DIRE QUI L’ON EST

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Dire qui l’on est et dans sa vie et dans son œuvre, c’est-à-dire dans son écriture. Celle-ci sera une trace de notre passage et dans le monde et dans le temps.

Se donner au monde

L’honnêteté sera le garant pour la lectrice et le lecteur de se reconnaître en vos personnages et peut-être d’y trouver l’espoir qu’il leur manque. Ce don de soi qu’est votre écriture est constamment à redécouvrir. Le concept d’abnégation a été exploré et discuté par des philosophes, des théologiens et des penseurs tout au long de l’Histoire au grand h. Il s’agit d’une idée complexe et multiforme qui peut avoir différentes significations et interprétations dans divers contextes culturels, religieux et philosophiques.
Les sociétés et les cultures évoluent au fil du temps, tout comme leurs valeurs et leurs croyances. Ce qui est considéré comme un acte noble d’abnégation à une époque ou dans une culture donnée peut ne pas être perçu de la même manière à une autre époque ou dans une autre culture. Par conséquent, le sens et la signification de l’abnégation peuvent changer, d’où la nécessité d’une exploration et d’une redécouverte permanentes.

De nouveaux dilemmes éthiques et moraux surgissent souvent en réponse aux avancées technologiques, aux changements de normes sociales et à l’évolution des défis sociétaux. Ces dilemmes peuvent nécessiter une réévaluation des principes et des justifications de l’abnégation à la lumière de ces nouvelles circonstances. Ainsi héroïnes et héros se verront attribuer les dilemmes qui préoccupent leurs autrices et auteurs.

Le concept de sacrifice de soi (la marque de l’acte héroïque) est étroitement lié à l’identité individuelle et collective. Lorsque les individus et les sociétés redéfinissent leurs identités et leurs priorités, ils peuvent être amenés à réexaminer le rôle de l’abnégation et sa pertinence par rapport à leurs valeurs et à leurs objectifs. La nature humaine est complexe et les motivations du sacrifice personnel peuvent varier considérablement d’une personne à l’autre. Comprendre pourquoi les individus sont prêts à faire des sacrifices pour les autres ou pour une cause nécessite des recherches psychologiques et sociologiques continues. Et il faut commencer par vous interroger vous-mêmes pour que vous en compreniez la profonde importance que votre écriture a sur votre vie.

L’honnêteté n’est pas à vendre, elle s’offre. Ne vous laissez pas piéger en pensant que la façon dont les choses sont est la façon dont le monde doit fonctionner. Considérer le statu quo ou la pensée conventionnelle comme un piège fait sens lorsque l’autrice ou l’auteur adhère trop étroitement aux normes, conventions ou stéréotypes populaires existants car leur œuvre peut paraître peu originale ou banale.
Le lecteur/spectateur peut avoir l’impression d’avoir rencontré la même histoire ou les mêmes idées à plusieurs reprises, ce qui le ou la désintéresse. La créativité s’épanouit lorsqu’elle repousse les limites, remet en question les normes établies ou explore des idées non conventionnelles. Autrices et auteurs qui se sentent limités par les normes ou les attentes de la société peuvent avoir du mal à explorer des concepts nouveaux et innovants dans leur travail.

Lorsque l’auteur ou l’autrice se contente de refléter les attitudes ou les croyances dominantes de sa société sans proposer de perspective ou de critique nouvelle (c’est-à-dire être dans la répétition), leur œuvre risque de ne pas se démarquer ou d’offrir quelque chose de nouveau au lecteur/spectateur.

S’affirmer dans une espèce de critique

La littérature sert depuis longtemps de véhicule aux commentaires et aux critiques sociales. L’auteur ou l’autrice qui acceptent le statu quo sans esprit critique risquent de manquer les opportunités de faire la lumière sur des questions sociales importantes ou de remettre en question les injustices qui prévalent.

