Un monde bien que fictif doit paraître réel. C’est toute la question de la mimesis. Des mots décrivent des lieux sans que la lectrice et le lecteur ne s’y soient jamais rendus, ces mêmes mots décrivent des expériences qu’ils n’ont jamais vécu ou qu’ils ne vivront jamais.
Et si.. les réactions d’un personnage nous permettaient en tant que lectrice et lecteur de nous rendre viscéral ces mots, c’est-à-dire qui évoque en eux une réponse émotionnelle ou physique forte & immédiate. Lorsqu’un texte est qualifié de viscéral, cela signifie qu’il établit un lien profond avec le lecteur et la lectrice, presque palpable, passant souvent outre la pensée rationnelle et faisant directement appel aux sens et aux émotions.
Une prose viscérale
Une prose viscérale suscite des émotions fortes chez le lecteur/spectateur. Elle peut lui faire ressentir de la joie, de la tristesse, de la colère, de la peur ou toute autre émotion puissante de manière brute et intense. Un texte lorsqu’il est viscéral utilise des descriptions sensorielles vivantes pour immerger le lecteur dans l’expérience. Il peut s’agir de descriptions détaillées d’images, de sons, d’odeurs, de goûts et de sensations physiques.
Les descriptions détaillées sont qualifiées de vivantes parce qu’elles offrent au lecteur/spectateur une expérience sensorielle riche et intense. Lorsqu’une chose est décrite de manière vivante, cela signifie qu’elle est dépeinte d’une manière exceptionnellement claire, réaliste et imaginative.
Étrange paradoxe : réalisme & imagination.
Les descriptions détaillées laissent peu de place à l’ambiguïté ou à la confusion ; elles fournissent une image précise et claire du sujet, permettant au lecteur/spectateur de se saisir et de comprendre facilement ce qui est décrit. Les descriptions vivantes créent des images mentales si réalistes et si vraies qu’elles semblent prendre vie dans l’esprit de la lectrice ou du lecteur ; ils peuvent presque voir et sentir la scène ou l’objet décrit, comme s’ils y participaient ou que l’objet soit présent.
Une prose viscérale peut provoquer de telles réactions physiques chez le lecteur/spectateur, telles qu’une accélération du rythme cardiaque, des frissons, des larmes ou une boule dans la gorge. Elle vous donne l’impression d’être physiquement présent dans la scène ou la situation décrite. Elle donne l’impression d’être authentique, comme si l’autrice et l’auteur transmettait quelque chose de réel et de vrai sur l’expérience humaine. C’est cette authenticité qui permet au lecteur et à la lectrice de s’attacher profondément au texte.
Pourquoi lier motivation & réaction ?
Dwight V. Swain a proposé dans l’un de ses ouvrages qu’à chaque réaction des personnages corresponde une motivation afin de former une chaîne claire de causes et d’effets qui motivent toutes les actions de nos personnages, par exemple lorsqu’un personnage se prend les doigts dans la portière de la voiture et pousse un cri de douleur : c’est une réaction motivée.
A chaque fois, une cause externe ou interne excite une réaction. Cette causalité voulue par l’autrice et l’auteur provoque un changement même minime : un changement dans la situation, un changement dans l’état d’esprit du personnage. Tout d’abord, que l’on soit ou non convaincu par cette espèce de règle, la causalité permet au lecteur/spectateur de s’impliquer dans le récit en s’assurant que le qui, le quoi, le quand, le où et le pourquoi ou le comment est-ce seulement possible des événements sont bien clairs.
Nous traitons le monde qui nous entoure en faisant d’abord l’expérience d’une motivation, puis en réagissant à cette expérience et c’est ainsi que nous voulons que nos personnages fassent de même. Certes, la façon dont nous percevons le monde qui nous entoure est un processus complexe et multiforme, qui ne commence pas nécessairement par une expérience de motivation.
Notre perception et notre interaction avec le monde peuvent être influencées par toute une série de facteurs, et la motivation n’est que l’un d’entre eux. La motivation peut certainement jouer un rôle important dans la manière dont nous nous engageons dans notre environnement. Lorsque nous sommes motivés pour atteindre un objectif particulier ou satisfaire un besoin spécifique, cela peut avoir un impact sur notre attention, notre concentration et notre prise de décision, par exemple si vous êtes motivé pour exceller dans votre carrière, vous serez peut-être plus attentif et concentré sur les tâches liées à votre métier.
Cependant, il est essentiel de reconnaître que la motivation elle-même peut être influencée par des stimuli externes, des états internes, des émotions et des processus cognitifs. Parfois, la motivation peut émerger en réponse à un élément de notre environnement, tel qu’une récompense ou un défi. Dans d’autres cas, la motivation peut être motivée par des désirs ou des besoins internes, comme la faim ou la curiosité.
Le processus de perception et de traitement du monde qui nous entoure est très dynamique et peut impliquer une interaction constante entre la motivation, l’attention, la cognition, les émotions et les données sensorielles. Ce n’est pas aussi simple qu’une séquence linéaire où la motivation vient toujours en premier. Selon les situations et les individus, la priorité et l’expérience de ces facteurs peuvent être différentes.
