou par inadvertance) des indices de rapprochement ou de solidarité pour jouer avec la sensibilité du lecteur/spectateur, celui-ci saura qu’il doit s’abstenir. Il saura que vous ne lui demandez pas de s’investir dans le méchant.
Techniques de rapprochement
Les indices de lien émotionnel avec le personnage principal d’un scénario sont des dispositifs narratifs et des techniques qui aident le lecteur/spectateur à se rapprocher du protagoniste et à éprouver de l’empathie pour lui. Établir un lien fort entre le lecteur ou la lectrice du scénario et le personnage principal est essentiel pour créer un engagement émotionnel et un investissement dans le récit. Présentez le personnage principal d’une manière qui transmette immédiatement sa personnalité, ses objectifs et ses désirs. Cette première impression donne le ton de la relation de la lectrice et du lecteur avec le personnage.
De nombreux films utilisent cette première impression du personnage principal pour donner le ton de la relation que le lecteur/spectateur entretiendra avec lui. Un exemple classique est Forrest Gump. La scène d’ouverture du film, où l’on voit Forrest Gump assis à un arrêt de bus, établit immédiatement la simplicité, l’innocence et la bonté du personnage.
Son monologue d’introduction, dans lequel il dit que la vie est comme une boîte de chocolats, you never know what you’re gonna get (on ne sait jamais ce qu’on va avoir), ne donne pas seulement le ton des thèmes du récit à venir, mais il attache aussi la lectrice et le lecteur à Forrest.
Cette impression initiale permet au lecteur/spectateur de s’identifier facilement à lui tout au long de son histoire et d’éprouver de l’empathie pour son parcours de vie. Donnez au personnage des qualités ou des défauts réalistes et sympathiques (c’est-à-dire que l’on puisse reconnaître à cause que ces qualités ou ses défauts sont universels) qui le rendent plus humain et plus proche de nous. Il peut s’agir de vulnérabilités, de manies ou de problèmes communs.
Expliquez clairement les objectifs et les motivations ; c’est-à-dire le motif : pourquoi agit-il ainsi ? et le mobile : quelles ont été les conditions pour qu’il agisse ainsi ? ; du personnage dès le début de son récit. Le lecteur/spectateur est plus enclin à s’attacher à des personnages qu’il comprend et dont il peut soutenir les objectifs. Et soutenir ne signifie pas aveuglément : une action peut être mauvaise mais néanmoins acceptée si l’on comprend pourquoi elle a lieu.
Lorsqu’une action s’accomplit et qu’une réaction s’ensuit, on accepte d’autant mieux ce qu’il se passe que l’on a compris la lutte personnelle qui motive le personnage de l’intérieur car le personnage ne réagit pas aux événements extérieurs, ce sont ses sentiments et ses émotions qui l’influencent. Et ces émotions et conflits intérieurs (ses vulnérabilités, ses peurs et ses doutes) seront montrés.
Développez le sens moral et les valeurs du personnage. Montrez-le faisant des choix qui reflètent ses convictions profondes, ce qui peut entrer en résonance avec la lectrice et le lecteur. Le personnage d’Oskar Schindler, de La liste de Schindler, est une figure complexe dont les choix, tout au long du scénario, sont dictés par l’évolution de ses croyances morales.
Oskar Schindler est d’abord un homme d’affaires qui cherche à tirer profit de la main-d’œuvre juive bon marché pendant l’Holocauste. Cependant, lorsqu’il est témoin des atrocités commises par les nazis et des souffrances du peuple juif, ses convictions profondes changent. Il décide d’utiliser son usine et sa fortune pour sauver le plus grand nombre possible de vies juives, au péril de sa propre vie. La transformation de Schindler et les choix qu’il fait reflètent son engagement de plus en plus profond envers ses valeurs d’humanité et de compassion.
L’arc dramatique
Planifiez un arc dramatique qui permette au personnage principal de grandir et d’évoluer au cours de l’intrigue. Cette évolution peut renforcer le lien entre le lecteur/spectateur et le personnage. Révéler les aspects pertinents du passé du personnage qui aident le lecteur et la lectrice à comprendre ses actions et ses décisions. Veillez à ne pas vous laisser submerger par l’exposition, mais fournissez-en suffisamment pour approfondir la dimension du personnage.
Ces quelques techniques de rapprochement qui ne sont pas ici exhaustives s’avèrent utiles parce que le lecteur/spectateur est dès le début du récit dans la recherche d’un personnage avec lequel il puisse se lier. Ainsi, après avoir montré le méchant commettant un acte ignoble, il est recommandé de braquer les projecteurs sur le protagoniste, plutôt que sur un autre personnage. Car plus vous tardez à présenter votre héros ou votre héroïne, plus le lien entre le lecteur/spectateur et ce personnage, une fois qu’il s’est formé, risque d’être faible. Le lecteur/spectateur soutiendra toujours votre héros ou votre héroïne, mais pas autant qu’il aurait pu le faire si vous aviez forgé ce lien plus tôt.
Lorsqu’un lien est créé, il ne dure pas. Les différentes étapes de l’arc dramatique d’un personnage (son évolution psychique au cours de l’intrigue) renouvelle le lien. C’est comme si vous demandiez à votre lectrice et à votre lecteur d’user encore d’un peu de patience. Si le lecteur/spectateur ne commence pas relativement rapidement à voir votre héros ou votre héroïne poursuivre un objectif, avec des enjeux significatifs, il commencera à se méfier. C’est l’une des raisons pour lesquelles il faut s’assurer que votre protagoniste commence à poursuivre ce qu’il veut dès le premier quart de votre récit.
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