Certes, on peut choisir d’explorer et d’embrasser délibérément des thèmes ou des récits conventionnels. Toutefois, pour les autrices et les auteurs qui cherchent à créer des œuvres novatrices et inspirantes, la remise en question du statu quo peut être un moyen de se libérer des contraintes et d’offrir à la lectrice et au lecteur des perspectives et des points de vue nouveaux. En fin de compte, la décision de s’engager ou de remettre en question l’ordre des choses dépend des objectifs et des intentions artistiques de l’auteur et de l’autrice.
N’être personne d’autre que soi-même dans un monde qui fait tout son possible pour faire de vous une personne comme toutes les autres, qui vous incite à vous adapter aux attentes de la société, qui craint votre individualité et en conséquence la nie, qui ne vous offre pas d’autre alternative que de vous couler dans le moule commun et qui ne désire pas que votre intelligence vous permette de contempler et de vous adapter à d’autres modèles, et qui enfin vous façonne à la pensée dominante, signifie mener la bataille la plus difficile qu’un être humain puisse mener, et ne jamais cesser de se battre.

Dire Je ne sais pas, c’est s’affirmer dans le monde en agissant sur celui-ci. Admettre que l’on ne sait pas, c’est faire preuve d’humilité. Cela permet de reconnaître que personne n’a toutes les réponses et qu’il est toujours possible d’apprendre et de progresser. Cela encourage un état d’esprit plus ouvert et plus réceptif. Dire Je, c’est refuser l’aliénation, nous rappelle Albert Camus.

Accepter Je ne sais pas encourage la soif de connaissance. Cela motive les individus à chercher des réponses, à explorer de nouvelles idées et à s’engager dans l’apprentissage tout au long de la vie. Cela peut conduire à un développement personnel et intellectuel. Cela favorise le travail d’équipe et le partage des connaissances pour la résolution collective des problèmes. La démocratie est la moins pire de toutes les formules parce qu’elle autorise le débat.

Dans de nombreux cas, un obstacle majeur est notre conviction profonde que nous ne sommes pas intéressants. Et comme nous n’arriverons probablement pas à nous convaincre que nous sommes intéressants, n’en tenez pas compte, nous rappelle Charlie Kaufman. Même si nous ne sommes pas intéressants, nous sommes la seule chose que nous puissions offrir au monde. Par l’écriture, en nous projetant en elle, nous agissons sur le monde et nous le transformons. Car l’œuvre devient chose parmi les choses et la configuration du monde s’en trouve changée.

Authenticité

Certainement il y a des conseils à suivre pour l’écriture d’un scénario, mais la vérité est que la valeur de votre écriture ne peut venir que de vous. La façon de travailler de chacun est différente, et c’est là tout l’intérêt d’un acte créatif. Ce que vous offrez au monde, c’est vous et si vous vous offrez avec authenticité et générosité, le monde sera ému.
Nous possédons tous une blessure. C’est la tragédie de la vie qui est à la fois spécifique et commune à chacun. On la cache et on la protège ; si révélée, on sait qu’elle ne rencontrera que l’indifférence d’autrui ; elle est notre faiblesse et l’évocation de notre propre souffrance. Elle nous persuade que nous sommes impossible à aimer. C’est votre secret, même vis-à-vis de vous-même. Mais cette chose veut vivre.