La motivation : une cause externe
Le mot externe est particulièrement important ici. Pour servir de motivation à votre personnage principal, cet événement requiert l’intervention d’une force extérieure. Généralement, cet événement est lié à nos cinq sens, comme l’odeur d’un délicieux repas ou la vue d’une meute de loups.
Cependant, il est possible que les pensées ou les souvenirs de votre personnage déclenchent sa réaction. Bien que cela ne soit pas techniquement externe à votre personnage, cela remplit le même rôle basique.
Idéalement, la motivation doit avoir un impact direct sur le personnage, le lecteur/spectateur ou l’intrigue, si ce n’est les trois. Un exemple de motivation dans le contexte d’un danger immédiat est la réaction de lutte ou de fuite. Lorsqu’un individu perçoit une menace ou un danger imminent, son corps et son esprit sont motivés pour réagir rapidement afin d’assurer sa survie.
- Motivation
Le personnage est dans une forêt et soudain il rencontre un animal apparemment féroce, un sanglier par exemple. - Perception du danger
Votre cerveau traite rapidement les informations sensorielles et reconnaît le sanglier comme une menace importante. - Réponse motivée
Dans cette situation, votre corps subit une poussée d’adrénaline et d’autres hormones de stress. Cette réponse physiologique est le moyen pour le corps de vous préparer à affronter le danger (combattre) ou à le fuir (s’enfuir). - Réaction
Selon votre réaction instinctive ou votre entraînement, vous pouvez choisir de vous enfuir (fuir) ou résister et tenter de faire fuir le sanglier (combattre) : votre rythme cardiaque s’accélère, vos sens s’aiguisent et vous vous concentrez sur la menace immédiate. Cet état d’alerte et de préparation physique est motivé par la volonté de survivre.
Dans cet exemple, la motivation est le danger immédiat que représente le sanglier et la réaction est la réaction de lutte ou de fuite, qui est une réaction physiologique et comportementale destinée à augmenter les chances de survie face à un péril imminent.
Il s’agit d’une forme primitive et instinctive de motivation et de réaction qui a évolué pour assurer notre sécurité dans les situations dangereuses. Notez que la motivation vient toujours avant la réaction.
La réaction : une émotion
Vient ensuite la réaction, qui est la réponse interne et subjective de votre personnage à la suite de sa motivation.
L’émotion vient en premier, car il s’agit d’une réponse automatique à des stimuli externes. Ensuite, vous aurez un réflexe physique, tel que votre cœur qui s’emballe ou votre main qui se porte à votre poitrine. Ensuite, vous ferez un choix, même subtil, qui prendra la forme d’une action spécifique. Enfin, il se peut que vous traduisiez cette action en paroles, en fonction de la situation. Et cet ordre singulier sera respecté. En fait, au fur et à mesure que vous décrivez la réaction, vous passerez lentement de réactions subconscientes et involontaires à des actions conscientes et intentionnelles.
Il n’y a aucune obligation à ce que la motivation et la réaction associée soient liées dans le temps ; elles peuvent être aussi de durées variables. Dans l’écriture d’un scénario, il est courant de séparer la motivation d’un personnage de sa réaction immédiate afin de créer une tension dramatique et un conflit. Cela peut donner lieu à des récits captivants. Un exemple classique de cette technique se trouve dans Le Parrain de 1972, réalisé par Francis Ford Coppola et basé sur le roman de Mario Puzo.
Michael Corleone a une réelle motivation pour s’éloigner de l’empire criminel de sa famille et vivre une vie légitime. Cependant, tout au long de ce récit, ses réactions sont souvent en contradiction avec cette motivation.
- Motivation : Michael veut protéger sa famille et préserver son honneur.
- Réaction : Il réagit aux menaces et aux attaques contre sa famille en s’impliquant davantage dans le monde de la mafia, et finit par prendre le contrôle de l’entreprise familiale.
- Motivation : Michael aime sa petite amie, Kay Adams, et veut la protéger des activités criminelles de sa famille.
- Réaction : Il ment à Kay sur l’implication de sa famille dans des activités criminelles et va même jusqu’à la repousser pour la protéger.
- Motivation : Michael veut être un citoyen respectueux des lois et éviter les ennuis.
- Réaction : Il a recours à la violence, y compris en ordonnant de tuer des membres de gangs rivaux, pour protéger sa famille et maintenir son pouvoir.
Dans chacun de ces cas, la motivation de Michael à protéger sa famille et à préserver son honneur entre en conflit avec ses réactions, qui impliquent souvent le recours à la violence et à des activités criminelles. Ce conflit interne donne de la profondeur à son personnage et crée une tension dans l’histoire, faisant du Parrain un exemple classique de la façon dont les motivations peuvent être séparées des réactions dans l’écriture d’un scénario pour conduire la narration et le développement du personnage.
Tout personnage comme Michael Corleone a ses propres arcs narratifs, ses objectifs, ses désirs et ses besoins mais il a aussi sa propre personnalité qui dicte la façon dont il réagit aux événements.
C’est une réponse à l’un de nos lecteurs que nous remercions encore vivement de sa participation et de son intérêt en Scenar Mag.