Les blessures personnelles, qu’elles soient émotionnelles, psychologiques ou même physiques, peuvent parfois rester secrètes, même pour nous-mêmes, en raison de divers mécanismes de défense psychologique et de stratégies d’adaptation. Le déni est un mécanisme de défense courant qui consiste à refuser consciemment ou inconsciemment de reconnaître l’existence d’une expérience douloureuse ou traumatisante. Il peut s’agir de nier l’étendue de la douleur émotionnelle ou même de bloquer les souvenirs traumatisants. Dans ce cas, la blessure reste cachée parce qu’on ne veut pas l’affronter.
On développe souvent des mécanismes d’adaptation pour faire face à la douleur et aux traumatismes. Ces mécanismes, tels que l’humour, l’évitement ou l’insensibilisation par une quelconque addiction, peuvent temporairement aider les individus à éviter de faire face à leurs blessures, mais ils les empêchent également de reconnaître pleinement la souffrance et d’en trouver le remède. Ainsi, la répression est une forme de défense psychologique qui consiste à repousser les souvenirs ou les émotions douloureuses dans l’inconscient. Ces blessures cachées peuvent refaire surface sous forme de symptômes psychologiques ou de schémas comportementaux sans que l’individu ne soit conscient de la cause sous-jacente. Les sentiments de honte et de culpabilité peuvent conduire les individus à garder leurs blessures secrètes, même vis-à-vis d’eux-mêmes. Ils peuvent avoir honte de leurs réactions ou s’en vouloir pour ce qu’ils ont subi, ce qui rend difficile la reconnaissance et le processus de guérison.

Certaines personnes craignent d’être vulnérables et d’exposer leurs faiblesses ou leurs vulnérabilités, même à elles-mêmes. Elles peuvent penser que le fait de reconnaître leurs blessures les fait paraître faibles ou imparfaites, et elles enfouissent donc ces sentiments au plus profond d’elles-mêmes. Dans les cas graves de traumatisme, les individus peuvent se dissocier de leurs propres expériences afin de se protéger des émotions accablantes. Cela peut conduire à une perception fragmentée de soi, où la personne peut ne même pas reconnaître ses propres blessures.
Mais cette chose veut vivre, disais-je. Et votre scénario, votre histoire sans laquelle vous n’existez pas, naît de cette chose. Dans cette rencontre avec soi-même, je pense à Hegel, un philosophe idéaliste qu’il peut être utile de mentionner.

Une rencontre

Hegel part de l’idée que la conscience de soi en tant que sujet naît dans le contexte d’une rencontre ou d’une relation avec une autre conscience de soi créant ainsi une intersubjectivité, la relation de deux sujets.
Dans cette rencontre, chaque individu reconnaît l’autre comme un être conscient de lui-même. Cette reconnaissance ouvre la voie à un processus dialectique. La rencontre conduit à un conflit ou à une compétition entre les deux êtres conscients d’eux-mêmes. Chacun souhaite être reconnu par l’autre et s’engage dans une lutte pour la domination ou la reconnaissance. Maintenant considérons que cet autre soit nous-mêmes. Le dédoublement entre en jeu lorsque chaque conscience de soi considère l’autre comme une menace pour sa propre certitude et sa propre valeur. Elle considère l’autre comme un objet à dominer ou à soumettre.

Le processus dialectique se poursuit jusqu’à ce que l’un des êtres conscients de soi cède et se soumette à l’autre, devenant l’esclave tandis que le dominant devient le maître. Cette résolution de la rencontre est un moment crucial dans la philosophie de Hegel, car cela met en évidence la façon dont la conscience de soi se développe par la reconnaissance et la prise en compte de la dépendance à l’égard d’autrui.
Le concept de dédoublement de Hegel dans la dialectique du maître et de l’esclave ou de la servitude illustre la façon dont la conscience de soi voit initialement l’autre comme une menace ou un objet de domination, mais finit par reconnaître la nécessité d’une reconnaissance mutuelle et d’une interdépendance. Ce processus dialectique est un élément clé de la philosophie de Hegel, illustrant la manière dont la conscience de soi se développe et évolue à travers la dynamique sociale et relationnelle.

S’offrir soi-même

Autrices et auteurs sont comme Charlot des Temps Modernes et refusent d’être les rouages d’un système. Alors leur œuvre ne ressemblera pas à la chose de quelqu’un d’autre. Par leur écriture, ils font ce qu’ils sont. Ils ne savent peut-être pas ce qu’ils sont, mais c’est le fondement de leur créativité. Être vrai et honnête, cela se tente même si le scénario ne devient pas un film.

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